ZFE à Lyon : ce qui va changer pour les professionnels (et ce qui reste en suspens)

Décryptage. C'était une mesure votée sous l'ancienne mandature, mais qui entre bien dans les objectifs de la nouvelle équipe conduite par Bruno Bernard. Depuis le 1er janvier 2021, c'est au tour des véhicules utilitaires et des poids-lourds dotés de vignettes Crit'air 3 de ne plus pouvoir rouler et stationner dans la Métropole de Lyon. Un casse-tête pour une partie des professionnels déjà absorbés par la crise sanitaire, alors que Bruno Bernard défend lui-même un projet de "ZFE renforcée" visant à accélérer.
Depuis janvier 2021, les poids lourds et les véhicules utilitaires légers dotés de vignettes Crit'air 4, 5 et 3 ont interdiction de circuler et stationner dans le périmètre de la ZFE. Mais les contrôles radar ne devraient arriver qu'en 2022.
Depuis janvier 2021, les poids lourds et les véhicules utilitaires légers dotés de vignettes Crit'air 4, 5 et 3 ont interdiction de circuler et stationner dans le périmètre de la ZFE. Mais les contrôles radar ne devraient arriver qu'en 2022. (Crédits : Pixabay)

Pour les professionnels, l'étau se resserre autour de leurs véhicules. Mise en place par la précédente mandature, la ZFE (zone à faibles émissions) vise à améliorer la qualité de l'air, en restreignant progressivement l'accès en ville aux véhicules les plus polluants.

Déjà, depuis le mois de janvier 2020, les poids lourds et les véhicules utilitaires légers dotés de vignettes Crit'air 4 et 5 avaient été interdits de circuler (et stationner) dans le périmètre de la ZFE. C'est-à-dire à Lyon, Caluire-et-Cuire, ainsi qu'au sein de certains secteurs de Bron, Vénissieux et Villeurbanne (périphérique Laurent Bonnevay). Depuis le 1er janvier 2021, les restrictions d'accès à cette zone se sont même étendues aux véhicules professionnels disposant de vignettes Crit'air 3.

Les véhicules d'intérêt général, utilisés par les personnes handicapées, ou encore de la sécurité civile, sont néanmoins exclus de cette mesure.

"On n'est pas contre les mesures pour l'environnement, mais c'est le mauvais moment"

Selon les professionnels concernés, ce n'est ni une surprise, ni une aberration, mais le contexte ne joue pas en leur faveur. "On n'est pas contre les mesures pour l'environnement, mais c'est le mauvais moment", affirme Alain Audouard, président de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat du Rhône.

En novembre, la Capeb (Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment), particulièrement touchée par la mesure, était montée au créneau et avait demandé un report de la mesure en raison du contexte sanitaire et économique actuel. La Métropole n'a pas flanché, mais des concertations ainsi que des mesures d'accompagnement ont été mises en place. "La ZFE, on peut essayer de la négocier, mais c'est un processus qui est parti", admet Stéphane Labrosse, président de la Capeb Rhône.

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Il espère toutefois un peu de souplesse quant aux contrôles. En effet, les contrôles de vignettes Crit'air avec vidéo-verbalisation ne sont envisagés que pour début 2022, et les contrôles radars, pour fin 2022. En attendant, le seul moyen de verbaliser le non-respect de la ZFE est de mobiliser des agents des forces de l'ordre, ce qui laisse encore un peu de temps pour s'adapter et passer entre les mailles du filet.

D'ici la fin du mandat, ces restrictions devraient également s'appliquer aux véhicules des particuliers.

"Nous commençons par les professionnels car ils sont responsables d'environ 50 % de la pollution de l'air en ville", justifie Jean-Charles Kohlaas, vice-président de la Métropole délégué aux déplacements, intermodalités et à la logistique urbaine.

Le président de la métropole, Bruno Bernard, avait même annoncé sa volonté de soumettre une proposition au conseil métropolitain visant à aller plus loin, en élargissant notamment le périmètre de la ZFE au-delà du périphérique, et en durcissant les conditions d'accès aux seules Crit'Air 0 et 1 (ce qui exclurait, par définition, l'ensemble des véhicules diesels) d'ici 2026.

Tout un parc automobile professionnel à renouveler

"Le parc d'utilitaires a toujours historiquement existé en diesel. Il y a très peu d'essence", confirme Stéphane Labrosse.

Selon la délégation urbanisme et mobilités de la Métropole, "les 12.800 véhicules utilitaires légers (VUL) détenus par les entreprises du bâtiment représentent 63% des VUL immatriculés dans la Métropole. Cette part importante du parc de VUL roulant dans la Métropole est alimentée pour son immense majorité (94%) au diesel".

Autant dire que la mutation de ce parc "constitue un enjeu essentiel dans la lutte contre la pollution de I'air et la protection de la santé publique", confirme la délégation dédiée à l'urbanisme. "Ce sont 4.700 véhicules utilitaires légers de plus de 10 ans (Crit'air 3,4 et 5), soit 36% de la flotte utilisée par les entreprises du bâtiment, qui sont ciblés par la ZFE actuelle".

Du côté de la CMA, on parle plutôt de 8.000 véhicules, répartis dans 4.400 entreprises à changer. Au-delà du secteur du bâtiment, les artisans en général sont eux aussi concernés. "C'est une mesure compliquée pour l'artisanat", pointe Alain Audouard.

Côté transport routier toutefois, le nécessaire a déjà été fait : "96 % des véhicules du parc poids-lourd répond aux critère Euro 5 ou 6, soit les catégories les plus performantes", défend Jacques Sorlin, délégué régional Rhône-Isère de la FNTR (Fédération nationale des transports routiers).

En conversion Crit'air, cela fait d'eux des véhicules vignette 1, 2, voire 3 selon le type de carburant. Le délégué régional compte tout de même sur la Métropole pour ne pas changer ses engagements vis-à-vis des transporteurs routiers, en les obligeant à prendre des vignettes Crit'air ou "à revenir sur les dérogations aux véhicules euro 5 et 6 en demandant du tout électrique."

Des engagements qui pourraient encore se renforcer ?

Car l'étau va se resserrer un peu plus. D'ici la fin du mandat, les VUL avec des vignettes Crit'air 2 ne pourront plus non plus stationner ni circuler au sein de la ZFE.

Selon Jean-Charles Kohlhaas, une délibération devrait être prise en mars 2021 sur les objectifs de la ZFE, avec un travail de concertation en vue de définir un calendrier.

"Il faut absolument une visibilité sur le long terme, afin que les entreprises qui investissent aujourd'hui dans un véhicule propre ne se retrouvent pas lésées dans quelques années", affirme lui-même le vice-président.

Car pour les professionnels, acheter un véhicule utilitaire dit "propre" représente en effet un investissement considérable. Actuellement, l'offre en la matière n'est pas forcément adaptée et elle demeure très couteuse. "La grosse problématique, c'est qu'il n'y a pas pléthore de modèles", déclare Alain Audouard.

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"Un véhicule électrique  transportera aussi beaucoup moins de matériel, du fait du poids des batteries qui diminuent le poids total autorisé en charge. Par exemple, une tonne de carrelage -qui correspond à une surface de 40 m2- nécessitera plusieurs trajets là où précédemment, un seul suffisait. Ceci nous a déjà conduit à demander une modification structurelle des permis de conduire sur la limite à 3.5 T, en vue de la passer à 4.5 T", développe la Capeb.

La Métropole a déjà prévu d'octroyer des dérogations définitives pour les artisans qui ne peuvent pas avoir de véhicule "propre" correspondant à leur activité, ainsi que des dérogations temporaires pour les véhicules issue d'une gamme en cours de développement. Mais il reste un effort à fournir du côté des constructeurs automobile, ainsi qu'un certain un temps pour que cette chaîne de production se mette en place.

"On est dans le jeu de poule et de l'œuf. Tant qu'on ne met pas de deadline, les constructeurs ne se pressent que mollement pour proposer des véhicules, estime Jean-Charles Kohlhaas. Il faut inciter les constructeurs à renforcer leur offre en véhicule propre, pour répondre aux besoins des artisans."

A la question de la problématique de l'offre, se rajoute celle du coût, pas toujours facile à assumer. "On travaille avec des véhicules au gaz, mais c'est 30 à 35.000 euros de plus que les autres véhicules, tandis que les aides n'amortissent pas le surcoût", explique Jacques Sorlin.

Des infrastructures encore à venir

Reste aussi à régler la question des infrastructures, et notamment des points de charge pour les véhicules électriques, encore assez peu présents dans la métropole. Idem du côté des transporteurs, qui auront, en conséquence, besoin de plus en plus de stations.

A ce propos, la Métropole prévoit d'appuyer sur l'accélérateur : "Actuellement, 50 stations (soit 200 points de recharge) sont opérationnelles sur le territoire de la Métropole. 24 supplémentaires sont en travaux et l'objectif de 200 stations sera atteint d'ici la fin de l'année ce qui fera environ 745 bornes de recharge". Elle ambitionne même de multiplier ce chiffre par deux d'ici cet été.

Et ce, par le biais notamment de Izivia, une filiale d'EDF qui met en place ces bornes et les finance, tandis que la Métropole met pour sa part le domaine public à disposition de l'opérateur.

"Il faut ajouter à cela les 25 bornes de recharge de la Compagnie nationale du Rhône, plus celles installées dans les parkings Lyon Parc Auto. Du coup, fin 2021, le territoire métropolitain sera équipé d'environ 900 bornes de recharge.Concernant l'hydrogène, c'est la CNR, accompagnée par la Métropole sur le foncier et les aménagements, qui a installé deux bornes de recharge hydrogène vert, près du port Edouard Herriot."

Bientôt un prêt garanti par la Métropole ?

La Métropole a aussi mis en place une aide financière de 5.000 à 8.000 euros à l'achat pour les VUL et 10.000 à 13.000 euros pour les poids lourds, afin d'aider les professionnels à acquérir des véhicules propres. Cette aide est cumulable avec celles de l'État et la prime à la conversion. "Soit un montant maximal total de 11.000 euros d'aides publiques" pour les VUL, renseigne la délégation Urbanisme et mobilités. Sachant qu'il faut compter environ 30.000 euros pour un utilitaire propre de type Kangoo, les reste à charge de l'entreprise demeure toutefois conséquent.

Par ailleurs, les entreprises basées hors de la Métropole ne peuvent pas prétendre à ces aides. "C'est difficile car ces acteurs développent aussi l'économie de la métropole, mais ils ne sont pas aidés", déplore Alain Audouard.

Le vice-président à la logistique urbaine évoque l'idée, pas encore concrétisée, de négocier avec les banques du territoire afin d'instaurer un prêt destiné à l'achat de véhicules professionnels, garanti par la Métropole. Car, en pleine crise sanitaire, les banques restent frileuses sur les prêts et les entreprises ont déjà un niveau d'endettement élevé.

Jean-Charles Kohlhaas reconnaît aussi la difficulté d'investir pour ceux qui viennent de s'installer, ou qui vont bientôt partir à la retraite. Le président de la CMA donne notamment l'exemple d'un charcutier, qui aurait acheté un véhicule Crit'air 3 il y a 5 ans et qui aurait fait peu de kilomètres. "Il n'a pas fini de l'amortir. L'artisan ne changera pas son véhicule dans l'immédiat."

Pour tous les cas particuliers ou en difficulté, un guichet unique ZFE a été créé et des dérogations temporaires (maximum 12 ans, renouvelable une fois) seront octroyées au cas par cas. De son côté, la CMA propose aussi des diagnostics mobilités aux artisans.

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Commentaires 2
à écrit le 02/02/2021 à 7:12
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Véhicule "d intérêt general" c est quoi encore comme connerie ?

à écrit le 01/02/2021 à 11:09
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Voila comment on fiche le tourisme en l'air dans toutes les villes faussement ecologiques .

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