
Pour son premier anniversaire, Time For The Planet avait bouclé, en décembre 2020, son premier million d'euros, officialisant par la même occasion le lancement de son premier appel à innovations.
Objectif : retenir les premières innovations qui donneront lieu à la création d'une portion des 100 entreprises que le fonds d'investissement, dédié à la transition écologique et fondé par six cofondateurs lyonnais, espère créer d'ici 2030.
Selon les plans de la jeune pousse, trois premières entreprises devraient même voir le jour courant 2021, tandis que la société lyonnaise prévoyait, ce mardi 4 mai, une soirée exceptionnelle ("Time for the planet se met à nu"), en vue d'échanger avec ses parties prenantes et plus largement, avec le grand public et investisseurs potentiels.
Car tout le monde peut devenir associé de cette initiative, où un euro permet d'acquérir une action. Un postulat qui a permis au fonds lyonnais de passer le cap des 1,1 million d'euros levés fin 2020, en pleine crise sanitaire.
Mais ce mardi, la société est désormais visée par une autre actualité : un entrepreneur originaire d'Orléans (Centre Val de Loire), François Prévost, a entamé une procédure auprès du Tribunal de commerce qui vient d'aboutir à une première décision de justice.
Fondateur du "cabinet de conseil en innovation responsable" au nom très proche, Time To Planet, cet entrepreneur qui avait quitté de grands groupes pour lancer dans une carrière entrepreneuriale dès 1998 a d'abord démarré la société en question sous forme de coopérative en 2013, pour en recréer une nouvelle sous forme de SAS en 2017. Il assure avoir déposé son nm à l'INPI et accuse ainsi la société Time for the planet de « concurrence déloyale » et de « plagiat de sa marque ». Il aurait d'ailleurs déposé, en parallèle, une procédure auprès de l'INPI, qui serait toujours en cours à ce jour.
Car selon l'intéressé, Time for the planet aurait « utilisé frauduleusement la proximité extrême de leur marque avec la société Time To Planet, sur un domaine parfaitement identique de l'innovation responsable, du financement de l'innovation et de la transformation sociétale et économique ».
Son cabinet, qui réalise principalement du conseil en innovation, réunit une dizaine de consultants indépendants et travaille avec des acteurs des "entrepreneurs à impact" (Hexamobile, etc) ainsi que des grands groupes (Danone, Renault, etc) et réalisait jusqu'ici près de 400.000 euros de chiffre d'affaires annuel. D'après lui, ce serait d'ailleurs ses propres clients ainsi que son réseau qui l'auraient averti de ce qu'il qualifie de « contrefaçon » de celle-ci, et évoque le risque de « confusion et de détournement de clientèle ».
Un jugement qui remonte à début avril
Il évoque une ordonnance à l'appui datée du 7 avril dernier, où le tribunal de commerce de Lyon exige en effet que la société Time for The Planet « cesse d'utiliser et d'exploiter la dénomination commerciale en France et à l'étranger, sous quelque forme et support que ce soit, et ce, y compris sur les noms de domaines Facebook, Linkedin et sur tout le réseau social ».
A l'issue d'une plaidoirie qui remonte au 15 mars dernier, ce document a en effet condamné en première instance la société Time for The Planet à verser une indemnisation de 2.500 euros et assortit cette mesure d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à compter de ce vendredi 7 mai, en cas de refus d'obtempérer concernant le changement de nom requis.
Contactés par La Tribune, les cofondateurs du fonds Time for the planet affirment qu'ils ont, de leur côté, fait appel de la décision de justice au tribunal de commerce de Lyon, et ont également déposé un recours visant à suspendre l'astreinte fixée à 1.000 euros par jour, sur lequel le tribunal devrait se prononcer sous peu.
Ils souhaitent minimiser l'impact de cette décision, en plusieurs points : « à commencer par le fait que celle-ci n'aura aucun impact sur ses investisseurs, comme le prévoit le format de société sous forme de commandite par action, où la structure juridiquement responsable est celle d'Act for the planet, dirigée par les six cofondateurs bénévoles de Time for the Planet ».
De plus, sa cofondatrice Coline Debayle conteste fermement les accusations de son détracteur : « Ce monsieur semble confondre les activités et secteurs concernés : car bien qu'il travaille dans le domaine du développement durable -comme désormais beaucoup de sociétés en France-, celui-ci exerce une activité de conseil, assortie d'un chiffre d'affaires, de clients et de factures, alors que nous n'avons aucun chiffre d'affaires, pas de client, et uniquement des investisseurs en particulier qui investissent dans notre levée de fonds ».
Pas de recette magique, mais une notoriété acquise
Elle assure d'ailleurs que le nom du fonds a bien été déposé à l'INPI lors de sa création, sans pour autant faire l'objet d'un refus, ni d'une plainte de l'entrepreneur concerné à cette occasion.
Et d'ajouter : « Il existe un certain nombre d'entreprises qui portent une dénomination commune, comme sur le mot Planet, et il n'est pas pour autant interdit de le faire. Nous ne nous plaçons de plus pas du tout en concurrence de ce monsieur, que nous ne connaissons pas, et nous sommes heureux qu'il contribue à la cause de l'environnement à travers d'autres activités, qui ne sont pas les mêmes que les nôtres », ajoute-t-elle.
Alors que le compte-rendu des échanges a retenu la notion de "concurrence déloyale entre commerçants" -qui permet ainsi l'intervention du tribunal de commerce alors que celle du TGI est requise pour les litiges impliquant les marques-, la structure lyonnaise affirme que si sa dénomination ne constitue pas « l'ingrédient magique » de sa réussite, en changer maintenant qu'elle a acquis une certaine notoriété lui serait dommageable.
C'est pourquoi Time for the planet affirme compter désormais sur la justice pour révoquer, en appel, le contenu de ce jugement. « Nous savons que le tribunal de commerce n'est habituellement pas compétent pour traiter des affaires de marques, et qu'il est assez commun que des jugements, pris en première instance par des juges consulaires qui ne sont pas des juges professionnels, soient ensuite renversés en appel ».
De son côté, François Prévost, estime quant à lui que l'appel demandé par la partie adverse « a très peu de chances d'aboutir » et cite son avocat, Gilles Dumont-Latour, expliquant « qu'il faudrait démontrer un défaut de contradiction ou une erreur de procédure dans l'instance de référé, ce qui à l'évidence, n'est pas le cas ».
Il en profite d'ailleurs pour adresser un message plus « politique » : « au-delà du conflit de marque et de concurrence déloyale, il y a un débat philosophique plus profond. Dans les milieux techniques de l'écologie et de l'environnement, on se moque aisément du slogan « il faut sauver la Planète ». (...). Or, la planète n'a pas à être sauvée, (...) c'est la vie qu'il faut sauver ! ».
Et d'affirmer que « là où la filiale d'Act for The Planet veut lever un milliard d'euros pour créer 100 entreprises qui vont sauver le monde, Time To Planet répond qu'il faut transformer les entreprises existantes et faire bouger le capitalisme ».
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