Métropole grenobloise. Un revers pour la majorité d’Eric Piolle

L’annonce de la reconduction du maire socialiste Christophe Ferrari à la tête de la métropole grenobloise, face au candidat écologiste d’Eric Piolle, Yann Mongaburu, a fait l’effet d’une bombe dans la sphère EELV, remontant même jusqu’à Paris. Les écologistes y voient une élection sous le signe du déshonneur, obtenue avec les voix de la droite, dans un scrutin qui représentait également un symbole pour le maire écologiste, suite à la vague verte des municipales.
Eric Piolle a immédiatement réagi vendredi soir à la suite de l'élection de son ancien allié socialiste, en annonçant qu'il ne participerait pas à cette nouvelle majorité.
Eric Piolle a immédiatement réagi vendredi soir à la suite de l'élection de son ancien allié socialiste, en annonçant qu'il "ne participerait pas à cette nouvelle majorité. (Crédits : DR)

L'élection avait tout d'un test politique pour le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, et sa majorité de la gauche plurielle, qui sortait des municipales renforcée, en recueillant 53% lors du second tour. Mais ce vendredi, c'est un tout autre scénario qui s'est joué lors de l'élection à la présidence de la métropole grenobloise. Alors que la ville centre et l'équipe d'Eric Piolle issue de la majorité entendait prendre les rênes de cette intercommunalité de 450 000 habitants, le président sortant Christophe Ferrari, un ancien socialiste jusqu'ici allié de cette majorité de la gauche plurielle, souhaitait lui aussi en conserver les rênes.

Après trois tours de scrutin où la droite s'est immiscée comme arbitre et près de 11 heures de débat, le duel fratricide a abouti à une rupture consommée entre les deux alliés des six dernières années. Alors qu'Eric Piolle n'avait pas hésité à soutenir lui-même publiquement, à plusieurs reprises, son candidat, rappelant qu'il était notamment le mieux placé pour défendre la nouvelle majorité issue des urnes, le maire de Grenoble comptait une nouvelle fois ouvrir la voie, comme en 2014, et s'imposer comme un pionnier en faisait élire un écologiste à la tête de Grenoble Alpes Métropole.

"Nous avons construit un projet et un cap politique qui a plutôt tendance à prendre de l'ampleur dans le pays", rappelait Eric Piolle, appelant les élus du conseil métropolitain à "amplifier les transitions" et à "passer à l'échelle supérieure".

Après une première prise de parole pour soutenir son candidat, Yann Mongaburu, le maire EELV est même allé jusqu'à demander, à l'issue du premier tour de scrutin, le retrait pur et simple "du candidat arrivé second", sans le nommer explicitement, afin que celui-ci se range derrière la majorité. Et ce, alors même qu'une seule voix (52 et 51 voix sur un total de 119) départageait à ce moment-là les deux candidats issus de la gauche plurielle.

"Nous demandons le retrait du candidat arrivé second afin de permettre une élection lisible et qui corresponde au périmètre de la majorité portée dans les urnes de la métropole", avait indiqué le maire EELV.

Un "accord" qui se passe pas

Le duel fratricide a duré jusqu'à l'aube du 3e tour, où le candidat de la droite et du centre, Dominique Escaron, loin derrière avec 16 voix, s'est finalement retiré de la course. L'élection de  Christophe Ferrari, obtenue vers minuit grâce au report du vote de droite et du centre (à 62 voix contre 54 pour son rival Yann Mongaburu), a fait bondir plus d'un internaute de la sphère EELV et Generation.s, de Grenoble à Paris, en passant par Lyon.

Car au cours des six dernières années, le rassemblement EELV associé au parti de gauche et à plusieurs mouvements citoyens d'Eric Piolle avait jusqu'ici gouverné la métropole aux côtés du groupe communiste, du groupe socialiste ainsi que d'un bloc comprenant les petites communes de l'agglomération. Avec, à sa tête, l'ancien socialiste Christophe Ferrari, sans étiquette depuis 2018.

"J'avais soutenu le candidat Christophe Ferrari car je pensais que Christophe était, à ce moment-là, la bonne personne compte-tenu de notre histoire. Si nous faisons aujourd'hui un choix différent, c'est que nous pensons que nous avons besoin d'Yann Mongaburu pour faire désormais ce travail à la métropole", a justifié Eric Piolle, affirmant que ce choix n'était en rien "revenir sur la qualité du travail que nous avons fait".

Dès l'entre-deux tours du scrutin, le groupe EELV grenoblois avait à son tour haussé le ton et prévenu :

Face à cette impasse, Eric Piolle a immédiatement réagi vendredi soir à la suite de l'élection de son ancien allié socialiste, en annonçant qu'il "ne participerait pas à cette nouvelle majorité", tandis que d'autres conseillers municipaux de la majorité de gauche ont fait entendre leur désaccord :

Une résonance nationale

Mais la nouveauté étant que cette fois, le bruit a porté bien plus loin que Grenoble, allant même jusqu'à trouver des échos à Lyon ainsi que dans la capitale, où plusieurs soutiens de Verts se sont insurgés d'une élection marquant d'après eux le déshonneur d'un "accord" avec la droite.

Le nouveau président écologiste du Grand Lyon, Bruno Bernard, a lui-même retwitté les propos suivants :

Même l'ex-journaliste Audrey Pulvar, a jugé bon de commenter la nouvelle vu de Paris :

Le PS tente un rappel à l'ordre

Interpellé à plusieurs reprises sur la toile face à ce tollé, le premier secrétaire du parti socialiste, Olivier Faure, a lui-même adressé un rappel à l'ordre à ses homologues isérois :

Une réaction rejointe également par la fédération locale du Parti Socialiste, qui a fait état d'une motion adoptée à l'unanimité des membres du conseil fédéral de l'Isère du PS, le lendemain de cette élection, dans laquelle celui-ci affirme "regretter les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'élection du président de la Métropole grenobloise".

Et d'ajouter une mise en garde : "La gauche dirige de très nombreuses collectivités en France dans le respect des sensibilités et la loyauté envers les uns et les autres. Il ne peut en être autrement à Grenoble".

"Les socialistes isérois appellent Christophe Ferrari à engager sans tarder des discussions avec les forces de gauche et les quatre groupes du conseil métropolitain qui partagent ces valeurs pour constituer un exécutif avec le plus large rassemblement à gauche et le respect des équilibres géographiques", a indiqué le conseil fédéral du PS, comme préalable au soutien des élus socialistes pour cette nouvelle majorité.

Et ce, alors que l'isérois Christophe Ferrari avait quitté officiellement le PS en mars 2018, afin de se déclarer "libre de toute appartenance partisane".

Reste à savoir ce qu'il adviendra de la majorité sortante de la gauche plurielle, qui avait  semblait jusqu'ici unie depuis six ans. Avec 90 sièges sur 119 élus, elle pouvait jusqu'ici se targuer d'avoir obtenu une large majorité pour gouverner la métropole en juin dernier.

Qu'en sera-t-il demain, si les deux principaux blocs soutenus par Eric Piolle et par le parti communiste lui faisaient défaut ? Plusieurs observateurs prédisent l'émergence d'une supercollectivité ingouvernable, qui pourrait même exploser en plein vol sans le concours de la ville-centre. La nouvelle métropole a clôturé sa séance vendredi après 11 heures de débats, sans parvenir à nommer son exécutif.

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