Polluants éternels (PFAS) : la justice ordonne une expertise sur les responsabilités d'Arkema et Daikin dans la vallée de la chimie

Le juge des référés a ordonné, le vendredi 2 août 2024, qu'une expertise indépendante soit réalisée sur le rôle des chimistes Arkema et Daikin dans la pollution aux molécules perfluorées (PFAS) au niveau du point de captage de l'eau potable de Ternay, en aval de la vallée de la chimie (Rhône). Une décision inédite qui pourrait ouvrir la voie vers la reconnaissance de responsabilités et, potentiellement, l'application du principe de pollueur-payeur selon la Métropole de Lyon.
Le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné une expertise indépendante sur le rôle des chimistes Arkema et Daikin dans la pollution aux substances perfluorées dans le Rhône, au sud de l'eau.
Le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné une expertise indépendante sur le rôle des chimistes Arkema et Daikin dans la pollution aux substances perfluorées dans le Rhône, au sud de l'eau. (Crédits : Laurence Danière - Métropole de Lyon)

C'est une première pierre qui, selon la Métropole de Lyon, pourrait faire date : le tribunal judiciaire de Lyon a ordonné, ce vendredi 2 août 2024, qu'une expertise indépendante soit réalisée d'ici au 31 décembre 2025 sur le rôle des chimistes Arkema et Daikin dans la pollution de l'eau aux molécules perfluorées au sud de Lyon (Rhône).

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Une décision qui fait suite à la demande d'expertise portée en référé par la Métropole de Lyon, la régie publique Eau du Grand Lyon, ainsi que le syndicat mixte Rhône-Sud, en raison de la pollution de l'eau à ces molécules chimiques en aval des industries, notamment au niveau du point de captage de l'eau potable de Ternay, qui alimente en eau potable environ 163.000 habitants.

Selon l'Agence régionale de santé, ce champ captant comprend à ce jour des taux de perfluorés supérieurs jusqu'à deux fois à la future norme sur les PFAS, qui s'appliquera en 2026.

Ainsi, le juge des référés a nommé un collège d'experts qui devront « décrire les polluants éternels employés ou émis sur la plate-forme de Pierre-Bénite depuis sa création ». Mais aussi « donner leur avis sur les dates à partir desquelles les entreprises ont eu connaissance de leurs effets potentiellement néfastes sur l'environnement », indique l'Agence France Presse, qui s'appuie sur une copie de la décision rendue publique vendredi dernier.

« Des dizaines de tonnes de PFAS rejetés au cours des dernières décennies »

Les deux industriels Arkema et Daikin sont dans le viseur des autorités depuis trois ans pour leurs rejets aqueux et aériens de PFAS. Dans ce cadre, la Préfecture du Rhône réglemente depuis 2022 les rejets de ces substances par la plateforme dans l'eau, avec la mise en place d'un calendrier de restriction progressif, visant une interdiction totale de rejets au 31 décembre 2024.

Encore aujourd'hui, Arkema concentre les taux les plus élevés de perfluorés à la sortie de son système d'épuration selon la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), dont les inspections ont révélé au printemps que 40 % des 135 installations classées pour la protection de l'environnement rejetait des PFAS en Auvergne-Rhône-Alpes.

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Lors de l'audience du 28 mai dernier devant le tribunal judiciaire de Lyon, la partie civile relevait ainsi les « dizaines de tonnes de PFAS qui ont été rejetés par la plateforme au cours des dernières décennies dans le Rhône et dans la nappe alluviale », a exposé Me Quentin Untermaier.

La défense, quant à elle, pointait « une combinaison complexe et multifactorielle » entre « les pollutions historiques, et pas uniquement », indiquait Me Elodie Simon, avocate d'Arkema, relevant « 30 sites potentiellement utilisateurs de PFAS autour de Pierre-Bénite ». De même, les avocats ont argué n'avoir commis « aucune faute au civil » et que ces produits « sont librement mis sur le marché ».

Au moins 6 millions d'euros pour dépolluer l'eau

En attendant, cette décision ouvre la voie d'une responsabilisation et, potentiellement, de l'application du principe de pollueur-payeur, espère la Métropole de Lyon. Le coût de dépollution du champ captant de Ternay, estimé à 6 millions d'euros d'investissement et 500.000 euros de fonctionnement par an, est pour l'heure, porté par la collectivité et donc le contribuable.

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« La responsabilité financière des industriels doit être engagée », plaide ainsi Guy Martinet, président du Syndicat mixte d'eau potable Rhône Sud. De même, Anne Grosperrin, présidente de la régie publique Eau du Grand Lyon, relève qu'« il est plus que temps d'obtenir plus de transparence et de faire la lumière sur le rôle des industriels dans cette pollution massive ».

Bruno Bernard, président de la Métropole de Lyon, souligne également qu'en engageant cette procédure, « la Métropole de Lyon démontre que les responsabilités dans un tel scandale sanitaire peuvent et doivent être établies ».

Enfin, si une reconnaissance de responsabilité était établie, « elle ouvrirait le champ de poursuites civiles ou pénalesCette expertise permettra d'amener des preuves en vue d'un éventuel procès », indiquaient Mes Chloé Vincent-Hytier et Quentin Untermaier en marge de l'audience à nos confrères de La Tribune de Lyon.

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Commentaire 1
à écrit le 07/08/2024 à 10:57
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Pourquoi les responsables n'assument jamais leurs responsabilités ? C'est ce qui aura rendu notre économie aussi grotesque.

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