A Lyon et Clermont-Ferrand, manifestations des agriculteurs pour le droit à « vivre décemment »

A Lyon et Clermont-Ferrand, des dizaines d'agriculteurs au volant de tracteurs se sont mobilisés mardi pour réclamer notamment une meilleure rémunération, à quelques jours de l'ouverture du salon de l'agriculture.
(Crédits : Rémi Benoit)

Après Toulouse vendredi puis Saint-Etienne lundi, des dizaines d'agriculteurs se sont mobilisés ce mardi à Lyon, Clermont-Ferrand ou Nîmes pour réclamer notamment une meilleure rémunération, une meilleure prise en compte des données de sécheresse pour certaines communes empêchant des agriculteurs de toucher les aides des calamités agricoles ou encore un bouclier sur le tarif jaune de l'électricité.

A Lyon, ils étaient environ 200 avec entre 80 et 100 tracteurs, selon les Jeunes agriculteurs (JA) et la branche régionale de la FNSEA. La préfecture a compté 150 agriculteurs, ainsi que 57 tracteurs, 22 remorques et 30 voitures qui ont convergé vers Lyon en trois cortèges dans des opérations escargot. Ils se sont dans un premier temps rassemblés devant la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal), où ils ont déversé quelques bennes de purin et autres déchets végétaux, avant de se diriger vers la préfecture, où là encore des bennes ont été vidées.

« La grande distribution s'engraisse, l'agriculteur vend à perte »

Dans le Puy-de-Dôme, une dizaine d'agriculteurs ont investi une grande surface proche de Clermont pour coller des stickers « la grande distribution s'engraisse, l'agriculteur vend à perte ».

« Il faut qu'on puisse vivre décemment de nos métiers, que nos produits aient un juste prix », a déclaré à l'AFP Jocelyn Dubost, président des Jeunes agriculteurs (JA) d'Auvergne-Rhône-Alpes, en amont du Salon de l'agriculture, le grand rassemblement de la profession, qui commence samedi à Paris.

« On nous enlève les "phytos" [les pesticides], moi je suis productrice de cerises, on ne pourra plus en produire, elles sont immangeables », a expliqué de son côté Edith Cabello, productrice maraîchère et fruitière en Ardèche.

Assurance récolte trop chère, problèmes d'installation des jeunes, pression des grandes surfaces : « On n'arrive pas à vivre de notre métier. On a une forte pression sociale et fiscale qui est beaucoup trop importante, après avoir subi beaucoup d'aléas climatiques », a énuméré l'agricultrice.

« On vend la moitié de nos produits à perte. On arrive chez nous pour nous acheter des vaches, on nous dit c'est tel prix ou tu les gardes, on ne peut pas se permettre de garder notre production », a raconté Julien Tixier, jeune agriculteur de 25 ans en polyculture-élevage qui fait « 70 heures par semaine pour 800 euros ».

 A Nîmes, ils étaient 150 agriculteurs avec une cinquantaine de tracteurs et remorques selon la préfecture, le double selon les organisateurs. Les manifestants ont déposé des souches de vignes devant la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM et ont projeté du fumier, des pommes et des ballots de foin sur une avenue jouxtant la préfecture. Le défilé a été émaillé d'incidents et ponctué de jets de gaz lacrymogènes.

« Nous sommes dans la rue pour réclamer plusieurs choses, notamment l'application de la loi Egalim le plus rapidement possible (loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, Ndlr), une meilleure prise en compte des données de sécheresse pour certaines communes empêchant des agriculteurs de toucher les aides des calamités agricoles, et un bouclier sur le tarif jaune de l'électricité », a expliqué à l'AFP David Seve, président de la FDSEA du Gard, branche départementale du puissant syndicat majoritaire FNSEA.

Droit à l'irrigation

Un millier d'agriculteurs ont également défilé mardi à Mont-de-Marsan, à l'appel des syndicats FNSEA et JA, pour défendre leurs droits de prélèvements pour l'irrigation et la construction d'ouvrages de stockage d'eau, en plein épisode de sécheresse hivernale. Après avoir été reçue par la préfète des Landes, une délégation des manifestants a indiqué que des « mesures conservatoires » avaient été annoncées pour deux ans, en attendant qu'un accord pérenne sur la gestion de l'eau dans le bassin de l'Adour soit trouvé.

« L'idée est de maintenir les quotas pour 2023 et 2024 », soit les 208 millions de mètres cubes disponibles sur le bassin, « tout en continuant à travailler à un accord pour consolider l'irrigation sur 15 ans », a expliqué Paul Carrère, vice-président du Département des Landes et de l'entité gestionnaire Irrigadour.

Après un avis défavorable de l'Autorité environnementale à la demande d'Autorisation unique pluriannuelle (AUP) d'Irrigadour, il met en avant un nécessaire équilibre entre « demande environnementale » et agriculture.

« Il y a un travail à faire sur les eaux usées ou sur d'autres économies d'eau qui permettraient de maintenir les quantités tout en évitant de pomper dans les nappes », a-t-il ajouté. Sollicitée par l'AFP, la préfecture n'a pas souhaité faire de commentaire.

Avant de quitter les lieux dans l'après-midi, des agriculteurs ont déversé du lisier et des pneus sur plusieurs centaines de mètres, en laissant aussi derrière eux une grande bâche noire sur laquelle on pouvait lire : « L'eau, quand on y tient, on la retient ».

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Baisse des quotas

Avant la réunion, le président de la FDSEA Hautes-Pyrénées, Christian Fourcade, avait déploré que « la seule variable d'ajustement choisie » face au changement climatique, « c'est de baisser les quotas », et qu'il n'y ait pas eu dans son département « de construction d'ouvrage pour le stockage d'eau depuis 1830 ».

« On en a ras-le-bol, on tape sur les agriculteurs mais notre but, ce n'est pas d'assécher la planète », déclarait de son côté Marlène Duru, salariée agricole landaise de 27 ans, qui redoute de devoir renoncer à un projet de production de fruits rouges si l'accès à l'irrigation est restreint.

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En janvier, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) se disait "assez pessimiste" sur la disponibilité l'été prochain de l'eau souterraine, qui fournit deux tiers de l'eau potable et un tiers de l'irrigation agricole dans le pays.

« La France subit une sécheresse météorologique préoccupante », a par ailleurs averti mardi Météo-France, confirmant que le pays venait de vivre une « série de 31 jours consécutifs » sans véritable pluie, « du jamais vu durant un hiver météorologique ».

« Je ne suis pas inquiet, nous ne sommes qu'en février. S'il ne pleut pas d'ici fin mai, là ce sera plus inquiétant », relativisait parmi les manifestants Serge Dubroca, 60 ans, producteur de maïs dans les Landes. « Il n'y a pas besoin d'affoler les gens pour rien du tout, on est tout de même ici dans une région océanique arrosée. »

Assurance récolte : premier bilan « encourageant » pour Crédit Agricole

La réforme de l'assurance récolte, entrée en vigueur le 1er janvier, se traduit par de « premiers résultats encourageants » en termes de nouveaux contrats pour Crédit Agricole Assurances, a indiqué mardi le groupe lors d'une conférence de presse.

Pacifica, la filiale assurances dommages de Crédit Agricole Assurances, a annoncé avoir enregistré, au 11 février « six fois plus d'affaires nouvelles » que l'année précédente à la même date. Grandes cultures, arboriculture, viticulture, prairies... cela se traduit par une augmentation du portefeuille global d'assurés de 32%, explique Patrick Degiovanni, son directeur général adjoint. Si ces premiers résultats sont « extrêmement encourageants », les effets de cette réforme « vont se faire sentir dans le temps », a relevé Philippe Dumont, directeur général de Crédit Agricole Assurances.

L'année 2023 devrait marquer une « montée en régime », avant un « vrai choc » de l'assurance en 2024, ajoute-t-il. Fin 2021 en France, 31% des surfaces cultivées étaient assurées, mais seulement 1,2% pour les prairies et 3% pour l'arboriculture.

Pour encourager les agriculteurs à s'assurer, l'État a relevé le niveau de subvention publique des cotisations à 70% dans le cadre de la réforme.

La loi préconise également la création d'un pool d'assureurs, permettant une mise en commun de données agricoles et une mutualisation des risques pour établir une prime d'assurance la plus juste possible, tout en maintenant une concurrence sur les tarifs entre entreprises. Les discussions entre assureurs ont débuté, indique Crédit Agricole, un comité ad hoc se réunissant régulièrement. Pour l'heure, quatre d'entre eux ont présenté leur point de vue, et une réunion est prévue mi-mars afin de déterminer leurs points communs et divergences.

L'objectif étant pour les assureurs de déterminer une « position claire et définie » d'ici fin juin 2023. Faute de quoi l'Etat, qui a donné jusqu'à juin 2024 aux assureurs pour s'organiser, imposera ses règles.

« Nous sommes en route pour trouver une solution », assure Jean-Michel Geeraert, directeur du marché de l'agriculture et de la prévention de Pacifica.

La réforme de l'assurance récolte « a pour ambition de revoir dans son ensemble un système d'indemnisation des pertes de récoltes et de gestion des risques climatiques devenu inadapté », rappelle la filiale d'assurances du Crédit Agricole.

(AFP)

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