Mobilité : comment la Compagnie des Alpes veut inciter les skieurs à prendre le train

Prendre le train pour aller skier plutôt que la voiture ? Peu de touristes ont déjà franchi le pas. En cause : les contraintes logistiques et le manque d'offre adaptée vers les stations. La Compagnie des Alpes veut accélérer le rythme de la décarbonation du transport lié aux sports d'hiver. Après une première initiative avortée avec la SNCF et Eurostar pour des liaisons depuis Paris et Londres, la CDA lance un appel d'offres européen pour des liaisons depuis Paris, Londres, Bruxelles et Amsterdam.
Selon plusieurs études, entre 52 et 80% des émissions de gaz à effet de serre des séjours au ski sont liés au transport.

Un contrat de trois ans (2024-2027) avec une garantie de volume (dont le niveau n'a pas encore été déterminé). Voici ce que promet, dans son appel à candidatures publié il y a quelques jours, la Compagnie des Alpes (CDA) aux opérateurs ferroviaires européens qui mettraient à disposition de ses clients « une offre récurrente de mobilité décarbonée en train depuis Paris, Londres, Amsterdam et Bruxelles en direction des Alpes françaises ».

La Compagnie des Alpes (5.000 salariés, 959 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021/2022, en croissance de 25 % au premier semestre de l'exercice 2022/2023) exploite, en délégation de service public, une dizaine de stations de ski dans les Alpes (dont la Plagne, les Arcs, Tignes, Val d'Isère, Serre-Chevalier, les Menuires etc). La société détient également depuis 2018 le tour-opérateur Travelski, ainsi que les résidences MMV et Yoonly.

Convaincre les compagnies

La CDA attend des opérateurs ferroviaires une à deux rotations par semaine entre mi-décembre et mi-avril, que ce soit en TGV, en liaisons intercités ou en trains de nuit. « Nous espérons intéresser plusieurs partenaires, nous leur garantissons un équilibre économique puisque nous serons en capacité de réserver des rames entières, sans aucun risque pour eux si jamais les volumes fixés n'étaient pas atteints », explique Bryce Arnaud-Battandier, directeur de la division distribution et hospitality de la CDA.

Cette offre de transport par train, de porte à porte avec une desserte assurée en transport collectif ou individuel selon les cas depuis la gare jusqu'au lieu de destination finale, sera réservée dans un premier temps aux clients de Travelski, le tour-opérateur de la CDA, leader des séjours à la montagne.

« Nous voulons lever tous les freins au déplacement en train : le stockage des bagages et du matériel de ski par exemple, ou la problématique du dernier kilomètre. Tout doit être pensé pour faciliter l'arrivée et le départ du voyageur afin d'offrir une expérience de transport optimale », décline Brice Arnaud-Battandier.

Pour une massification des volumes, la CDA se dit ouverte à une agrégation avec d'autres tour-opérateurs ou d'autres hébergeurs.

12.000 skieurs transportés en train sur l'année dernière

Parmi les opérateurs ferroviaires que la CDA espère voir répondre à son appel à candidatures : la SNCF et Eurostar. Pourtant, les deux compagnies ont déjà travaillé avec la CDA sur la dernière saison pour des acheminements depuis Londres et Paris mais ont annoncé cet été ne pas poursuivre l'expérience pour cet hiver. Selon nos confrères du Dauphiné Libéré, les raisons invoquées seraient liées à des contraintes administratives en lien avec le Brexit pour Eurostar et au niveau de réservation trop faible pour la SNCF. Pas de quoi visiblement échauder Bryce Arnaud-Battandier qui met en avant les bons résultats obtenus, suffisants pour attirer des candidats selon lui.

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 Sur l'hiver 2022/2023, 12.000 vacanciers avaient été transportés par la SNCF entre Paris et une vingtaine de stations de la Tarentaise et de la Maurienne (12 rotations) et par Eurostar depuis Londres (17 rotations), dans des trains affrétés par Travelski dans le cadre de ses séjours packagés (dans les stations exploitées par la CDA mais pas seulement).

« Cela a été un vrai succès avec 82 % de taux de satisfaction. Nous avons validé le modèle économique, nous sommes capables de remplir des rames de 500 personnes. Nous voulons désormais non seulement relancer les liaisons depuis Paris et Londres mais aussi élargir à d'autres pays européens dont les habitants viennent régulièrement skier chez nous », assure le directeur de la division distribution et hospitality de la CDA.

En attendant la mise en œuvre opérationnelle de ces nouvelles lignes, attendues pour la saison 2024/2025, l'hiver ferroviaire 2023/2024 de Travelski sera donc blanc, ou presque, puisqu'aucune liaison n'a été maintenue par la SNCF dans le cadre de son accord avec la filiale de la CDA et seulement quelques rotations par Eurostar entre Noël et mi-février.

A noter toutefois qu'il est bien entendu possible de prendre le train sur les lignes habituelles, puisque la SNCF et Eurostar font rouler des trains vers ces stations toute l'année, avec leur propre offre « neige » d'ailleurs.

Plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre d'un séjour au ski relèvent du transport

Pour la Compagnie des Alpes, le déploiement du transport ferroviaire est stratégique. L'entreprise s'est engagée dans une démarche zéro carbone net à horizon 2030, sur les scopes 1 (émissions directes) et 2 (énergie) du GHG protocol, la norme internationale utilisée pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre. Et si les émissions indirectes liées au transport de ses clients relèvent plutôt du scope 3, l'initiative participe au mouvement global de décarbonation des stations exploitées par la Compagnie des Alpes en particulier et du tourisme à la montagne de manière générale.

Selon différentes études menées ces dernières années, notamment par l'ADEME et l'Association Nationale des maires de Stations de montagne (ANMSM), entre 52 et 66% des émissions de gaz à effet de serre générées par un séjour au ski proviendraient du transport des skieurs entre leur domicile et leur lieu de séjour (et près de 30% par le logement, en particulier le chauffage). Ce serait même 80% pour le transport selon l'enquête réalisée récemment par la Compagnie des Alpes (étude Carbone 4 - Travelfactory) auprès de 150.000 skieurs européens.

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Pourquoi ? Parce que la voiture est aujourd'hui le mode de déplacement ultra privilégié des skieurs pour se rendre sur leur lieu de vacances. Et le curseur semble bloqué. En 2022, 89% des Français ont utilisé leur véhicule pour se rendre aux sports d'hiver selon une étude de l'ANMSM. Seulement 8% disaient pouvoir envisager de changer de mode de transport. Mais 51% affirmaient être prêts à passer le cap si l'offre de trains/autocars était plus adaptée. « Les Français sont de plus en plus sensibles à leur empreinte environnementale. Pourtant, la plupart des vacanciers utilisent encore leur voiture pour se rendre en stations de montagne. Un choix qui s'explique par les difficultés d'accès aux stations en transports en commun », expliquait, à l'occasion de la publication de cette étude, Jean-Luc Boch, président de l'association et par ailleurs maire de La Plagne. Les élus de stations de montagne enjoignaient alors « les parties prenantes à redoubler d'efforts en faveur du développement de l'offre ferroviaire ».

Avec sa future offre de « ski-train », la Compagnie des Alpes entend donc relever le défi. « Le potentiel de développement de cette offre est énorme. En 2022, dans les Alpes françaises, nous avons accueilli 9 millions de skieurs français, un million d'Anglais, 500.000 Néerlandais et 500.000 belges », conclut Bryce Arnaud-Battandier.

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