Tarifs des transports en commun de Lyon : la piste de la gratuité étudiée par un groupe de travail transpartisan

Bruno Bernard avait jusqu’ici fermé à clé la porte de la gratuité des transports en commun. Le président de la métropole de Lyon vient de l’entrouvrir en acceptant la création d’un groupe de travail transpartisan sur le financement des transports en commun. Requête formulée notamment par son prédécesseur, David Kimelfeld, qui défend justement la voie d’une nouvelle étude approfondie sur la question de la gratuité.
(Crédits : DR)

« La gratuité totale des transports en commun n'est pas à l'ordre du jour à Lyon », prévient d'emblée Vincent Monot, conseiller écologiste de la Métropole de Lyon et vice-président du Sytral (l'autorité organisatrice des transports du territoire), en réponse à ceux qui verraient dans la création en cours d'un groupe de travail sur le financement des transports en commun une possible volte-face de Bruno Bernard sur ce sujet. Le président de la Métropole, interpellé sur cette question à plusieurs reprises ces derniers mois par les oppositions mais aussi par des voix s'élevant au sein même de la majorité métropolitaine, avait en effet ostensiblement fermé cette porte, mettant en avant la dangereuse équation financière d'une telle option. Impossible selon lui de se passer des quelque 300 millions d'euros de recettes issues de la billetterie, sans dégrader le niveau de service ni impacter déraisonnablement les finances publiques.

Sans revenir donc officiellement sur cette position, le président de la Métropole a néanmoins accepté, il y a quelques jours, la création d'un « groupe de travail transpartisan » dans le but « d'alimenter les réflexions nationales et locales sur le financement des transports en commun et leur tarification ».

Une gratuité ni possible ni souhaitable ?

« Actuellement, la gratuité totale n'est pas envisageable. Ce groupe de travail pourra néanmoins éventuellement permettre de faire émerger des voies alternatives de financement qu'il pourrait être intéressant d'approfondir », concède Vincent Monot, tout en rappelant l'étude réalisée en 2019 par le laboratoire lyonnais LAET (Laboratoire Aménagement Economie Transport) pour le compte du Sytral.

Celle-ci avait mis en avant le triplement du déficit annuel (500 millions d'euros) à attendre d'une telle mesure et alertait sur les dangers que la gratuité ferait peser sur le développement du réseau TCL.

Selon le budget primitif 2023, présenté en décembre dernier par le Sytral, les recettes 2023 devraient s'afficher à 910,8 millions d'euros (en hausse de 11,7%) dont 51,1% abondés par les entreprises du territoire via leur versement mobilité et 20% par les collectivités locales membres (principalement la métropole) ainsi que par l'Etat. Les 29 derniers pourcents (soit 265,2 millions d'euros, en hausse de 9,7%) seront alimentés par les rentrées commerciales liées à l'exploitation du réseau.

« Dans les 10 ans qui viennent, nous allons devoir renouveler trois lignes de métro qui arrivent en fin de vie, ce qui va représenter un investissement colossal. Sur ce mandat uniquement, 2,55 milliards d'euros sont investis pour développer nos réseaux de transport en commun. Dans ces conditions, comment nous passer des recettes d'exploitation ? », interroge le vice-président écologiste du Sytral.

D'autant, pointe-t-il, que déjà 160.000 usagers bénéficient déjà d'une tarification « solidaire », depuis 2021, avec, selon leur statut, soit une gratuité totale, soit un abonnement mensuel à 10 euros. Chiffre auquel s'ajoutent 100.000 étudiants bénéficiant eux aussi d'un tarif mensuel de 10 euros.

L'étude du LAET, commandée par le Sytral et pilotée par Pierre-Yves Péguy (directeur du LAET), pointait par ailleurs la question de l'équité, la gratuité étant appliquée à tous, quel que soit son niveau de revenu. Son directeur adjoint, Olivier Klein, qui n'a lui pas participé à ces travaux relativise toutefois cet argument : « Il est vrai que la gratuité des transports pose la question de la redistribution. Mais il ne faut pas envisager la gratuité comme un enjeu en soi. L'enjeu est bien celui de la décarbonation. Regardez l'école : l'éducation est gratuite pour tous, personne ne le conteste ».

Ne plus écarter la piste de la gratuité

David Kimelfeld, ex-président de la Métropole et aujourd'hui conseiller métropolitain « Progressistes et Républicains », salue la création de ce groupe de travail. Il l'avait réclamé en décembre dernier en assemblée métropolitaine à Bruno Bernard, mais sa demande avait alors été sérieusement retoquée par le président de la métropole et par son vice-président en charge des déplacements, Jean-Charles Kohlhaas.

« Je ne dis pas que la gratuité doit absolument être décrétée, je dis que cette possibilité ne doit plus être écartée aujourd'hui. Pourquoi ? La crise énergétique, l'inflation, la question du pouvoir d'achat sont aujourd'hui au cœur des préoccupations des Français. A cela, s'ajoute à Lyon, le déploiement de la ZFE. Il faut inciter et faciliter le passage aux transports en commun. L'étude du Sytral date de 2019, les conditions ne sont plus du tout les mêmes aujourd'hui. D'autres villes tentent l'expérience de la gratuité, comme Montpellier, nous devons explorer très sérieusement cette piste ».

Du côté du groupe « Métropole Insoumise résiliente et solidaire », - membre de la majorité et prônant la gratuité des tarifs des transports en commun à horizon 2030- , son président, Laurent Legendre explique être conscient qu'une gratuité ne pourra probablement pas être envisagée dans l'immédiat. D'autant qu'il porte le discours sur la nécessité de tripler le budget du Sytral dans les 20 prochaines années.

« Nous pourrions dans un premier temps élargir les critères de la gratuité. En l'appliquant par exemple à tous les jeunes de moins de 25 ans, ce qui permettrait d'ancrer les habitudes de transport doux. La gratuité devrait également être automatique les jours d'alerte pollution ».

Au sein de ce nouveau groupe de travail transpartisan sur les transports en commun, l'insoumis, par ailleurs ingénieur en aménagement urbain et en agriculture urbaine, va également porter des propositions de financement alternatif, notamment en lien avec une taxation des GAFA, ceux-ci utilisant en effet les données du territoire pour proposer les meilleurs itinéraires de déplacement à leurs utilisateurs.

La première réunion du groupe de travail doit se tenir dans les prochains jours pour des conclusions attendues en septembre prochain.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.