Maladies endocriniennes : à Lyon, le rachat de la biotech Amolyt Pharma par AstraZeneca tutoie des records

La biotech lyonnaise Amolyt Pharma annonce son acquisition imminente par le laboratoire pharmaceutique AstraZeneca pour un montant qui pourrait dépasser le milliard de dollars. Une opération record en France pour le secteur des biotechnologies, dans un contexte plus que morose en matière de financement. Positionnée sur les maladies endocriniennes rares, Amolyt Pharma a tapé dans l’œil d’AstraZeneca avec son programme de traitement de l’hypoparathyroïdie.
(Crédits : DR)

Un milliard de dollars (dont 800 millions de dollars immédiatement, puis 250 millions lorsqu'un jalon réglementaire prédéfini sera atteint) : les chiffres de l'acquisition d'Amolyt Pharma - positionnée sur le développement de peptides ciblant les maladies endocriniennes et métaboliques rares - par le géant pharmaceutique britannique AstraZeneca donnent le tournis. Y compris aux experts du secteur. Car c'est sans doute un record dans l'histoire des biotechs françaises. En tout cas, Florence Agostino Etchetto, la directrice générale de Lyonbiopole (pôle de compétitivité fédérant près de 300 membres de l'écosystème régional de la santé) depuis plus de dix ans, experte des biotechs, n'a en mémoire aucune autre opération de cette ampleur à l'échelle nationale.

Et pour elle, c'est une excellente nouvelle. Pour Amolyt Pharma et ses actionnaires évidemment, mais aussi pour l'ensemble d'une filière française des biotechnologies confrontée, depuis deux ans, à une raréfaction des sources de financement.

« Cette opération est une bouffée d'air, une lueur d'espoir pour les biotechs qui ont actuellement beaucoup de mal à se financer. C'est aussi un message positif aux fonds d'investissement sur des potentiels de sortie assez intéressants ! En résumé, c'est une excellente nouvelle, sans aucun point d'ombre. Certains pourraient dire qu'une technologie française rachetée par un géant étranger, ce n'est pas si positif. Mais il ne faut pas oublier que les biotechs, dans leur chemin habituel, doivent licencier leurs produits pour qu'ils aillent jusqu'à l'industrialisation », pointe Florence Agostino Etchetto.

La directrice de Lyonbiopole évoque aussi les retombées positives pour l'écosystème régional avec un coup de projecteur flatteur sur le savoir-faire de Lyon en matière de biotechnologies. À moyen terme, la présence sur place de cadres d'AstraZeneca pourrait aussi permettre de créer et renforcer des liens avec d'autres acteurs de la filière.

Déjà la plus grosse levée de fonds de la biotech française en 2023

Amolyt Pharma (50 salariés) avait déjà fait sauter des records l'année dernière en signant, en janvier 2023, une levée de fonds de 130 millions d'euros, la plus importante du secteur de la biotech en 2023 (sur un total de 575 millions d'euros levés par la filière cette année selon les décomptes de nos confrères de Maddyness, soit presque deux fois moins qu'en 2022).

Elle figurait même dans le top 10 des levées de fonds tricolores l'année dernière, tous secteurs confondus. L'opération avait alors été menée principalement auprès de Sofinnova Partners et Intermediate Capital Groupe et portait à 212 millions d'euros le montant collecté par Amolyt Pharma auprès d'investisseurs depuis sa création en 2014.

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Cette série d'exploits est probablement le résultat d'une combinaison réussie entre le potentiel de l'entreprise et l'expérience de son fondateur, Thierry Abribat, vétéran de la biotech qui avait déjà créé Alize Pharma I et Alize Pharma II, cédées respectivement en 2017 et 2016 à deux laboratoires américains.

Amolyt Pharma va désormais rejoindre Alexion, la nouvelle filiale d'Astrazeneca spécialisée dans les maladies rares. En 2023, AstraZeneca a enregistré un chiffre d'affaires de 45,8 milliards de dollars. Dont près de huit sur le segment des maladies rares, segment qu'AstraZeneca souhaite renforcer.

Cette acquisition doit permettre au groupe d'étendre son portefeuille de médicaments dans le  métabolisme osseux et l'endocrinologie rare. La semaine dernière AstraZeneca avait déjà annoncé l'acquisition, auprès de l'Américain Pfizer, d'un portefeuille de médicaments pour traiter des maladies rares pour un montant pouvant aller jusqu'à un milliard de dollars.

Une commercialisation envisagée dans les deux ans

Depuis sa création, Amolyt Pharma planche sur la question des maladies endocriniennes rares. Et notamment sur l'hypoparathyroïdie, cette maladie endocrinienne causée par une insuffisance de production de parathormone et conduisant à une hypocalcémie, avec des symptômes tels que la tétanie, de la fatigue, des douleurs osseuses, ou encore des paresthésies. Près de 115.000 personnes aux Etats-Unis et 107.000 en Europe souffriraient de cette maladie, selon les données fournies par Amolyt Pharma. Essentiellement des femmes. Ces patientes sont notamment traitées par une supplémentation en calcium et vitamine D, avec des résultats encore insuffisants.

« Les patients souffrant d'hypoparathyroïdie chronique ont réellement besoin d'une alternative aux thérapies d'accompagnement actuelles, qui ne traitent pas la déficience hormonale sous-jacente. En tant que leader dans le domaine des maladies rares, Alexion est particulièrement bien placée pour mener à bien le développement avancé et la commercialisation mondiale de l'énéboparatide, qui a le potentiel d'atténuer l'impact souvent invalidant d'un faible taux d'hormone parathyroïdienne et d'éviter les risques d'une supplémentation en calcium à haute dose. Nous pensons que ce programme (...) permettra notre expansion dans le domaine des maladies endocriniennes rares », souligne Marc Dunoyer, le directeur général d'Alexion.

Le programme d'Amolyt Pharma sur l'hypoparathyroïdie, basé sur une licence acquise auprès du Massachussetts General Hospital de Boston pour la molécule de l'énéboparatide, a franchi avec succès les phases 1 et 2. La biotech a démarré récemment le recrutement pour la phase 3. Une commercialisation pourrait être envisagée pour 2025 ou 2026. Avec un potentiel global de marché de cette classe de produits évalué à six milliards de dollars par Thierry Abribat.

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La biotech lyonnaise développe en parallèle deux autres programmes de recherche : sur l'acromégalie, une autre maladie endocrinienne causée par une hypersécrétion d'une hormone de croissance et sur une famille d'anticorps monoclonaux comme traitement potentiel de l'hyperparathyroïdie et de l'hypercalcémie humorale d'origine maligne, deux maladies endocriniennes rares présentant là encore des besoins cliniques importants et non satisfaits.

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Commentaires 2
à écrit le 19/03/2024 à 10:47
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Encore 1 entreprise technologique innovante française rachetée par une grosse entreprise anglophone.

à écrit le 18/03/2024 à 10:13
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Les maladies endocriniennes, ils nous les ont inoculé maintenant ils vont se faire de l'argent en nous proposant de les soigner, enfin en essayent de les soigner plutôt. Un monde de déments fait par les déments pour les déments.

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