Réindustrialisation : "il ne suffit pas de claquer des doigts, il faut des changements profonds" (Laurent Wauquiez)

A l'occasion du Forum Transformons la France organisé par La Tribune, le président d'Auvergne Rhône-Alpes Laurent Wauquiez est revenu sur sa vision de la réindustrialisation : à la tête de la première région industrielle de l'Hexagone, l'élu LR a rappelé que la France "ne peut pas se résumer à la startup nation". En parallèle à ses ambitions de devenir "la première région industrielle décarbonée", Laurent Wauquiez a dessiné, face à l'économiste Nicolas Bouzou, ses propres pistes, régionales, mais aussi nationales. Retrouvez son intervention en vidéo ici.
Le nucléaire est notre seul atout de compétitivité industrielle, a martelé le président de Région, qui est revenu sur les grands axes de sa politique énergétique visant à faire d'Auvergne Rhône-Alpes une région décarbonée. Avec, entre autres le souhait de ne pas réitérer le fiasco rencontré au sein de la filière du photovoltaïque. Beaucoup d'argent public a été injecté sans qu'aucune clause d'approvisionnement local ne soit spécifié.
"Le nucléaire est notre seul atout de compétitivité industrielle", a martelé le président de Région, qui est revenu sur les grands axes de sa politique énergétique visant à faire d'Auvergne Rhône-Alpes une région "décarbonée". Avec, entre autres le souhait de ne pas réitérer "le fiasco" rencontré au sein de la filière du photovoltaïque. "Beaucoup d'argent public a été injecté sans qu'aucune clause d'approvisionnement local ne soit spécifié". (Crédits : DR/Valentin Astier)

Relocalisation et réindustrialisation : après le plan France relance et désormais le plan d'investissement France 2030, ces deux termes ont été élevés, depuis la crise sanitaire, au rang des priorités pour l'Hexagone.

En Auvergne Rhône-Alpes, elles prennent un sens tout particulier : déjà première région industrielle de France et inscrite dans le top 5 européen, ce territoire conduit par le président LR Laurent Wauquiez veut désormais aller un cran plus loin : à l'occasion de son second mandat, celui-ci avait déjà annoncé sa volonté d'accélérer la mue industrielle de son territoire, de même que sa transition verte.

Un élément dont il est venu préciser méthodologie et contours, prises de positions à l'appui, jeudi 9 décembre dernier, à l'occasion du Forum Transformons La France, organisé par La Tribune"Ma priorité numéro 1 est l'industrie. Il s'agit de la première pierre sur laquelle nous construisons l'économie d'Auvergne Rhône-Alpes", a rappelé l'élu.

Et d'ajouter : "J'ai détesté cette période où la France a pensé qu'elle pouvait se contenter d'accueillir uniquement des bureaux d'ingénieurs et laisser partir la production et les emplois à l'étranger. C'est bien pour cette raison que nous avons lancé, depuis un an, un grand plan d'un milliard d'euros afin d'aider les entreprises à relocaliser les chaines de production ici", a expliqué le président de Région.

Car l'ambition de l'élu LR est claire : à horizon 2030, Auvergne Rhône-Alpes devra être la première région industrielle décarbonée d'Europe.

Mais pour parvenir à relocaliser et à pérenniser son tissu industriel, Auvergne Rhône-Alpes doit relever deux défis : le virage de l'industrie du futur et le challenge de la décarbonation de celle-ci. Deux défis qui se traduisent à la fois à l'échelle locale, mais également nationale pour Laurent Wauquiez.

Une méthode et des projets

Pour cela, l'élu, un temps pressenti comme un candidat à la primaire de la droite pour 2022 avant de se retirer de la course, a rappelé son plan de match. A commencer par sa méthode, qui est celle qu'il revendique depuis son élection à la tête de la Région : le fameux "travailler ensemble". "Ici, nous additionnons les forces du public et du privé, main dans la main : les grands groupes, les pouvoirs publics, les startups et la recherche", explique-t-il.

Pour autant, la France "ne peut pas se résumer à la startup nation", a rappelé Laurent Wauquiez, en écho aux politiques French Tech avancées par le gouvernement Macron au cours du mandat écoulé.

De son côté, la scientifique numéricienne et entrepreneuse française spécialisée dans les algorithmes et la modélisation numérique Aurélie Jean, installée en Californie, a également rappelé le rôle du monde de la recherche, et notamment de l'université, comme la première brique pour réussir l'industrie du futur :

« Dans toutes les grandes transformations que l'on a rencontrées, que ce soit dans le nucléaire ou la génétique par exemple, la science a été le pilier fondamental pour faire grandir ces industries. Il faut donc investir dans la recherche publique et privée, et dans une dimension de moyen et long terme, car on ne peut pas être court-termiste lorsqu'on développe une vision scientifique », a soutenu Aurélie Jean.

Sur le plan opérationnel, Laurent Wauquiez a de son côté traduit cette volonté par plusieurs dossiers emblématiques, qui illustrent son ambition de croiser les enjeux de développement économique et d'économie verte : en commençant par être en capacité de produire, à moyen terme, un vélo 100% made in AuRA. Ou encore de fabriquer, en Isère, la future génération d'écrans LED basse consommation à travers le projet de la startup industrielle Aledia.

Sans oublier, bien sûr, le projet de l'hydrogène vert. Un dossier sur lequel, là encore, Laurent Wauquiez entend bien synchroniser le défi de la décarbonation avec celui de la réindustrialisation.

S'il croit au développement de futurs réseaux intelligents et notamment de modèles smart grid comme ceux que l'on observe déjà aux Etats-Unis, ou plus localement chez des acteurs comme l'isérois Schneider Electric, pas question cependant, fustige-t-il, de réitérer "le fiasco" d'une filière comme celle des panneaux photovoltaïques :

"Beaucoup d'argent public a été injecté sans qu'aucune clause d'approvisionnement local ne soit spécifié. Résultat : la filière française a été mise à terre. La R&D a été faite ici et la technologie a été offerte au monde entier", estime Laurent Wauquiez.

Un dossier qui fait écho aux difficultés rencontrées également par le fabricant auralpin Photowatt, repris par EDF puis à nouveau placé sur la sellette depuis plusieurs mois, alors qu'EDF n'avait pas prévu lui-même de clause d'approvisionnement systématique en interne sur ses propres panneaux, comme le regrettaient déjà ses représentants du personnel.

Associer grands groupes et startups

Pour l'hydrogène vert, sur lequel Auvergne Rhône-Alpes vise désormais un leadership dépassant les frontières hexagonales, la Région a choisi de tester une nouvelle approche, associant la collectivité d'une part, mais également des grands groupes comme Michelin et Engie ainsi que des startups, à travers le projet Zero Emission Valley mais également la société Hympulsion. Objectif : créer des solutions innovantes ainsi qu'un réseau de distribution, destiné prioritairement à l'industrie et aux mobilités lourdes.

"En parallèle, nous travaillons à épauler la construction de champions de la pile à combustible, du rétrofitage, etc. Nous construisons une filière industrielle locale qui permettra de pousser tout l'écosystème dans sa mutation", assure le président de Région. Florent Ménégaux, le président du groupe Michelin, confirme et renchérit : "L'émergence de Symbio (concepteur de pile à hydrogène qui vient de lancer ses travaux pour la construction d'une première usine à Saint-Fons, en banlieue lyonnaise, ndlr) illustre parfaitement cette co-énergie public/privé".

Stratégie également approuvée par Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, directeur du cabinet de conseil Asterès. Tant au niveau de la méthode, que des paris relevés :

"La France, en théorie, aurait tout ce qu'il faut pour réussir : la recherche, les ETI, les grands groupes et les startups. Pourtant, tous ces ensembles ne collaborent pas suffisamment. Sur ce point, la Région AuRA joue plutôt très bien la partie. C'est justement le rôle des pouvoirs publics de coordonner et de fixer des objectifs communs".

TLF Lyon 2021 avec Laurent Wauquiez

"La France n'a pas Tesla ou Space X mais elle doit affirmer ses ambitions"

L'expert valide aussi le choix risqué de l'hydrogène vert assez tôt, quitte à y flécher une grande partie de la politique énergétique régionale :

"La France n'aura pas de GAFAM, c'est trop tard. Il faut en revanche se positionner sur de nouveaux sujets sur lesquels elle peut prendre le leadership. Avec l'hydrogène, c'est possible et c'est justement ce qu'est en train de réussir cette région", estime Nicolas Bouzou.

Et l'économiste d'ajouter : "La France ne peut plus se contenter d'utiliser les innovations, elle doit les produire ! La France n'a pas Tesla ou Space X mais elle doit affirmer ses ambitions, comme le fait Auvergne Rhône-Alpes, pour créer les grands champions de demain".

Autre voie industrielle que compte suivre Laurent Wauquiez, le nucléaire, que l'élu associe comme une condition "essentielle" à la décarbonation du territoire :

"Le nucléaire est notre seul atout de compétitivité industrielle", a martelé le président de Région. "L'Etat doit investir dans cette voie et poursuivre la recherche pour allonger la durée de vie de nos centrales. Cette filière représente 200.000 emplois dans la région, nous travaillons à sa structuration, sur le même modèle que celui de l'aéronautique".

Du régional au national : les conseils de Laurent Wauquiez

Mais toute cette réindustrailisation ne se fera pas sans croiser des enjeux nationaux, chers au président LR : à savoir, moins d'impôts de production, mais pas seulement.

"La réindustrialisation ne va pas se faire en un claquement de doigts", a mis en garde Laurent Wauquiez, ajoutant : "Si vous voulez réindustrialiser le pays, il y a des changements à faire : il faut baisser le coût des impôts de production, il faut faire en sorte que le coût du travail soit plus bas, avoir un code du travail plus fluide. Il faut créer une différence entre assistanat et travail".

De quoi inspirer la campagne à venir de la candidate Valérie Pécresse, qui a remporté la primaire LR récemment (Laurent Wauquiez vient d'annoncer son soutien total à la candidate dans une interview au JDD, ndlr) ?

Une chose est sure : interrogé sur ce point, le président de Région, devenu très sollicité depuis quelques semaines au sein de son parti, s'est d'abord gardé de prendre toute position "politicienne" sur ce sujet. Mais il avait promis qu'il continuerait de "peser", d'une manière ou d'une autre, et vient d'égrainer quelques pistes. "Parce que ma voix sera libre, elle aura sans doute d'autant plus de poids", confirmait déjà l'élu LR à La Tribune en septembre dernier.

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