Time for The Planet : déboutée en appel, l’entreprise à mission devra changer de nom dès début 2022... ou se pourvoir en cassation

Depuis sa création en avril 2019, l’entreprise à mission Time for The Planet s'est fixée une ambition : bâtir un fonds à but non lucratif, visant à financer la création de 100 entreprises pour lutter contre le réchauffement climatique. Avec l’objectif de récolter jusqu’à 1 milliard d’euros, et déjà, trois premiers projets qui seront justement dévoilés au grand public ce lundi, lors d'un événement en ligne. Mais en parallèle, elle se retrouve au cœur d’une tempête judiciaire pour l’utilisation de son nom, jugé trop proche de celle d’un autre entrepreneur de Time To Planet, originaire d’Orléans, pour laquelle ses fondateurs n'ont pas encore établi s'ils se pourvoiraient en cassation.
(Crédits : DR Time For The Planet)

Il y a quelques mois, en mars 2021, les six cofondateurs du vaisseau amiral Time for The Planet se montraient plutôt confiants. Cette entreprise lyonnaise à mission avait bousculé les codes de l'investissement en fondant le premier véhicule d'investissement à un million d'euros, destiné à financer la création de 100 entreprises dédiées à la transition écologique d'ici à 2030, et à atteindre, à terme, les 1 milliard d'euros levés.

Après avoir réuni 32.000 associés et collecté jusqu'à 6,5 millions d'euros, elle avait lancé et dévoilé à la presse la semaine dernière ses trois premières innovations dédiées à la lutte contre le changement climatique, et devrait officiellement les présenter au grand public ce lundi soir, lors d'un événement organisé en ligne.

Avec à la clé, une enveloppe de 1,5 millions d'euros à destination de la première, Carbon Impact, afin d'installer un minéral issu de roche volcanique (l'olivine), au bord des océans et « accélérer l'un des phénomènes naturels de captation de CO2 ». Mais aussi Leviathan Dynamics, qui grâce à une enveloppe de 350.000 euros, veut proposer un système de climatisation fonctionnant avec de l'eau, comme fluide réfrigérant, et sans émettre de gaz à effet de serre. Ou encore Beyond The Sea, qui a elle aussi décroché un financement d'un million d'euros en reprenant un principe de traction issu du kitesurf. Objectif : se servir du vent comme une source d'énergie et faire baisser de 30 % la consommation de carburant sur la durée de vie d'un navire.

Mais en même temps, elle avait été la cible d'une tout autre actualité : un entrepreneur originaire d'Orléans (Centre Val de Loire), François Prévost, fondateur du cabinet de conseil en innovation responsable au nom très proche, Time To Planet, avait en effet entamé une procédure auprès du Tribunal de commerce afin d'enjoindre les cofondateurs lyonnais à cesser d'utiliser un nom si proche, arguant de « concurrence déloyale » et de « plagiat de sa marque ».

Cet entrepreneur avait quitté de grands groupes en 1998 puis démarré la société en question sous forme de coopérative en 2013, pour en recréer une nouvelle sous forme de SAS, en 2017. Il assure avoir déposé son nom à l'INPI et accuse ainsi la société Time for the planet de « concurrence déloyale » et de « plagiat de sa marque ». Il aurait d'ailleurs déposé, en parallèle, une procédure auprès de l'INPI.

Une première ordonnance déjà en ce sens

Après avoir obtenu gain de cause dans une première ordonnance, en date du 7 avril dernier, et où le tribunal de commerce de Lyon exigeait que la société Time For The Planet « cesse d'utiliser et d'exploiter la dénomination commerciale en France et à l'étranger, sous quelque forme et support que ce soit, et ce, y compris sur les noms de domaines Facebook, Linkedin et sur tout le réseau social », le fonds d'investissement lyonnais à but non lucratif avait fait appel de cette décision.

Mais cette fin de semaine, c'est une nouvelle décision, émanant de la 8e chambre de la Cour d'appel de Lyon, qui vient de donner raison à François Prévost et sa société Time To Planet. Dans un arrêt en date du 15 décembre 2021 et relayé par l'entrepreneur orléanais, la Cour d'Appel de Lyon a exigé que Time for The Planet  "cesse immédiatement d'utiliser sa marque et sa dénomination sociale et à faire disparaître toute publication, ouvrage, publicité en France et dans le monde entier, avec des dommages et intérêts de 11.000 euros et 1.000 euros par jour de retard d'exécution, à compter d'un délai de 15 jours de la signification, soit à partir du 1er janvier 2022."

La société Time For The Planet est par ailleurs condamnée à verser à François Prevost la somme provisionnelle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, mais les dommages et intérêts demandés également à l'égard de la société Time To Planet elle-même à hauteur de 30.000 euros ont été rejetés, au motif que "la société Time To Planet ne présente aucun élément financier précis de nature à établir, à ce stade du référé, l'impact économique des faits qu'elle reproche à la société Time For The Planet sur les résultats de son activité". Le fonds lyonnais devra également régler 3.000 euros de frais de justice à l'attention du demandeur, et 3.000 euros au titre de sa société.

Une "concurrence déloyale" contestée

Une satisfaction pour son instigateur, François Prévost, qui n'a pas hésité à commenter cette décision, d'abord par voie de communiqué : « Œuvrer pour la planète n'autorise pas à bafouer le droit. N'importe quelle entreprise lorsqu'elle crée une marque se doit de vérifier l'antériorité des droits. Cette condamnation met fin à une confusion commerciale très nuisible aux affaires de Time To Planet », ajoutant qu'il n'avait « rien de personnel contre les dirigeants ni le projet de ses concurrents ».

Contacté par La Tribune, l'entrepreneur évoque une position qu'il aurait tenue dès le départ, à savoir que les cofondateurs lyonnais « abandonnent l'utilisation de la marque » comme préalable à toute discussion. « Je leur avais proposé, en second lieu, qu'ils me paient sinon une licence pour l'exploitation de ma marque Time To Planet, mais je n'ai pas eu de réponse ».

Il affirme que cette décision va lui permettre de relancer son activité de consulting et de licencing de sa marque, vis-à-vis de grands groupes : « Jusque là, j'étais en discussions avec des candidats qui souhaitaient prendre la licence Time To Planet et qui ont finalement pris pour un euro symbolique la marque Time For The Planet, ce qui m'a fait perdre directement des royalties », souligne-t-il.

Pour Time For The Planet, c'est une toute autre histoire car l'un de ses six cofondateurs, Mehdi Coly, parle d'une décision encore en cours d'étude et "incompréhensible" dans la façon dont elle a été rédigée. Et pour cause :

"Ce qui est vraiment étonnant, c'est que le tribunal se déclare incompétent sur l'objet de la marque, mais compétent en matière de la concurrence déloyale. Or, pour pouvoir juger cela, il faudrait d'abord qu'il y ait une forme de concurrence et que nous puissions potentiellement lui prendre des clients, alors que nous ne facturons rien et que nous n'avons pas de client à proprement parler. Il existe une forme de confusion entre ce que fait un consultant comme lui et un fonds d'investissement comme le nôtre : il ne suffit pas d'être dans le domaine du changement climatique".

Pour l'heure, les entrepreneurs lyonnais n'ont pas encore tranché s'ils allaient se pourvoir en Cassation.

Quel nouveau nom pour Time For the Planet ?

Même si Mehdi Coly affirme que le succès du fonds Time For The Planet ne vient en aucun cas directement de son nom, mais bien de ce qu'il propose, "faire évoluer sa communication à l'heure actuelle représenterait un coût non négligeable".

Alors que le fonds lyonnais avait investi massivement dans sa communication sur la toile et les réseaux sociaux et prévoit de lancer à nouveau 5 à 7 nouveaux investissements majeurs en matière de décarbonation courant 2022, quel sera le nouveau nom de l'aventure lyonnaise, qui devra être trouvé très rapidement, soit avant le 1er janvier ?

Choisiront-ils de reprendre la dénomination Act For The Planet, qui fait déjà l'objet d'une holding enregistrée sous le nom de l'un des six cofondateurs, Nicolas Sabatier -et comme le suggérait leur concurrent François Prévost- ? Et plus largement, un changement de nom aussi brutal pourrait-il mettre en péril l'aventure démarrée en avril 2019 au bénéfice de la planète ?

En mai dernier, les entrepreneurs lyonnais avaient souhaité minimiser tout d'abord l'impact de la première décision de justice (dont ils avaient depuis fait appel), en rappelant notamment que ses prérogatives financières n'auraient « aucun impact sur ses investisseurs, comme le prévoit le format de société sous forme de commandite par action, où la structure juridiquement responsable est celle d'Act For The Planet, dirigée par les six cofondateurs bénévoles de Time for the Planet ».

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Commentaires 2
à écrit le 21/12/2021 à 9:05
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LOL ! Ma foi une représentation plutôt juste de la protection de la planète à leur sauce à eux, à notre classe dirigeante, autant dire que nous sommes tous foutus.

à écrit le 20/12/2021 à 20:28
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on espere que les socialistes et les ecolos vont y mettre plein d'argent personnel, et pas celui de ' collectivites ' qu'ils gerent et n'ont rien demande ( ha ben si, l'electorat de la ou ils sont elus ne payent pas d'impots locaux, alors ca va, c'es...

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