Symbio : « La cible est aujourd’hui d’atteindre, pour l’hydrogène vert, les prix de l’hydrogène gris »

Il aurait dû poser sa première pierre ce jeudi, mais le Covid en a décidé autrement. Pour autant, Symbio, co-entreprise désormais détenue à parts égales entre Michelin et Faurecia, poursuit en coulisses les travaux de son nouveau site de Saint-Fons en région lyonnaise, qui sera appelé accueillir la première production massive de kits de piles à hydrogène française et même européenne. Son grand enjeu sera celui de faire coïncider son développement avec le déploiement d’une énergie hydrogène « décarbonée et compétitive ».
Après une division par dix des prix de ses systèmes, Symbio aura encore du chemin à parcourir dans sa nouvelle usine de Saint-Fons en cours de construction, mais il ne lui resterait plus qu'à réduire désormais par trois le coût de ses dispositifs. Avec comme objectif : la parité de ses systèmes avec ceux des motorisations diesel actuelles.
Après une division par dix des prix de ses systèmes, Symbio aura encore du chemin à parcourir dans sa nouvelle usine de Saint-Fons en cours de construction, mais il ne lui resterait plus qu'à réduire désormais par trois le coût de ses dispositifs. Avec comme objectif : la parité de ses systèmes avec ceux des motorisations diesel actuelles. (Crédits : DR)

Il avait choisi d'implanter sa première usine de production de piles à hydrogène, destinées aux véhicules électriques, sur le territoire de la Métropole de Lyon. A Saint-Fons plus précisément, en plein cœur de la vallée de la Chimie. Et ce, d'ici 2023, en vue de faire passer l'hydrogène à un autre stade de maturité.

Car après des années de développement et la détention d'une dizaine de brevets sur sa technologie, l'ex-isérois Symbio se prépare à industrialiser ses kits de piles à combustible, qui permettent de produire une énergie sans combustion, par le biais d'un contact entre deux gaz : l'hydrogène et l'oxygène. De quoi lui permettre de proposer une autonomie doublée voir triplée pour la voiture électrique, ainsi qu'une recharge en quelques minutes seulement.

Pour sa montée en puissance d'une idée née en 2010, Symbio a opté pour la terre lyonnaise avec une montée en puissance pensée en plusieurs étapes : d'abord, un premier site pilote et transitoire a été installé depuis le début de l'année à Vénissieux, dans les anciens ateliers Bosch, et qui lui sert de laboratoire grandeur nature pour tester le passage à l'échelle de sa production, en regroupant sur un même site ses 400 salariés.

Et ensuite, à compter de la mi-2023, c'est à quelques kilomètres de là, Saint-Fons que le groupe désormais co-détenu depuis novembre 2019 par Michelin et Faurecia compte assurer la massification de sa production et donner le coup d'envoi de la mobilité hydrogène. Avec la création de 1.000 emplois directs et indirects (dont environ 2/3 d'emplois crées en interne) à la clé.

« Nous avons obtenu notre permis de construire à Saint-Fons et les travaux de terrassement ont déjà commencé, tandis que le début de la construction du bâtiment, qui sera bâti sur une surface de 36.000 m2, commencera début 2022. Avec un démarrage des premières productions toujours prévu pour mi-2023, et de premières livraisons aux clients à compter de 2024 », précise Philippe Rosier, son nouveau Ceo.

Le passage de 2.000 à 50.000 kits produits annuellement

Avec un site qui accueillera donc à la fois de la production, mais aussi un bâtiment de recherche et ingénierie, ainsi que le nouveau siège mondial du groupe sur quelques 80.000m2 de bâtiments à terme, Symbio se met désormais en ordre de bataille. Dans son viseur, les quelques 450.000 véhicules à piles à combustible hydrogène attendus sur le marché français à compter de 2030 (et les 10.000 poids lourds et utilitaires pour 1.700 stations de recharges projetées).

Ce passage à l'échelle n'est pas neutre, puisqu'il vise à passer de 2.500 kits produits annuellement dans la configuration actuelle de son site de Vénissieux, qui se voulait déjà comme un premier pas, vers les 15.000 systèmes par année attendus au démarrage de son usine de Saint-Fons, puis les 50.000 systèmes par année à compter de 2026.

Lors de la création de la joint-venture, les deux coactionnaires de Symbio avaient déjà investi 140 millions d'euros, sans toutefois communiquer sur l'allocation de cette enveloppe, ni le coût précis de cette usine.

« L'un de nos grands enjeux reste de réduire désormais les coûts, rappelle Philippe Rosier, arrivé justement en septembre 2020 afin d'aider le groupe à franchir ce nouveau cap.

Après une division par dix des prix de ses systèmes, Symbio a encore du chemin à parcourir, mais il ne lui resterait plus qu'à réduire désormais par trois le coût de ses dispositifs. « Le premier levier pour cela sera de disposer d'un effet de masse critique, en agissant notamment sur les volumes et les achats réalisés pour les différents composants nécessaires à la production de notre kit, ainsi que sur un effet d'industrialisation qui est recherché à travers une amélioration de la productivité et le recours à davantage de robotisation. »

Objectif : atteindre la parité avec le diesel

Objectif affiché : atteindre la parité des coûts du kilomètre avec le diesel notamment, « en prenant en compte les coûts d'achats, les systèmes de maintenance ainsi que le coût de l'énergie. »

Et pour Philippe Rosier, ce pari a encore une inconnue : « une partie de cette équation, celles des coûts du système lui-même, est entre nos mains, mais la partie de l'hydrogène décarbonée ne l'est pas. Aujourd'hui, on navigue encore entre 8 et 12 euros du kilo, et la cible est aujourd'hui d'atteindre, pour l'hydrogène vert, les prix de l'hydrogène gris fabriqué à partir de gaz, et qui se situe encore à moins de 2 euros du kilo ».

Il ajoute : « ce sont des évolutions qui devront se faire en parallèle, et qui seront menées par l'ensemble de la chaîne de valeur de l'hydrogène afin d'atteindre cet objectif collectivement ».

Du côté des constructeurs, Symbio a déjà commencé par convaincre le groupe Stellantis, avec l'annonce d'un premier véhicule utilitaire qui sera équipé de son système, mais ce ne serait pas le seul, puisque le spécialiste des piles à combustibles revendique déjà un travail mené aux côtés d'une dizaine d'industriels.

« Notre vision du marché repose sur un démarrage des volumes produits en petite série à compter de 2024-2025, notamment sur le marché des utilitaires, avec déjà plus de 10.000 véhicules neufs à équiper par année. Cette phase sera suivie d'une montée en puissance jusqu'en 2030, avec des modèles poids lourds et bus qui devraient progressivement arriver », ajoute Philippe Rosier.

Mais pour que Symbio réussisse son pari, un troisième élément entrera dans l'équation : celui du déploiement des stations hydrogène : « à ce jour, l'Allemagne dispose déjà par exemple d'une centaine de stations déjà disponibles alors que la France est en retard à ce sujet pour l'instant, même si les plans prévus d'ici 2030 devraient changer la donne », indique le Ceo de Symbio.

Auvergne Rhône-Alpes veut participer à l'équation

Auvergne Rhône-Alpes devrait à ce titre jouer un rôle clé avec, entre autres, le déploiement de son programme ZEV, qui vise déjà à atteindre le cap des 20 stations, alimentées par 15 électrolyseurs d'ici fin 2023 (un programme assorti d'une cible de 1.200 véhicules hydrogène en circulation et représentant, à lui seul, près de 25 % des objectifs de véhicules annoncés dans le plan national hydrogène).

La société Hympulsion, co-créée par une poignée d'acteurs locaux (Engie, Michelin, Crédit Agricole, Banque des Territoires, Région Auvergne Rhône-Alpes) également pour construire et exploiter des stations hydrogène à l'échelle du territoire, vise également à accélérer dans cette direction à l'échelle locale.

Car tous l'ont bien compris : « Ce n'est qu'à la condition que l'on dispose d'un grand nombre de stations de distribution que le marché des particuliers pourra ensuite démarrer, même s'il a déjà des avantages à faire valoir plus rapidement en matière d'autonomie notamment, sur les marchés des véhicules professionnels », résume Philippe Rosier.

En attendant, Symbio vise toujours un chiffre d'affaires projeté à 1,5 milliard d'euros en 2030. Soit 10 à 15% du marché de la mobilité hydrogène en France, estimée à cet horizon.

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