Journées d'été EELV : pourquoi l’acte 1 de la refondation du parti se jouera à Grenoble

ANALYSE. Alors que le fief du maire écologiste Eric Piolle est déjà mis en lumière par le label de Capitale Verte 2022 décroché auprès de la Commission européenne, et si le prochain Congrès EELV se jouait déjà à Grenoble ? La capitale des Alpes accueillera en effet les journées d'été du parti écologiste du 25 au 27 août prochain. Une étape clé tant pour le maire écologiste, candidat malheureux à la primaire, que pour le mouvement écologiste, qui fait l'objet d'un appel à la refondation lancé par ses cadres, et qui cherche encore sa place au sein de la coalition Nupes bâtie à l'issue des dernières législatives.
(Crédits : DR/ML)

La rentrée s'annonce chargée, non seulement sur les bancs de l'Assemblée nationale, où l'alliance de la Nupes est attendue au tournant pour faire valoir la voix de l'opposition sur les principaux dossiers (pouvoir d'achat, retraites, etc.), mais également en vue du prochain Congrès de novembre pour le parti écologiste.

Si la candidature écologiste à la présidentielle (4,6%) faisait craindre le pire, les législatives ont atténué cet échec en permettant aux Verts d'obtenir 23 sièges, leur meilleur score, et de constituer leur propre groupe à l'Assemblée nationale. Toutefois ce résultat a été obtenu grâce à une alliance avec les partis de gauche, la Nupes, dominé par les 75 députés de La France insoumise...

Pas facile d'exister donc pour les écologistes, et de peser sur les sujets de transition écologique qui leur tiennent à cœur au sein de cette nouvelle coalition, où la question de l'invisibilité d'EELV est souvent revenue sur le tapis au cours de l'été :

"Des adhérents nous disent : on ne vous entend plus face aux 75 députés de La France insoumise", estimait à l'AFP le porte-parole d'EELV, Alain Coulombel, tandis que la députée EELV Sandra Régol estimait quant à elle "qu'en dehors de LFI, personne n'est visible", et n'avait pas l'impression que le parti "s'en tire si mal que ça".

L'acte 1 d'une refondation du parti esquissée à Grenoble

Récemment, des membres ont demandé une consultation de leurs 13.000 adhérents afin qu'ils se prononcent sur la nécessité de mener une refondation de leur parti, challengé par les récents scores de LFI.

Dimanche 21 août, c'est même une tribune, publiée au sein du JDD, qui appelait à la "refondation" du parti Europe Écologie Les Verts, afin de créer un mouvement plus large allant au delà de sa communauté d'adhérents actuelle.

Ce texte a confirmé le besoin d'un telle consultation. Il a d'ailleurs était soutenu par plusieurs cadres du parti comme l'ex-candidat à l'élection présidentielle Yannick Jadot, la candidate à la succession de Julien Bayou, Marine Tondelier, la maire de Poitiers Léonore Moncond'huy, l'ancien député et mathématicien Cédric Villani, mais aussi des élus locaux, comme le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, le sénateur de l'Isère Guillaume Gontard, ou encore la députée de la Drôme, Marie Pochon.

A Lyon, le président écologiste de la Métropole Bruno Bernard, qui avait assumé un temps le rôle de délégué aux élections et relations avec les autres partis, même s'il n'est pas officiellement signataire, affirme à La Tribune que ce texte va dans le même sens que le document qu'il avait lui-même publié en interne en juin dernier :

"Je me réjouis que cette nécessité de refonder le parti en interne semble partagée par la majorité du mouvement. Je suis convaincu qu'il faille refonder totalement le mouvement écologiste, l'élargir fortement mais aussi le simplifier. Plus qu'une question d'image, l'enjeu est d'avoir un parti qui fonctionne mieux car l'une des raisons de l'échec aux présidentielles a été la faiblesse du parti, qui n'est pas très fort nationalement et dispose d'un fonctionnement trop axé sur l'interne et chronophage".

A Grenoble, le maire EELV Eric Piolle a comme 600 autres élus pris position en faveur de cette tribune :

"Nous sommes dans une phase stratégique importante pour les écologistes où, après une présidentielle ratée et des législatives réussies grâce à un accord avec la Nupes, il est devenu important de voir comment le parti peut combler ses manques et avoir la capacité de représenter la société française et toutes ses dimensions, dont celles des quartiers populaires, mais aussi des espaces ruraux", argumente le maire de Grenoble.

L'une des missions du parti écologiste, qui attend cette année près de 2.000 à 3.000 participants lors de ses traditionnelles journées d'été qui se tiendront à Grenoble, sera donc de rebâtir une ligne claire pour un parti auquel est souvent reproché une culture plus "individualiste". Et ce, alors que les AMFiS, universités d'été de La France insoumise (LFI), se tiendront elles aussi du 25 au 28 août prochain à une petite centaine de kilomètres de là, à Valence (Drôme).

"Les écologistes sont sociologiquement plus individualistes et ont du mal à se mettre à travailler plus collectivement car ce sont souvent d'anciens cadres ou managers très méticuleux, issus de la société civile, qui veulent connaître leurs sujets à fond et entrer dans le détail, sans prendre le temps de lever le nez et c'est souvent ce qui leur est reproché", observe Erwan Lecoeur, chercheur associé au laboratoire Pacte de Grenoble, spécialiste de l'extrême droite et de l'écologie politique.

La gouvernance, l'enjeu numéro 1

Et c'est d'ailleurs sur fond de questionnements autour de la future gouvernance du parti que s'ouvriront ces journées d'été : car en marge du prochain Congrès EELV, qui est prévu à l'automne, les candidatures sont ouvertes, avec l'apparition des premières divergences.

L'une des premières interrogations portera sur le maintien ou non de Julien Bayou à la tête du parti, alors même que le règlement intérieur impose un non-cumul des mandats, suite à son élection en tant que député. Même chose d'ailleurs pour la numéro 2 du parti, Sandra Régol, alors que deux autres députés élus (Eva Sas et Jérémie Iordanoff) ont déjà fait le choix de quitter leurs fonctions, à la suite de leur élection.

Mais les règles de gouvernance qui pourraient encadrer le futur mouvement écologiste en cas de refonte restent à redessiner, comme le rappelle l'écologiste Bruno Bernard, membre de la commission électorale du parti :

 "Aucun sujet n'est tabou. La question est avant tout de savoir comment avoir un parti fort, ce qui dépend aussi des personnalités qui sont à sa tête (...). Aujourd'hui, on peut déjà être président d'une métropole ou parlementaire et membre d'une commission exécutive. L'important est surtout de garantir un non-cumul des mandats à l'externe".

De son côté, Eric Piolle reste plus mesuré : "Je ne vois pas quelque chose qui soit plus consensuel actuellement que le partage des responsabilités", tout en laissant la porte ouverte à ce que des élus parlementaires ou maires puissent "jouer un rôle" dans la nouvelle gouvernance du parti.

Du côté des candidats, les jeux restent là aussi ouverts : personne ne s'est encore officiellement déclaré pour succéder à Julien Bayou, mais le nom de Marine Tondelier, élue d'opposition à Hénin-Beaumont face à Marine Le Pen et initiatrice du collectif interne "La Suite", a été plusieurs fois avancé comme une possible candidate.

Elle figure d'ailleurs en haut du programme de ces journées écologistes, comme l'une des organisatrices, aux côtés d'Eric Piolle, dont elle est proche puisqu'elle a été sa directrice de campagne lors de la primaire EELV.

"Marine Tondelier a compris qu'après les échecs des présidentielles et des législatives, la refondation du parti était absolument nécessaire. Elle a écrit un texte ambitieux à ce sujet qui souhaite ouvrir la réflexion pour repenser et créer la social écologie de demain. Reste à savoir jusqu'où elle pourrait aller, en parvenant à concilier les timides et ceux qui veulent aller plus loin", estime le sociologue Erwan Lecoeur.

Et d'ajouter : "Elle est l'une des rares à avoir compris que s'il n'y avait pas de candidature forte du côté de la social écologie en 2027, il est probable que la France puisse passer aux mains de l'extrême-droite. Elle sait déjà ce que c'est que d'avoir le RN au pouvoir dans sa ville, à Hénin-Beaumont".

"L'un des enjeux de ces journées d'été sera bien entendu de voir les rapports de force et les orientations de chacun, et constituera certainement un moment important en amont du Congrès, comme c'était déjà le cas à Poitiers l'an dernier en amont des primaires, avec les discours des possibles candidats", résume Guillaume Gontard, sénateur EELV de l'Isère.

Les élus locaux resserrent les rangs

Côté local, ces journées pourraient également s'appuyer sur l'émergence d'une nouvelle génération d'élus Verts qui a germé en Auvergne Rhône-Alpes, et qui devraient se croiser dans les allées de l'Université Grenoble Alpes : à commencer par les maires écologistes Grégory Doucet (Lyon), Eric Piolle (Grenoble) et François Astorg (Annecy) ainsi que le président du Grand Lyon Bruno Bernard, la cheffe de l'opposition régionale Fabienne Grébert, et les sénateurs écolos Guillaume Gontard (Isère), Thomas Dossus (Rhône) et Raymonde Poncet (Rhône).

Sans oublier les députés verts fraîchement élus : Cyrielle Chatelain (Isère), Marie-Charlotte Garin (Rhône), Jeremie Iordanoff (Isère), Julien Laferrière Hubert (Rhône) et Marie Pochon (Drôme), qui sont venus nourrir les rangs du tout nouveau groupe écologiste fondé à l'Assemblée nationale.

Le maire écologiste de Grenoble, qui faisait figure de précurseur lors de son élection en 2014, pourrait d'ailleurs profiter de ces rencontres pour amorcer "une nouvelle phase" de son second mandat et repartir à la conquête du coeur des écologistes. Car à l'issue des élections métropolitaines où écologistes et PS se sont écharpés sur les noms des candidats à la succession du PS Christophe Ferrari, mais aussi après l'échec de sa candidature à la primaire écologiste en 2021, et plus récemment, la polémique suscitée sur la question du vote porté par sa majorité sur la question du burkini, l'élu grenoblois a connu plusieurs mois délicats.

Retoquée par le Conseil d'Etat, sa délibération spécifique, qui visait selon Eric Piolle "à l'origine à garantir l'égalité hommes-femmes en ne réduisant pas à l'accès à des équipements publics comme les piscines municipales à des questions vestimentaires", a fait la Une des médias, crispant de fait, en interne, une partie des parlementaires écologistes lors de la campagne des législatives.

"Avec ce vote, Eric Piolle a tenté, à un moment où LFI devenait une force majeure de la gauche, de s'imposer indirectement comme un héritier de Jean-Luc Mélenchon, alors que se posait et se pose toujours la question de la succession d'une personnalité comme le leader de la France Insoumise, dans une contexte de tripartition de la vie politique. Mais elle a été mal comprise et a gêné une partie de l'exécutif en interne, pour finalement être carrément annulée par le Conseil d'Etat", rapporte une source proche du milieu écologiste.

Avec la question de savoir quel rôle Eric Piolle pourrait donc désormais encore jouer au sein de l'exécutif renouvelé d'EELV.

Comment exister face à la Nupes ?

Plus qu'une histoire de noms, le choix du numéro 1 d'EELV reviendra également à savoir quelle position le parti assumera face à la Nupes, et comment il compte "exister" durant les cinq ans à venir, au sein de cette jeune coalition.

A ce sujet, les avis divergent : Marine Tondelier serait par exemple la garante d'une ligne "intermédiaire" où l'écologie demeure une ligne politique à part entière, tout en assumant la possibilité de réaliser des coalitions, tandis que circuleraient également, au sein du parti EELV, d'autres courants, comme le rappelait à l'AFP le député de la première circonscription d'Indre-et-Loire, Charles Fournier, avec une ligne "où certains considèrent que l'écologie n'est pas soluble dans la gauche, et donc dans la Nupes", et une autre ligne plus "unioniste à gauche".

"La coalition existe et elle s'est dotée d'un programme commun. Les parlementaires travaillent donc déjà, depuis les élections, dans un intergroupe qui est en train de se structurer et les liens inter-personnels sont également en train de se construire en parallèle", témoigne pour sa part Marie Pochon, nouvelle députée écologiste de la Drôme, qui mise sur le pragmatisme.

Pour autant, plusieurs, à l'image de Bruno Bernard, rappellent que la Nupes est aujourd'hui "un intergroupe", mais pas un "mouvement" avec des adhérents.

"Même si cela a permis au mouvement écologiste d'avoir davantage d'élus et de montrer que les forces de gauche n'étaient pas irréconciliables, il est important d'entamer un travail de fond car on a constaté que les enjeux écologistes que nous souhaitons défendre sont passés au second plan au sein de la Nupes. On a naturellement besoin d'une force écologiste qui se refonde", estime le président du Grand Lyon.

De son côté, Eric Piolle espère justement symboliser à cette occasion la synthèse du positionnement que pourrait prendre ce nouveau pôle écologiste, en s'appuyant sur sa propre coalition, formée depuis son premier mandat en 2014, avec des forces de la gauche dont les Insoumis (dont son ex-première adjointe, Elisa Martin, élue depuis députée au sein de LFI) mais aussi des membres de la société civile.

Cap sur 2024 et la question d'une nouvelle alliance

Avec, en ligne de mire, un nouvel enjeu électoral qui se dessine déjà pour le nouvel objet politique à construire : à savoir, quelle sera la ligne qui pourrait s'ouvrir en prévision des futures élections européennes ? Une coalition Nupes est-elle reproductible ?

Pour l'eurodéputé Yannick Jadot, la position est claire : une liste écologiste autonome de la Nupes serait selon lui "souhaitable" aux européennes compte-tenu des "différences" qui demeurent avec La France insoumise. Même chose pour Bruno Bernard, qui estime que les divergences autour des questions européennes et internationales "sont trop fortes à ce stade" au sein de la gauche pour parvenir à une alliance.

"Les européennes sont un bon exemple d'une élection où chacun peut au contraire exprimer ses spécificités et il ne me choquerait pas que chaque pôle de gauche, les écologistes, le PS et LFI, puissent présenter des candidats de manière distincte, compte-tenu également du mode de scrutin à la proportionnelle. Là où on fait transparaître différentes sensibilités ne veut pas dire désunion", abonde le sénateur écologiste Guillaume Gontard.

De son côté, le sociologue Erwan Lecoeur estime que les partis ne devraient cependant pas sous-estimer l'importance prise par la Nupes au sein de l'échiquier politique : "Les électeurs ont déjà démontré qu'ils détestaient les partis politiques et qu'ils adoraient au contraire les coalitions. Les partis devront donc réfléchir cet été, à travers leurs universités d'été, et pourraient y voir un modèle pour construire la social écologie de demain. Car sans elle, on ne donne pas cher de l'avenir de chaque parti recroquevillé sur lui-même".

En attendant, les Verts comptent bien plancher dès le mois d'août sur certaines lignes programmatiques qui pourraient bien marquer leur différence et leur permettre de "peser" dans les discussions :

"Auvergne Rhône-Alpes est une région où les implantations d'EELV sont en croissante constante, où nous comptons encore deux députés de plus rien que sur le département de l'Isère. Marie Pochon a remporté un siège dans la Drôme, qui constituait l'une des circonscriptions les plus rurales de France et qui démontre que l'écologie n'est pas uniquement l'affaire des bobos urbains et métropolitains", décrypte Guillaume Gontard, qui voit là "une occasion de démontrer que les écologistes ont un rôle à jouer sur la question d'une consommation basée sur les ressources dont on dispose au niveau local".

Car l'un des enjeux des Verts durant ces journées d'été sera en effet de sortir leur carte "sociale" et de mieux parler aux territoire ruraux et périurbains, qui ont alimenté les réservoirs de voix du Rassemblement national aux dernières législatives.

Ce sera notamment l'un des chevaux de bataille de la députée Marie Pochon, qui compte désormais porter "la voix de la ruralité" à des citoyens qui se sentent parfois "enfermés" sur des sujets comme l'utilisation de la voiture individuelle : "c'est à nous d'aller proposer des solutions à des personnes qui vivent en monde rural et de leur montrer également qu'elle peuvent réduire un nombre de dépenses contraintes en développant de nouveaux modes de transport et de consommation."

L'écologiste Fabienne Grébert, qui endosse depuis l'an dernier la casquette de cheffe de file de l'opposition de la gauche à la Région Auvergne Rhône-Alpes face au LR Laurent Wauquiez, défend même pour sa part "plus de radicalité" dans les discours à porter : "La question n'est pas de savoir aujourd'hui si l'on doit imposer les profits, mais de dire qu'il n'y a pas d'économie qui va bien dans un monde qui va mal. Il y a urgence à financer des politiques publiques autour de la rénovation énergétique, des transports du quotidien et à développer des politiques agricoles plus vertueuses".

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Commentaires 2
à écrit le 25/08/2022 à 8:36
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Les écolos, c’est une juste cause, la durabilité de nos systèmes, et 20 ans d’erreurs dans leurs « combats ».. L’écologie, la problématique Carbone, sont des sujets trop sérieux pour être laissés à des amateurs!

à écrit le 24/08/2022 à 6:16
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Il faut de l'eau pour lutter contre les canicules les sécheresses et les feux ... Bizarrement en France ce sont uniquement les "Écologistes" qui bloquent les projets et même détruisent les réserves existantes ... ni avion ni réserve d'eau mais des c...

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