Selon la Banque de France, Auvergne Rhône-Alpes "résiste globalement mieux"

La Banque de France vient de publier ses dernières enquêtes de conjoncture au niveau national et régional. Bien qu’Auvergne Rhône-Alpes ait été touchée elle aussi, à l’image de l’Hexagone, par un ralentissement de son économie, la seconde région économique de France ferait preuve d’une bonne résistance. Le directeur régional de l’institution bancaire, Christian-Jacques Berret, alerte cependant sur une possible remontée du taux de chômage en fin d’année, tout en guettant l’évolution des procédures collectives.
La reprise est désormais en cours au sein du secteur de l'industrie auralpin, qui, même s'il n'a pas encore retrouvé son volume d'activité habituel d'après la dernière enquête de la Banque de France, démontre sa capacité de rebond.
La reprise est désormais en cours au sein du secteur de l'industrie auralpin, qui, même s'il n'a pas encore retrouvé son volume d'activité habituel d'après la dernière enquête de la Banque de France, démontre sa capacité de rebond. (Crédits : Vincent Kessler)

Bien que les ménages et les entreprises les plus fragiles aient été durement affectés par la crise, "l'État a pleinement joué son rôle d'amortisseur public, supportant environ 61% du coût du choc", salue la Banque de France, tout en signalant cependant que l'ensemble de ce choc ne pourra pas être absorbé.

Christian-Jacques Berret, directeur régional de la Banque de France en Auvergne Rhône-Alpes, parle d'une reprise en "aile d'oiseau" qui se profile, selon les résultats de sa dernière enquête de conjoncture nationale publiée ce mois-ci. Avec, au menu, "une première phase de rebond observée à l'issue du déconfinement", qui devrait être suivie "d'une deuxième phase de reprise plus lente jusqu'en fin d'année".

Selon les dernières projections de la Banque de France, le PIB se contracterait ainsi de 8,7 % au niveau national en 2020, tandis que le taux de chômage pourrait même connaître un pic temporaire supérieur à 11 % à la mi-2021. Cependant, le retour à la normale pourrait intervenir un peu plus tôt que prévu, à compter de début 2022, à condition que les conditions de la reprise actuelle se maintiennent.

Sur le volet régional, "il ressort des côtés positifs et négatifs à cette crise, avec de relatives bonnes surprises pour l'enquête de rentrée que nous venons de mener en région", note Christian-Jacques Berret. Après avoir interrogé près de 1.100 entreprises et établissements d'Auvergne Rhône-Alpes, les premières résultats confirment que l'activité en Auvergne Rhône-Alpes continue de se redresser en août, dans l'industrie comme dans les services et le bâtiment, à un rythme modéré, mais un peu plus soutenu qu'anticipé le mois précédent.

"Au cours des cinq derniers mois, on a pu constater que le tissu économique auralpin était de bonne qualité et globalement un peu meilleur que sur le reste de l'Hexagone. Alors que la région représente 11 % en termes de poids géographique à l'échelle nationale, on constate que les PGE accordés pour l'Auvergne Rhône-Alpes atteignent près de 13%, et 11% en montant alloué", observe Christian-Jacques Berret.

Preuve, selon lui, que le caractère très diversifié du tissu économique régional a constitué une chance pour traverser cette crise, lui permettant de "résister globalement mieux que sur le plan national".

L'industrie régionale tient la barre

L'industrie régionale observerait ainsi un retour "proche de la normale" au cours du dernier mois (88% de son activité habituelle, contre 89% à l'échelle de l'Hexagone). Et ce, alors qu'Auvergne Rhône-Alpes compte un tissu de sous-traitants lié à l'industrie automobile, déjà affaibli par la crise en 2009. Mais qui avait en même temps su démontrer sa "capacité de rebond".

Même tendance pour le secteur du bâtiment, qui se redresse à 96% de son niveau habituel en août, avec le gros-œuvre qui demeure toutefois plus favorable que le second-œuvre, compte-tenu d'un effet de rattrapage de certains chantiers.

Le secteur des services s'affiche quant à elle plus dynamique qu'au plan national, avec une activité estimée "stable" par les chefs d'entreprises sur le mois d'août (91% de son niveau normal), légèrement supérieure au taux national (88%).

Christian-Jacques Berret salue l'agilité du tissu économique, et notamment de l'industrie, "où ceux qui ont réussi à se reconvertir rapidement à la faveur de la crise pour produire ce dont on avait besoin ont rapidement renoué avec des volumes d'activité énormes. Les cabinets de notaires nous indiquent d'ailleurs qu'ils n'ont pas arrêté de travailler, peut-être grâce à la vivacité du marché immobilier lyonnais également".

Plus largement, la Banque de France note un glissement timide, mais inédit, de l'investissement des particuliers vers le marché des actions, qui a servi à financer également ce qu'il appelle "l'économie productive", ainsi qu'un recul moins fort qu'attendu sur les investissements des entreprises. "On a constaté une forme d'attentisme et un certain nombre de report d'échéances, qui est une vieille habitude française, mais l'investissement a tout de même moins diminué que prévu", note le directeur régional.

Le recours aux mesures de chômage partiel aurait également permis de conserver une masse salariale jugée stable jusqu'ici, à l'exception du tissu d'intérimaires et de stagiaires qui a fondu comme neige au soleil face au contexte d'incertitude. "Heureusement, on voit repartir un peu l'intérim désormais, ce qui est plutôt bon signe", glisse Christian-Jacques Berret.

Les conditions de la reprise à la loupe

Alors que le nombre de procédures collectives sur le plan régional n'a toujours pas explosé comme certains le craignaient, Christian-Jacques Berret se montre toutefois prudent :

"Il existe un certain nombre d'entreprises régionales qui avaient des difficultés avant la crise et qui ont bénéficié d'une sorte de no man's land et n'ont rien pu déposer. Ce qui est inquiétant, c'est que nous n'avons pas encore vu arriver cette vague".

Sans compter qu'en amont de la crise sanitaire, la Banque de France avait déjà alerté il y a quelques mois sur le niveau d'endettement jugé "inquiétant" des entreprises françaises, comparé à leurs homologues européennes. Avec une inquiétude : que les difficultés économiques rencontrées par les entreprises ne se cumulent sur une courte période en fin d'année, une situation qui pourrait à son tour se traduire par des répercussions sociales.

Les grands groupes, y compris ceux implantés en Auvergne Rhône-Alpes (Renault Trucks, General Electric, etc) sont désormais nombreux à annoncer un ajustement de leurs effectifs, suite à la crise. Pour Christian-Jacques Berret, les licenciements massifs seront "inévitables" à court terme.

"Les prévisions évoquent une perte de 800.000 emplois d'ici fin 2020, mais on prévoit en même temps que l'économie française devrait être capable de recréer près de 700.000 emplois en l'espace de deux ans, et encore plus rapidement si la reprise s'accélère", nuance-t-il.

Avec, parmi les points de vigilance, un déficit du commerce extérieur qui se creuse, en particulier dans la région Auvergne Rhône-Alpes ou l'industrie de l'aéronautique et du tourisme se fait en grande partie avec l'étranger. "L'une des grandes questions et de savoir comment les entreprises vont passer le cap et revenir vers une activité normale, alors que le rattrapage n'est encore que partiel et pourrait encore être retardé par une seconde vague", atteste le directeur régional.

L'antenne régionale  regarde également de près les échéances de remboursement du PGE, appelés à s'échelonner sur les cinq prochaines années. "En tous les cas, il faudra rembourser", prévient Christian-Jacques Berret.

Avec, déjà, une mise en garde et un message de prudence à l'égard du tissu économique :

"Nous ne pourrons pas accompagner indéfiniment toutes les entreprises. Au-delà des mesures d'urgences, il va falloir regarder quels sont les investissements les plus rentables pour la société et la maison en France afin d'être certains que ceux-ci permettent d'investir et de créer des emplois".

Parmi les outils annoncés à l'occasion du plan France Relance de 100 milliards d'euros promis par le gouvernement français, la possibilité que l'Etat vienne renforcer directement les fonds propres des entreprises, à travers des prêts participatifs. "Mais là encore, il faudra que ces aides servent à l'investissement et à développer des emplois d'avenir", met en garde Christian-Jacques Berret.

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