Après des décennies tournées autour du pneu, Clermont-Ferrand se rêve en capitale des matériaux biosourcés

Alors que le monde industriel recherche des solutions alternatives aux ressources fossiles, le Centre des matériaux durables du Parc Cataroux, accélérateur d’innovations porté par Michelin à Clermont-Ferrand, tente de trouver des solutions d’avenir. Une plateforme industrielle de biotechnologie de pointe vient d’être créée, réunissant notamment le manufacturier auvergnat et le groupe Danone. Dans le même temps, une jeune start-up de la cleantech, Bobine, s’installe sur le site sur développer sa technologie de rupture autour du recyclage chimique du plastique.
Une plateforme industrielle de biotechnologie en open innovation sera bientôt opérationnelle au Centre des Matériaux durables de Clermont-Ferrand, sur le Parc Cataroux de Michelin.
Une plateforme industrielle de biotechnologie en "open innovation" sera bientôt opérationnelle au Centre des Matériaux durables de Clermont-Ferrand, sur le Parc Cataroux de Michelin. (Crédits : DR Michelin)

Développer les matériaux biosourcés ou recyclés de demain, voilà l'objectif du Centre des matériaux durables lancé, en 2021, par Michelin sur l'un de ses anciens sites de production. Cela fait partie du grand projet du manufacturier pour son Parc Cataroux à Clermont-Ferrand. Le groupe entend faire de ce vaste espace un outil majeur de l'accélération de l'innovation pour la transition écologique en Europe. Avec l'objectif de trouver des solutions alternatives aux ressources fossiles.

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Pour cela, elle met à la disposition de jeunes entreprises son expertise, ses installations et propose un accompagnement sur la conception et la conduite de projets. Carbios, spécialiste du recyclage des plastiques à partir d'enzymes, a été la première à s'installer il y a trois ans.

« L'idée est de créer un écosystème et d'aider les start-ups à traverser la vallée de la mort, à savoir l'étape de la pré-industrialisation », explique Pierre Robert, directeur du Centre des matériaux durables.

Plateforme industrielle de biotechnologie

Et Michelin a décidé d'aller plus loin en créant une plateforme industrielle de biotechnologie en « open innovation », qui pourra aider les start-ups dans cette phase d'industrialisation. Dans cette opération, le géant du pneumatique est entouré d'un autre industriel français majeur, Danone, mais aussi de la start-up américaine DMC Biotechnologies et du Crédit Agricole Centre France.

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Cette plateforme, qui représente un investissement de plus de 16 millions d'euros (dont 5 millions subventionnés par la Région et la Métropole), permettra de développer à plus grande échelle des processus de fermentation avancés, et en particulier la fermentation de précision.

Technologie présentée, par Michelin, comme un processus révolutionnaire de production de matériaux et d'ingrédients biosourcés. Cette biotech, déjà utilisée dans la pharmacie, est aujourd'hui en forte croissance et pourrait trouver des débouchés dans le secteur agroalimentaire et la fabrication de matériaux, comme la colle par exemple.

« La fermentation utilise des micro-organismes comme les bactéries ou les levures pour produire des protéines, des enzymes et d'autres molécules utilisables dans l'industrie. C'est une discipline qui a progressé à l'échelle des laboratoires, mais il faut développer ces biotechnologies à plus grande échelle. Cette étape de pré-industrialisation est coûteuse, car cela nécessite des équipements lourds. Avec Biotech Open Platform, nous aidons les start-ups à pouvoir trouver leur marché », précise Pierre Robert.

Ligne de fabrication opérationnelle dès l'an prochain

Si cet outil sera ouvert aux entreprises qui le souhaitent, il permettra surtout de répondre aux besoins propres de ses fondateurs.

« En 2050, nous aurons 100% de matériaux recyclés et renouvelables dans les pneumatiques Michelin. Il y a plusieurs manières de le faire, mais la biotechnologie est un levier d'activation intéressant pour y arriver. L'utilisation du vivant est une voie majeure pour remplacer les ressources fossiles », souligne le directeur du Centre des matériaux durables.

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Le groupe Danone devrait, lui, utiliser cette technologie moins polluante pour innover et fabriquer des ingrédients nutritionnels spécifiques, afin de les intégrer à ses produits. Des produits destinés, par exemple, aux bébés ou aux sportifs. Ces technologies de fermentation devraient permettre d'accélérer « décarbonation au service de la santé par l'alimentation », indique Antoine de Saint-Affrique, le patron du groupe agroalimentaire dans un communiqué.

Recycler du plastique aujourd'hui non valorisable

Le projet prévoit l'installation, dès l'année prochaine, d'une première ligne de fabrication à échelle démonstrateur. Un service de plus pour le Centre des matériaux durables qui devrait pouvoir, ainsi, attirer de nouvelles pépites. Des pépites comme Bobine, jeune start-up spécialisée dans le domaine du recyclage chimique. Elle vient de rejoindre l'aventure Cataroux, afin de développer son innovation de rupture autour du plastique aujourd'hui non valorisable.

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« Notre technologie permet de recycler du plastique souillé ou souple, comme les sacs en plastique par exemple, qui aujourd'hui ne sont pas recyclés. Et notre plus-value par rapport à nos concurrents, c'est que notre procédé chimique, unique au monde, se base sur l'induction, ce qui permet de se passer des grosses usines pétrochimiques très énergivores nécessaires aujourd'hui pour créer les composants de base du plastique », explique Vincent Simonneau, directeur général de Bobine.

Cette jeune start-up de la cleantech pourrait, ainsi, reproduire un plastique de qualité vierge, y compris pour l'alimentaire à partir de la plupart des déchets d'emballages.

Trois ans de R&D

De quoi répondre aux réglementations à venir. En effet, d'ici 2040, les emballages qui seront en contact avec des aliments ou la peau devront contenir un minimum de 50% de plastique d'origine recyclée, selon une loi européenne.

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La technologie de Bobine a nécessité trois ans de R&D. Des travaux réalisés dans un laboratoire du CNRS à Strasbourg, soutenus par la Société d'accélération du transfert de technologies Conectus. Mais c'est à Clermont-Ferrand que la start-up a décidé de poursuivre l'aventure.

« Nous allons installer notre machine pilote cet été au Centre des matériaux durables. L'intérêt est de bénéficier des installations de Michelin, mais aussi de leur expertise humaine. Ce genre de machine est très compliquée à démarrer, nous allons pouvoir bénéficier du savoir-faire de leurs équipes d'opération et de maintenance. Le partenariat avec Michelin est un énorme accélérateur, qui nous permet d'obtenir des données d'expériences communicables le plus rapidement possible, et c'est unique en France », décrit Vincent Simonneau, qui a signé un contrat de prestation pour être hébergé sur le site.

Créer des synergies

Car l'enjeu majeur pour des sociétés comme Bobine est de réduire les temps de développement pour accéder le plus rapidement au marché. A terme, l'entreprise entend vendre sa technologie ainsi que des usines de recyclage chimique (avec une capacité allant jusqu'à 100.000 tonnes de plastique recyclé par an) aux grands groupes pétrochimiques. « Ils sont déjà intéressés et attendent notre pilote », indique le fondateur de bobine, également ingénieur pétrolier.

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Les premiers résultats sont attendus dès cet automne. Dans ce projet, Michelin n'a aucun lien direct et n'apporte aucun soutien financier.

« Au Centre des matériaux durables, nous essayons d'agréger le plus d'acteurs possibles autour de la biotechnologie, du recyclage chimique et du recyclage mécanique. Et cela afin générer des effets de synergie. Dans les mois qui viennent, nous devrions avoir deux et trois nouvelles venues », glisse Pierre Robert, directeur du Centre des matériaux durables.

Bobine envisage déjà de s'installer de façon durable dans la capitale auvergnate. Si d'autres entreprises lui emboitent le pas, c'est une nouvelle histoire qui pourrait s'écrire pour Clermont-Ferrand, après des décennies tournées vers l'industrie du pneu.

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