Climat : « Un besoin d’innover dans un temps jamais vu dans l’histoire de l’humanité » (Mehdi Coly, Time for the Planet)

L’INVITE ECO. Il est l’un des six associés de Time for the Planet, ce fonds lyonnais lancé tout juste avant la crise sanitaire et qui avait annoncé son objectif de réunir 1 milliard d’euros d'ici dix ans afin de financer des innovations pour lutter contre le changement climatique. A l’heure où les entreprises sont elles-mêmes encouragées à réduire de 10% leur consommation d’énergie, Mehdi Coly ouvre la nouvelle saison de Lyon Business (BFM Lyon/La Tribune) en revenant sur le modèle inédit de Time for The Planet, ses premiers investissements, mais aussi les résultats de la procédure en justice, dont l’entreprise avait fait l’objet l’an dernier et qui lui a déjà permis de rebondir.
« Il ne suffit pas de réunir de l'argent. Quand on veut investir dans un projet, on se pose la question de savoir si l'innovation, en devenant mondiale, pourrait permettre d'économiser au moins 1% des GES produits », affirme Mehdi Coly, l'un des six cofondateurs du fonds pour le climat Time for the Planet.
« Il ne suffit pas de réunir de l'argent. Quand on veut investir dans un projet, on se pose la question de savoir si l'innovation, en devenant mondiale, pourrait permettre d'économiser au moins 1% des GES produits », affirme Mehdi Coly, l'un des six cofondateurs du fonds pour le climat Time for the Planet. (Crédits : DR)

A eux six, ils souhaitaient créer une forme de « Tinder du climat », en attirant des investisseurs là où personne ne souhaitait jusqu'ici placer ses euros... Objectif : financer jusqu'à 100 innovations mondiales pour le climat, afin de lutter contre les gaz à effet de serre. Trois ans plus tard, la crise sanitaire puis le contexte international de la guerre en Ukraine sont là pour confirmer les assises d'un tel projet.

« Le projet est né de la peur, je pense qu'on a tous commencé à ressentir réellement cet été, avec les feux de forêts que l'on n'arrive plus à arrêter, mais aussi en ce moment, des inondations incroyables en Inde. Tous ces effets étaient d'ailleurs déjà décrits dans la littérature scientifique, mais il fallait aller lire le rapport du GIEC. (...). En tant qu'entrepreneur, j'avais besoin de me dire : qu'est-ce que je peux faire à mon échelle pour avoir de l'impact », résume Mehdi Coly, l'un des 6 cofondateurs de ce fonds lyonnais, créé en 2019.

Son ambition avait fait la Une des journaux, et ce n'était pas tout à fait étranger à sa cible : réunir la somme XXL de 1 milliard d'euros d'ici 10 ans, en vue de financer des innovations visant à lutter contre les effets du réchauffement climatique.

« La question n'était pas tant d'impliquer le monde de la finance, que de dire qu'actuellement, on continue encore à produire des biens et des services très carbonés, alors qu'il nous faut au contraire des innovations. Et si celles-ci ne sont pas encore là, c'est majoritairement parce que les personnes qui les inventent ne sont pas des entrepreneurs et que c'est très difficile pour eux de transformer une technologie en un produit, de lever des fonds puis d'aller sur le marché international », estime Mehdi Coly.

Time for the Planet face à l'urgence climatique

Face à ce que l'on nomme désormais « l'urgence climatique », Time for the Planet partage le sentiment qu'il faut aller vite, beaucoup plus vite : « On a besoin d'innover dans un temps jamais vu dans l'histoire de l'humanité ».

Face à « la fin de l'abondance et de l'insouciance » évoquée par Emmanuel Macron, appuyée par le discours d'Elisabeth Borne devant le Medef ce lundi -selon lequel les entreprises doivent s'engager sur la voie de la sobriété énergétique en réduisant de 10% leurs consommation d'énergie-, Time for the Planet rappelle justement qu'il existe déjà des projets pouvant aller en ce sens dans ses cartons.

C'est le cas par exemple de Leviathan Dynamics, une jeune pousse francilienne accompagnée par le fonds lyonnais et qui se propose de remplacer les gaz polluants (HFC) émis par les systèmes de climatisation par une technologie utilisant uniquement de l'eau en circuit fermé.

Ou encore le projet aquitain Beyond the Sea, qui mise sur un système de voile innovante en vue de réduire la consommation et les émissions de chacun des navires de la marine marchande qui devront encore, à l'avenir, transporter des matériaux qu'il n'est pas possible de produire en proximité, à l'image du lithium nécessaire aux batteries des véhicules électriques par exemple.

Quand avoir de l'argent ne suffit pas

« Il ne suffit pas de réunir de l'argent, il faut aussi des compétences entrepreneuriales. Quand on veut investir dans un projet, on se pose à chaque fois la question de savoir si l'innovation, en devenant mondiale, pourrait bien permettre d'économiser au moins 1% des GES produits », reprend Mehdi Coly.

Un concept destiné d'ailleurs à des investisseurs qui souhaitent s'engager, en premier lieu, pour la planète, car contrairement à un fond classique, ses actionnaires ne toucheront pas de dividendes.

« On a remplacé les dividendes financiers par les dividendes climat, et on est allés chercher l'argent chez les seuls qui pouvaient contribuer à cela au départ, et qui étaient les citoyens ».

Depuis sa création, Time for the Planet a déjà levé près de 12 millions d'euros, principalement auprès des 60.000 citoyens mais aussi d'une poignée de 2.000 entreprises engagées, qui auront permis de financer dans un premier temps cinq projets. C'est à la fois peu et beaucoup face à la cible à atteindre. « Aujourd'hui, notre levée est financée à plus de 50% par les entreprises, même si ce sont un peu moins de 1% des acteurs », ajoute le cofondateur.

Une obsession : le CO2 émis

Contrairement à d'autres initiatives comme celle de l'explorateur suisse Bertrand Piccard, avec sa fondation Solar Impulse, Time for the Planet estime que sa différence réside avant tout dans son « obsession » : celle du CO2 émis. « Cela nous pousse également à adopter des modèles économiques inspirés de l'open source, pour que les brevets générés n'empêchent pas les autres acteurs d'innover, mais leur permette, au contraire, de le faire ».

L'an dernier, le rayonnement de l'aventure Time for the Planet avait été par ailleurs écorné par une procédure en justice, lancée par un entrepreneur orléanais au nom très proche, Time to planet, et qui accusait le fonds lyonnais de concurrence déloyale.

Bien que la dernière décision de justice émanant de la 8e chambre de la Cour d'appel de Lyon, publiée le 15 décembre dernier, exigeait que Time for The Planet  « cesse immédiatement d'utiliser sa marque et sa dénomination sociale et à faire disparaître toute publication à partir du 1er janvier 2022 », Mehdi Coly revient sur la complexité d'une telle décision de justice, « qui visait avant tout à changer de dénomination sociale, ce que nous avons fait en appelant la société TFTP ainsi que le nom de domaine, mais pas nécessairement la marque ».

Et d'ajouter : « Toute la question que l'on doit calibrer avec les juges est de voir à quelle occasion on peut utiliser TFTP et Time for the Planet, mais le juge d'exécution a déjà considéré que nous avions exécuté la décision en grande partie. Nous avons par exemple changé récemment le nom de domaine avec join-time.com et personnellement, je préfère encore ce nom de domaine là. Donc des fois, même quand il y a un problème, ça peut aussi amener quelque chose de plus cool  », résume avec pragmatisme Mehdi Coly.

Retrouvez l'intégralité de l'interview ici

Un décideur chaque semaine

Pour rappel, le groupe La Tribune et BFM Lyon s'unissent depuis la rentrée dernière pour vous proposer, à travers l'émission Lyon Business (tous les mardis à 17h45), l'interview d'un décideur de l'économie lyonnaise au coeur de l'actualité.

Une occasion de décrypter ensemble les enjeux des dossiers et tendances de l'économie locale, animée par Elodie Poyade pour BFM Lyon et Marie Lyan pour le bureau Auvergne Rhône-Alpes du journal La Tribune.

Une émission à retrouver en direct et en replay sur la chaîne BFM Lyon, disponible sur le canal 30 de la TNT et sur les chaines 479 (box SFR), 360 (Orange), 315 (Bouygues) et 915 (Free), ainsi que sur le bureau Auvergne Rhône-Alpes de La Tribune.

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