En Isère, Agnès Pannier-Runacher veut mêler reconquête et stratégie bas carbone

Ce vendredi, la ministre en charge de l’Industrie était à nouveau de passage en Isère, cette fois au nord du département, pour une visite placée sous le signe de la reconquête industrielle, en lien avec France Relance. Une occasion de démontrer comment le tissu industriel français investit dans sa relocalisation, tout dévoilant un jalon de la feuille de route de la Stratégie nationale bas carbone, pour l'industrie chimique.
Ce vendredi, Agnès Pannier-Runacher en a profité pour dévoiler la feuille de route de la décarbonation de l'industrie chimique, entrant dans la stratégie nationale bas carbone. Avec à la clé, une baisse supplémentaire des émissions attendues de l'ordre de 26 % d'ici 2030, par rapport au niveau de 2015.
Ce vendredi, Agnès Pannier-Runacher en a profité pour dévoiler la feuille de route de la décarbonation de l'industrie chimique, entrant dans la stratégie nationale bas carbone. Avec à la clé, une baisse supplémentaire des émissions attendues de l'ordre de 26 % d'ici 2030, par rapport au niveau de 2015. (Crédits : Reuters)

(Publié le 07/05/2021 à 7:00, actualisé à 18:49)

Il s'agit, à ne pas s'y tromper, d'une nouvelle démonstration de la force de frappe que revendique France Relance. En plein milieu du calendrier du déconfinement en quatre étapes promis par Emmanuel Macron, le frémissement de la confiance doit désormais se traduire en actes.

Ce vendredi, ministre en charge de l'Industrie Agnès Pannier-Runacher s'est rendue à nouveau en Auvergne Rhône-Alpes, cette fois dans le Nord-Isère, afin de mettre en lumière les sujets de « reconquête industrielle », en les liant, si possible, aux enjeux de décarbonation, gérés par le ministère de la Transition écologique de Barbara Pompili.

Comprendre : comment faire en sorte de rapatrier des productions en France, ou d'en créer de nouvelles. Car « oui, il est possible de produire en France », a déjà rappelé la ministre. Un sujet déjà sur sa feuille de route avant la crise Covid-19, mais qui a depuis pris un tournant beaucoup plus majeur.

Selon des sources proches de la ministre, ce déplacement en Isère aurait aussi une double casquette, car il a été choisi pour dévoiler les futures étapes de la Stratégie nationale bas carbone, que prendra la France pour atteindre ses objectifs d'ici 2050.

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), on en connaissait jusqu'ici les ambitions (atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050 et réduire l'empreinte carbone de la consommation des Français), mais cette visite visait aussi à en clarifier les prochains jalons.

Car pour atteindre et préciser les objectifs adoptés, des travaux ont été menés au sein des filières industrielles les plus émettrices (chimie, acier, aluminium et ciment), et la filière de l'industrie chimique aurait été l'une des premières à rendre ses conclusions. De quoi outiller le gouvernement en vue de formaliser une feuille de route de décarbonation de l'industrie chimique, dont Agnès Pannier-Runacher a dévoilé les grandes lignes ce vendredi.

Résultat ? Dans ce nouveau document, le gouvernement relève que bien qu'elle ait déjà réduit ses émissions de 63% depuis 1990, la chimie représentait encore 25% des émissions totales de l'industrie en 2018. sa décarbonation est donc jugée essentielle pour atteindre les objectifs de la SNBC.

Pour cela, la filière chimique s'est engagée auprès du gouvernement à baisser de 26 % supplémentaires ses émissions d'ici 2030 par rapport au niveau de 2015. Le tout en misant sur l'amélioration de son efficacité énergétique, de sa production de chaleur bas carbone, ou encore sur l'abattement des émissions de protoxyde d'azote ou d'hydroflorycarbures.

Une production stratégique de principes actifs

C'est pourquoi le temps fort de la visite de la ministre de l'Industrie se trouvait ce vendredi après-midi, lorsqu'elle s'est rendue sur la plateforme chimique de Roussillon, située à une soixantaine de kilomètres au sud de Lyon.

Cette plateforme, qui réunit une quinzaine de grands industriels (Adisseo, Bluestar Silicones, Seqens, Rhodia, Teris, etc) sur près de 150 hectares, serait une belle incarnation de ce que veut défendre Agnès Pannier-Runacher, puisqu'elle symbolise à la fois une démarche de réduction de l'empreinte carbone, menée de concert par les acteurs de la filière, mais aussi parce qu'elle concentre déjà pas moins de quatre lauréats France Relance (ainsi que plusieurs projets encore à l'étude).

Avec, parmi eux, celui de Seqens (ex-Novacap), un chimiste spécialisé dans la fabrication de principes actifs et d'intermédiaires pharmaceutiques depuis 2003. Détenu désormais par le fonds français Eurazeo, -après avoir été cédée en partie par le fonds Ardian en 2016-, il produit entre autres de l'aspirine, du paracétamol, ainsi que des cosmétiques et autres produits.

Lauréat du dispositif de relance, il a reçu le soutien de l'Etat sur deux projets, à commencer par la création d'une unité de production d'antiviraux et d'anticancéreux sur son site situé à Aramon (Gard). Mais celui qui intéressera la ministre est le projet de relocalisation, de la fabrication de principes actifs clés de 12 médicaments, en lien avec le traitement des patients Covid-19.

Celui-ci impliquera ses sites situés en Isère, mais également à Couterne dans l'Orne et à Limay (Yvelines).

"Il était assez emblématique que l'ancien site chimique de Rhône Poulenc, où l'on faisait déjà des tablettes de paracétamol il y a des années, puisse aujourd'hui voir une activité revenir, qui plus est de manière décarbonée", relève une source proche de la ministre.

Un enjeu à double titre, et des oubliés sur le passage

En décembre dernier, Seqens, qui emploie 3.200 collaborateurs à travers 24 sites de production, avait lui-même annoncé son intention d'investir un total de 65 millions d'euros sur cinq sites français, situés en Auvergne Rhône-Alpes, Normandie, Occitanie et Île-de-France.

Avec un objectif affiché de créer « pas moins de 200 emplois en phase projet et de 80 à 100 emplois directs en phase opérationnelle sur les sites industriels concernés. »

D'ailleurs, le président de la République, Emmanuel Macron, s'était lui-même rendu fin août 2020 dans les locaux du chimiste, sur un autre site situé à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), à l'occasion d'une visite déjà placée sous le signe de la souveraineté sanitaire et industrielle.

Seule ombre au tableau : en février dernier, des sources évoquaient que le propriétaire Eurazeo aurait mandaté le cabinet JPMorgan afin de trouver un acquéreur pour Seqens.

Avec à la clé, une valorisation qui pourrait grimper en flèche compte-tenu de ses activités stratégiques, chiffrée « à plus de 2 milliards d'euros, soit plus de 15 fois les bénéfices attendus par le groupe », relevait une dépêche de Reuters. Des annonces non-confirmées à ce jour par le groupe, ainsi que par Bercy, qui évoque uniquement des "rumeurs" non fondées.

Unir les destins de l'allemand Thermomix à celui d'une PME française

Mais avant cela, la ministre s'est rendue, en début matinée, aux Abrets-en-Dauphiné (Nord-Isère), chez le fabricant de matériel et équipement destiné aux cuisines professionnelles, Bourgeat.

Si elle ne figure pas à proprement parler dans les lignes du plan France Relance, son actualité a encouragé Agnès Pannier-Runacher à y faire un petit détour, et à encourager la société à candidater pour d'autres appels.

Cette société à l'origine familiale, fondée en 1918 par Adrien Bourgeat, avait fusionné en 2002 avec le groupe parisien Matfer, spécialisé dans l'équipement hôtelier, qui en a fait le leader mondial de l'équipement pour cuisines et laboratoires professionnels.

Lire aussi : Semi-conducteurs : à Grenoble, Agnès Pannier-Runacher au chevet d'une filière "stratégique"

Depuis, Bourgeat, qui enregistrait 50 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 250 salariés en 2018, avait elle-même racheté deux sociétés (Vauconsant en 2011 et PI Création en 2013) afin d'élargir sa gamme.

Et en 2021, c'est un partenariat déterminant pour la vie de l'entreprise qui devrait être annoncé ce vendredi, cette fois avec l'industriel allemand Vorwerk, qui fabrique lui-même des équipements électroménagers, dont le fameux robot Thermomix.

Une réussite française, et deux dossiers sur le feu

Car la société iséroise vient de remporter un appel d'offres, lancé par le fabricant allemand, en vue de contribuer à produire l'ensemble des bols utilisés au sein du célèbre robot-cuiseur, pour l'ensemble de l'Europe. "L'industriel isérois Bourgeat a été choisi, en plus des fournisseurs actuels, pour répondre à la hausse durable de la demande", précise le groupe Vorwerk.

"De quoi démontrer que l'industrie française est toujours compétitive", nous souffle-t-on.

D'autant plus que le marché des robots-cuiseurs, sur lequel le marque Thermomix assure un fort leadership, a été boosté par la pandémie, s'affichant en croissance de 47% en 2020 par rapport à l'année précédente.

Le groupe Vorwerk, en pleine expansion, venait d'ailleurs d'annoncer la création de quelques 8.000 postes de conseillers de vente à pourvoir, dont plus de 500 à l'échelle du seul département du Rhône, où il compte trois agences commerciales. Car après avoir basé son modèle économique sur la vente à domicile, la crise sanitaire a contraint l'allemand à revoir ses plans, et à développer d'autres canaux de vente.

A noter que l'Isère compte également deux autres dossiers d'actualité, à fort enjeux stratégiques en matière de reconquête industrielle : celui du fabricant de ferroalliages et de silicium Ferropem, où deux sites industriels et 250 emplois sont menacés en Isère et Savoie, ainsi que celui du fabricant de panneaux solaires Photowatt, basé à Bourgoin Jallieu, et dont le groupe EDF veut se désengager.

Bien que ces deux sites ne figurent pas sur l'itinéraire de la ministre, ces deux dossiers seraient actuellement "suivis de près" par Bercy. Avec, pour l'heure, encore "le temps du travail", et non celui des annonces.

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Commentaires 3
à écrit le 07/05/2021 à 18:05
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Toujours cette vision binaire; la reconquête pour ceux qui ont les moyens "d'investir", la stratégie bas carbone pour ceux qui vendent leur force de travail!

à écrit le 07/05/2021 à 9:49
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Reconquête bas carbone veut dire imposer que nos importations soient réalisées avec une électricité décarbonée le reste n'est que bavardages.

à écrit le 07/05/2021 à 9:43
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la morale pour pas cher dans un grand cadre de souverainete reenchantee et bienveillante donc de gauche, il va y avoir le retour des capitalistes negriers qui vont revenir en france exploiter des syndicalistes misereux qui ne travailleront pas trop...

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