Sur la rampe de lancement, à qui bénéficieront les nouveaux prêts participatifs en AuRA ?

Annoncés à l'origine pour ce lundi, les prêts participatifs (ainsi que les obligations garanties par l’État, en cours de constitution) viendront finalement renforcer l’arsenal proposé par le gouvernement à compter du 26 avril prochain. Raphaëlle Comby, directrice des entreprises au Crédit Agricole Centre-Est, brosse les contours d'une mesure destinée à assurer la relance des entreprises régionales. Pour autant, "il ne s’agit pas de quasi fonds propres", nuance-t-elle, contrairement à ce qui avait été un premier temps annoncé.
(Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Peut-on tout d'abord rappeler dans quel cadre s'inscrivent ces nouveaux prêts participatifs ?

RAPHAELLE COMBY - L'esprit de ces nouveaux outils était de s'inscrire en complément du plan d'urgence et de soutien en trésorerie, annoncé par Bercy durant la première période de crise, et qui avait consisté à injecter massivement des liquidités.

À l'époque, Bercy avait annoncé une enveloppe de 320 milliards d'euros dédiés au PGE, dont 130 milliards ont été distribués, et le dispositif court jusqu'en juin prochain pour l'instant.

La seconde phase de ce dispositif était donc de mettre en place un accompagnement de la relance des entreprises en capacité de rebondir, avec un volet de soutien en fonds propres ou en quasi fonds propres. Mais finalement, on peut voir que ce n'est pas tout à fait le cas pour les prêts participatifs, qui s'apparentent plutôt à de la dette.

Ce nouveau dispositif annoncé par l'Etat se scindera désormais en deux volets ?

Le choix qui a été fait étant de consacrer 20 milliards d'euros à ce dispositif de relance, à travers deux instruments financiers.

A commencer par les prêts participatifs, qui seront distribués, à hauteur de 14 milliards d'euros pour l'ensemble de l'Hexagone par les banques, ainsi qu'un second volet, qui interviendra un peu plus tard, de 6 milliards d'euros consacré à des obligations de relance. Celles-ci seront quant à elles assimilées à des quasi fonds propres, et distribuées plutôt par des sociétés de gestion.

Actuellement, des fonds d'investissement sont encore en train de soumissionner des appels d'offres, pour une mise en service de ce second volet plutôt attendu à compter de juillet prochain.

Quel rôle vont jouer les acteurs bancaires comme le Crédit Agricole Centre-Est dans cette nouvelle phase ?

Un fonds de place national va être abondé à compter du 26 avril prochain par des liquidités de 14 milliards d'euros, apportées principalement par des assureurs, dont Crédit Agricole Assurances.

Ces compagnies viendront supporter 60 % du risque de ces prêts participatifs, tandis que l'État propose une garantie à hauteur de 30% de ces fonds. En bout de ligne, les acteurs bancaires qui proposeront ces prêts ne supporteront que 10 % du coût total du risque.

Quelles sont les conditions proposées aux entreprises par ces nouveaux prêts participatifs ?

Ce sont des prêts sur huit ans, avec quatre ans de différé puis un amortissement de quatre ans. Il s'agit de prêts subordonnés, ce qui signifie qu'en cas de difficultés, ils interviennent en dernier rang et seront donc remboursés après toutes les autres dettes bancaires.

Ils permettent de diversifier les sources de financement et de ne pas recourir à nouveau à la dette bancaire, et sont pensés pour venir en complément de PGE, afin de renforcer la structure financière des entreprises fragilisées par la crise, mais qui préparent leur rebond.

Il y a néanmoins eu beaucoup de fantasmes autour de ces dispositifs, et il faut bien le préciser : ces prêts participatif ne seront pas destinés à rembourser les PGE, ni les crédits existants. Les entreprises devront donc présenter des plans de trésorerie et de financement, qui démontrent que ces ressources seront déployées pour réinvestir dans leur développement.

Quid des conditions d'éligibilité :  les secteurs particulièrement touchés par la crise seront-ils compris dans ce dispositif ?

Il existe différents points d'entrée mais globalement, pour prétendre à un prêt participatif -voire même à une obligation de relance par la suite-, les entreprises pourront le faire jusqu'à hauteur d'un quart de leur chiffre d'affaires 2019 et ce, pour l'ensemble des dispositifs de soutien (PGE, prêt participatif, obligation de relance, etc).

Elles devront également afficher un chiffre d'affaires compris entre 2 millions et 1,5 milliards d'euros en 2019 : ce qui flèche plutôt ces prêts participatifs en direction des PME et ETI, et exclut de fait les grands groupes. Il existe cependant des dérogations dans le cas d'entreprises innovantes, où ces dispositifs seront calculés plus particulièrement sur la masse salariale.

Si ces dispositifs pourront s'adresser à des secteurs particulièrement touchés comme le tourisme, l'événementiel, ou encore l'hôtellerie-restauration, l'un des critères importants sera la dernière notation Banque de France, qui devra être de 5+ ou mieux.

Ce qui signifie que l'on pourra trouver des entreprises affectées ou fragilisées par la crise, mais qui disposent tout de même de vraies capacités de remboursement et qui n'ont pas été totalement déséquilibrées ou endettées. Et notamment d'un résultat net positif en 2019.

Concrètement, cette impératif de bénéficier d'une bonne cotation Banque de France ne risque-t-il donc pas de constituer un obstacle majeur pour les entreprises issues des secteurs d'activité sinistrés ?

Il est difficile de généraliser à ce stade, mais l'on peut dire qu'actuellement, certaines entreprises gardent encore des niveaux de cotations suffisantes pour y répondre. Une partie de ces acteurs pouvait par exemple avoir une solidité financière importante qui font qu'elles arrivent tout de même à passer le cap d'une année délicate, comme celle-ci. 
On constate cependant que dans certaines filières, la consolidation des acteurs sera probablement une évidence au cours des prochains mois. On le voyait déjà par exemple dans le secteur du transport, et cette tendance de fonds pourrait encore s'accentuer. On peut imaginer que celle-ci puisse toucher ensuite d'autres secteurs, comme l'événementiel.

Ces prêts participatifs (qui affichent un taux compris entre 4 et 5,5% pour les PME et 5 à 6% pour les ETI) vont-ils réellement trouver leur public au sein de l'arsenal d'aides déjà existantes ? La demande est-elle déjà présente en AuRA ?

Aujourd'hui, nous recevons surtout des interrogations de chefs d'entreprise qui se demandent où en est ce dispositif, et ce qu'il comprend, et comment il fonctionne. Nous avons plutôt des marques d'interrogation, plutôt que des marques d'intérêt à ce stade.

Nous sommes en train d'étudier notre propre base de clients afin d'identifier quels seraient les entreprises capables de rebondir et qui disposent d'une base financière assez solide pour demander ce type de prêt.

Nous avons nous-mêmes déjà accompagné près de 9.000 entreprises régionales à travers le dispositif du PGE, toutes tailles confondues, mais pour l'instant, il est encore difficile d'avancer des chiffres. Nul doute cependant que la région Auvergne Rhône-Alpes représentera certainement son poids économique à l'échelle nationale.

Pour autant, on voit bien que les entreprises qui réunissent encore les conditions pour lever de la dette bancaire traditionnelle, elle-même assez abondante et peu coûteuse actuellement, ne se dirigeront pas naturellement vers ces prêts participatifs. Cela ne devrait donc concerner, au final, qu'une frange des entreprises régionales plutôt réduite, mais s'inscrit dans un arsenal d'aides existantes qui se veut large.

On a beaucoup parlé de la nécessité de développer des outils de « quasi fonds propres » au cours des dernières semaines, mais force est de constater que le dispositif existant ressemble plutôt à de la dette, à ce stade ?

Il s'agit en effet de prêts participatifs subordonnés, qui seront donc remboursés en dernier recours, après tous les autres types de dettes. Pendant, il ne s'agit en effet pas du tout de quasi fonds propres, et ne donnent pas lieu à une participation au capital ni à des bons de souscription en action ou autre.

Dans la cotation de la Banque de France, ce dispositif sera pris en compte comme de la dette.

C'est cependant plutôt du côté des obligations de relance, à venir, que l'État a prévu un dispositif de quasi fonds propres. Ces émissions ne seront pas dilutives mais pourraient le devenir, tout en sachant qu'elles constitueront des coupons d'obligation peu élevés, de l'ordre de 5 à 5,5 % du capital pour une PME, et de 6 à 8 % du capital pour une ETI, sur une durée de huit ans maximum.

Il faut voir ces dispositifs assez complémentaires, dans une optique de panachage et d'équilibre financier de la dette d'une entreprise. Les groupes bancaires comme le nôtre auront donc un fort rôle de conseiller d'ingénierie financière à jouer, afin d'étudier chaque dossier au cas par cas.

Ces outils viennent s'ajouter non seulement aux aides prévues par le gouvernement, mais également à des initiatives comme celles du fonds souverain lancé par la région Auvergne Rhône-Alpes il y a quelques semaines...

Globalement, ces fonds se positionnent de manière complémentaire, et permettent d'injecter beaucoup de liquidités au sein du tissu régional. Cette situation va permettre aux entreprises qui le souhaitent de trouver les dispositifs nécessaires pour se financer.

Aujourd'hui, il existe plus de liquidités disponibles que d'entreprises demandeuses.

Tout l'enjeu sera d'adapter le type de financement à la réalité et la culture de l'entreprise. Même si dans le fond, l'ensemble de ces dispositifs sont plutôt tournés vers le capital développement, et beaucoup moins vers les problématiques de retournement, où il pourrait encore exister quelques trous dans la raquette, compte-tenu de la spécificité de ce type de situations.

Niveau calendrier, ces prêts participatifs avaient été annoncé pour ce lundi, mais il semble qu'il reste encore une petite phase de "calage" : sont-ils déjà réellement opérationnels ?

Il existe encore certains sujets d'échanges, concernant notamment la chaîne informatique d'échanges, mais les banques sont en ordre de marche afin de commencer à instruire les premiers dossiers, avec un lancement du fonds de place prévu le 26 avril prochain.

Pour l'instant, il sera possible de distribuer ces prêts jusqu'en juin 2022. A noter que pour les sommes allant jusqu'à 10 millions d'euros, les banques sont les seuls décideurs, tandis qu'à compter de cette somme, un double regard sera mis en place par Eiffel Investment Group.

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