Logistique urbaine : Lyon planche désormais sur un nouveau schéma « ZFE compatible »

Enquête. Comment Lyon repense sa logistique urbaine (2/4). La visite de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, début février, aura été l’occasion reposer le dossier de la logistique urbaine sur la table. Désormais à la tête de la seconde métropole de France, les élus écologistes lyonnais sont prêts à accélérer : entre premières expérimentations et remise à plat d’anciens projets, ils planchent désormais sur un nouveau schéma pour une livraison « ZFE compatible ».
Les sociétés de coursiers à vélo, qui ont fleuri au cours des dernières années à Lyon, comptent elles aussi sur ce nouveau schéma d'aménagement pour faire passer la logistique verte à un autre stade.
Les sociétés de coursiers à vélo, qui ont fleuri au cours des dernières années à Lyon, comptent elles aussi sur ce nouveau schéma d'aménagement pour faire passer la logistique verte à un autre stade. (Crédits : DR/fends la bize)

La logistique urbaine : nouvel enjeu que la municipalité EELV veut prendre à bras le corps. Démonstration début février, lors de la visite de Barbara Pompilii. La ministre de la Transition écologique s'était vue présenter l'espace de logistique urbaine (ELU), créé au sein du parking Cordeliers dès 2012. S'il s'agit du troisième espace de ce type géré par la SEM Lyon Parc Auto, c'était aussi le premier à s'inviter en plein cœur de la ville.

Objectif : accueillir des livraisons au sein d'une plateforme intermédiaire, à mi-chemin entre les grands entrepôts de périphérie et les points de livraisons du centre-ville, grâce à un équipement adapté à recevoir les camions des transporteurs. Sur ce site, opèrent déjà des acteurs comme Deret Transporteurs, qui dispose de deux camions électriques mais aussi des véhicules "propres" de Ooshop, la filiale e-commerce du groupe Carrefour.

Et si sur ce dossier, c'est le gestionnaire de stationnement lyonnais LPA (détenu conjointement par la Métropole, la Ville de Lyon, la Caisse de dépôts et la CCI) qui est aux commandes, un plus grand virage vers la logistique urbaine est désormais à l'agenda des nouveaux élus écologistes lyonnais. Leur objectif : jouer en premier lieu un rôle de « facilitateur » dans les initiatives visant à décarboner le dernier kilomètre.

C'est dans cette optique que la Ville De Lyon et son bras armé LPA viennent de lancer une nouvelle plateforme internet, Ma livraison ZEN, visant à mettre en relation des coursiers avec les commerçants du centre-ville ayant besoin d'un service de livraison. Parmi les quatre premières sociétés partenaires, on retrouve ainsi la filiale de La Poste Urby, mais aussi de nouveaux acteurs comme le service de messagerie express Becycle, le coursier à vélo Fends la bise, ou encore le petit nouveau, Warning +. Tous proposent des livraisons plus « propres » sur les zones de Lyon et Villeurbanne, à travers différents modes « doux » (vélos, vélos cargos, triporteurs, vélos avec remorque, véhicules utilitaires électriques, etc).

« Notre objectif est de mettre en valeur les solutions déjà existantes de logistiques urbaine décarbonées et éthiques au cœur de la ville, qui livrent soit sous forme de vélo cargo, mobilités électriques ou GNV, mais également éthiques, à travers le recours à des contrats stables », confirme Valentin Lungenstrass, adjoint à la mobilité et la logistique urbaine à la Ville de Lyon.

La municipalité EELV souhaite accueillir de nouveaux services de ce type, alors que les contraintes sont appelées à se renforcer pour les livraisons au cœur de Lyon. Car depuis le 1er janvier dernier, seuls les véhicules professionnels Critair 1 et 2 ont désormais le droit de circuler au sein du périmètre de ZFE (qui ne comprend cependant pas certains axes, comme la portion M6/M7 ainsi que le boulevard Laurent Bonnevay).

Un manque de foncier disponible

Si une offre de transporteurs du dernier kilomètre commence ainsi à se développer au cœur de la métropole, il demeure toutefois un certain nombre de verrous à lever.

« Il manque globalement des espaces d'entreposage, car le centre-ville coûte cher et les espaces de logistiques ne sont pas très rentables au mètre carré. C'est pourquoi ils sont généralement situés en périphérie. Ainsi, sans subventions ou aides publiques, le modèle de la logistique verte ne peut pas tenir », confie Maxence Sarazin, co-fondateur du service de coursier à vélo Fends la bise.

Créée il y a déjà 7 ans, sa société emploie une vingtaine de personnes (dont six salariés), pour une flotte de 15 vélos cargos et un chiffre d'affaires de 420.000 euros en moyenne. Pour l'instant, ce coursier lyonnais s'organise « au coup par coup » en fonction des livraisons, en utilisant tantôt un local situé en centre-ville ou appartenant à un partenaire, tantôt des chargements en flux tendus, réalisés sur des places de stationnement, des zones de friche voire parfois sur la voie publique.

Il rêve du système développé par des pays voisins, comme la Suisse, les pays nordiques et notamment le Danemark, où des espaces de logistiques urbaine sont aménagés directement au cœur des villes.

Son homologue créé en 2006, Becycle, lui aussi coursier à vélo spécialisé dans le dernier kilomètre avec son équipe de 17 salariés, abonde :

« Nous travaillons désormais avec le service de messagerie Fedex pour livrer certains secteurs de Lyon, car les transporteurs sont de plus en plus nombreux à se poser des questions pour accéder aux centre-villes, avec la mise en place des ZFE », explique Grégory Marcellin, gérant de Becycle.

D'autant plus que les espaces de logistique urbaine, encore trop peu nombreux à ce stade, ne seraient pas adaptés à ce nouveau mode de livraison : « Les espaces ouverts au sein des parking LPA n'étaient, à l'origine, pensés ni pour accueillir les vélos en raison de leur pentes, ni les gros camions de livraisons, avec leur hauteur ode plafond », regrette Grégory Marcellin.

L'une des réponses à ces enjeux pourrait-elle se trouver dans le projet de futur Hôtel de Logistique Urbaine (HLU) ? Lancé sous l'ancienne mandature conduite par David Kimelfled et Gérard Collomb, le projet n'est pas encore sorti de terre et a pris du retard. Sans compter que plusieurs voix émettent désormais des doutes sur la nature d'un projet qu'ils estiment trop éloigné du centre-ville.

Un nouveau schéma directeur pour la logistique urbaine

Consciente des enjeux, la nouvelle majorité écologiste a, selon nos informations, lancé depuis une quinzaine de jours une réflexion plus globale, avec un objectif : définir un nouveau schéma directeur pour sa logistique urbaine. Une manière pour les Verts d'imprimer leurs marques mais aussi de réhausser leurs exigences.

Placé sous la responsabilité son vice-président en charge des déplacements, de l'intermodalité et de la logistique urbaine, Jean-Charles Kohlhaas, ce schéma souhaite repenser le modèle d'aménagement de la métropole lyonnaise afin d'y intégrer ces espaces de logistique urbaine favorisant l'essor des livraisons du dernier kilomètre.

Car Lyon, pas plus que Paris ou d'autres métropoles, n'avait réellement anticipé l'essor de ce nouveau mode de livraison, qui nécessite de mettre à disposition du foncier au coeur des villes :

« J'ai le sentiment que les projets impulsés jusqu'ici sur le terrain de la logistique urbaine étaient surtout composés d'initiatives individuelles et privées, même si la Métropole choisissait de les accompagner. Un certain nombre d'entre eux sont intéressants, mais il manquait une forme de cohérence ou de vision globale à moyen terme », justifie Jean-Charles Kohlhaas.

C'est donc en lançant un inventaire des initiatives « vertueuses » développées jusqu'ici, ainsi que des besoins des acteurs au transport -qu'il souhaite rencontrer au cours des prochains mois-, que la Métropole de Lyon veut redéfinir le visage de sa logistique urbaine. Avec l'objectif de se doter d'une feuille de route d'ici 2022. « Il va falloir être attentif aux échéances, car un certain nombre de dispositifs d'accompagnement et d'infrastructures devront se faire durant le mandat, en parallèle aux différentes étapes de la ZFE », prévient Jean-Charles Kohlhaas.

Plusieurs pistes sont étudiées, et pas uniquement celles du projet d'hôtel de logistique urbaine (HLU) du port Édouard Herriot, impulsé sous l'ancienne mandature. « Il est certain qu'un seul projet comme celui-ci ne suffira pas à assurer la logistique urbaine de toute la métropole. Il faudra sans doute plusieurs lieux comme celui-ci, répartis à l'échelle du territoire », avance-t-il.

Mutualiser les projets

La métropole aura à ce titre un rôle tout particulier à jouer sur la gestion du foncier, qui demeure rare à l'échelle de la ville de Lyon, où les prix de l'immobilier explosent depuis plusieurs années : « En tant que propriétaire foncier, la Métropole a tout d'abord un patrimoine sur ce territoire qu'il nous faudra étudier, et qui pourrait être mis à disposition pour certains projets, même s'il existe aussi d'autres besoins auxquels nous devrons répondre », concède Jean-Charles Kohlhaas.

Selon lui, il sera aussi nécessaire d'intégrer des stationnement ainsi que des espaces dédiés à la logistique urbaine à l'échelle de chaque nouveau quartier livré ou réaménagé, « au même titre que l'on prévoit aujourd'hui des espaces de conciergerie », affirme Jean-Charles Kohlhaas. Il compte également sur une meilleure mutualisation des acteurs de terrain, qu'ils soient publics ou privés :

« J'ai échangé récemment avec la Chambre des métiers et de l'artisanat régionale (CMAR), qui souhaite développer un projet ambitieux de mise en réseau de ses producteurs locaux, transformateurs, traiteurs et restaurants à l'échelle de la métropole, en organisant la logistique de cette filière. Ce type de projet pourrait se greffer à notre logique et contribuer à construire une nouvelle offre de services », croît le vice-président métropolitain aux déplacements.

Reste que pour la localisation des futurs lieux d'entreposage, l'équipe estime qu'il demeure trop tôt pour se prononcer. « Nous avons commencé à faire un benchmark à ce sujet, et nous savons que nous devrons aussi étudier certaines questions comme la logistique fluviale, qui peut constituer une piste intéressante à l'échelle d'une ville comme la nôtre », résume Jean-Charles Kohlhaas.

Une rencontre serait d'ailleurs prévue prochainement avec la ville de Strasbourg, qui expérimente déjà un service innovant de livraison pour son propre centre-ville, combinant transports par péniche et vélos cargos électriques, opéré par Urban Logistic Solutions (ULS) et Voies navigables de France (VNF).

Des dérogations possibles, mais...

Car à ce stade, le futur schéma de logistique urbaine pourrait également s'appuyer sur le retour du transport fluvial sur les berges du Rhône, afin de relier, à terme, le futur Hôtel de Logistique urbaine (HLU) du port Édouard Herriot au centre-ville. « Il serait en effet dommage de ne pas utiliser le fleuve et la rivière qui desservent le cœur de la métropole, d'autant plus avec un HLU situé au sein d'un port fluvial », concède le vice-président métropolitain aux déplacements.

Même la place des camions, appelés à faire entrer les marchandises dans la ville, n'est pas nécessairement arrêtée à ce stade :

« Nous pouvons tout envisager », affirme Jean-Charles Kohlhaas, qui estime qu'il est « probable » que des dérogations soient même accordées, dans un premier temps, à la desserte des poids-lourds sur certains axes stratégiques de la métropole. « Mais l'objectif est bien de se fixer au moins un pourcentage de véhicules propres dans un premier temps, et que celui-ci aille en augmentant avec la ZFE ».

Il remarque d'ailleurs que les transporteurs ont déjà commencé à engager le renouvellement de leur flotte avec des véhicules propres « et réalisent déjà de longues distances avec des véhicules équipés au GNV, voire à l'électrique ».

L'élu est cependant conscient qu'il lui faudra composer avec la diversité du secteur de la livraison, à prévoir au sein de son futur schéma d'aménagement : « Nous aurons à gérer, d'un côté, des commerces qui se faisaient jusqu'ici livrer par camions entiers et qui n'avaient pas de rupture de charge à gérer en amont, et d'autres, dont le chargement arrivait au sein de zones logistiques situées en périphérie, et qui devaient ensuite envoyer un certain nombre de véhicules légers pour livrer chacun de leurs colis ».

Et même si le transport par voie ferroviaire a plutôt eu tendance à diminuer jusqu'ici à l'échelle des dernières années au sein de la métropole, Jean-Charles Kohlhaas veut placer les réflexions sur le schéma à venir sur « le temps long », affirmant qu'il n'est pas complètement exclu d'envisager un retour partiel vers le fret. « Mais nous savons que cela ne se fera pas en une année ».

La suite de notre enquête « Comment Lyon repense sa logistique urbaine », avec notre 3e épisode, qui reviendra sur la stratégie du groupe La Poste en Auvergne Rhône-Alpes, qui veut s'imposer comme un acteur majeur de la logistique urbaine de la métropole.

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