Sytral : pourquoi le projet d'allotissement suscite une levée de boucliers sur le réseau lyonnais TCL

Journée noire annoncée ce mercredi 9 février dans les transports lyonnais. Réunis en intersyndicale, les syndicats CGT, FO, Unsa et CFDT des Transports en commun lyonnais (TCL) ont lancé un appel à la grève, suivi par 1.100 agents. La raison : depuis 1993 et jusqu'en 2024, Keolis exploite l'ensemble du réseau, via une délégation de service publique du Sytral. Mais après cette date, le marché pourrait être découpé en plusieurs lots et donc plusieurs délégataires à travers une mesure d'allotissement qui ne fait pas l'unanimité.
A travers la mobilisation qui a perturbé l'ensemble du réseau de transports lyonnais ce mercredi, les agents des TCL ne voient pas d'un bon oeil la mesure d'allotissement proposée par le Grand Lyon, craignant notamment une menace pour leurs emplois, leurs acquis sociaux ainsi que la continuité du service. De son côté, Bruno Bernard, président de la Métropole et du Sytral, se veut rassurant.
A travers la mobilisation qui a perturbé l'ensemble du réseau de transports lyonnais ce mercredi, les agents des TCL ne voient pas d'un bon oeil la mesure d'allotissement proposée par le Grand Lyon, craignant notamment une menace pour leurs emplois, leurs acquis sociaux ainsi que la continuité du service. De son côté, Bruno Bernard, président de la Métropole et du Sytral, se veut rassurant. (Crédits : DR Zoé Favre d'Anne)

Ce mercredi, ce sont près de 1.100 agents des Transports en commun lyonnais (TCL), soit près d'un tiers des 4.500 salariés, qui auront finalement débrayé, à l'appel de l'intersyndicale (CGT, FO, Unsa, CFDT), ont estimé les syndicats. Un chiffre qui prend même plus de poids lorsque l'on considère que ce mercredi, 1.700 agents étaient supposés être en poste, du fait des rotations de planning pratiquées dans le domaine des transports.

Ils sont opposés au projet d'allotissement des transports, mis sur la table depuis le changement d'exécutif mené en 2020 à la tête du Sytral, l'autorité organisatrice de la mobilité sur le territoire du Grand Lyon, qui assure la gestion des TCL. Depuis l'arrivée des écologistes à la Métropole et à la Ville de Lyon, c'est le président EELV Bruno Bernard lui-même qui a choisi de prendre la présidence du Sytral afin d'appuyer ses priorités en matière d'accroissement de l'offre de transports publics.

Redoutant pour leur part un amoindrissement de leurs acquis sociaux, les agents dénonçaient ce mercredi : "le choix de l'allotissement est l'aboutissement des logiques les plus libérales, au service des appétits financiers des multinationales du transports."

Trente ans de "monopole privé"

Pour comprendre, il faut effectuer un petit retour en arrière : depuis 1993, l'exploitation des TCL est déléguée à la société privée Keolis, à travers une délégation de service public (DSP) accordée par le Sytral. Le dernier contrat de DSP en date court depuis la fin 2016 et se terminera mi-2024, pour un montant total qui avoisine les trois milliards d'euros (à noter que Keolis reverse, de son côté, les recettes des TCL au Sytral).

Au moment du lancement de la DSP, aucun autre acteur privé ne s'était alors manifesté pour y candidater. La presse à l'époque faisait alors l'écho d'un certain monopole de Keolis sur les transport lyonnais. Actuellement, Keolis exploite donc seul tous les transports lyonnais (tram, bus, métro) et emploi environ 4.500 salariés.

Quelques années plus tard, en 2020, Bruno Bernard, élu président de la Métropole et devenu président du Sytral, a affirmé la volonté d'étudier l'allotissement comme une option concrète, c'est-à-dire diviser les transports en plusieurs lots, confiés à plusieurs délégataires.

Le conseil d'administration du Sytral doit se prononcer officiellement sur le sujet le 10 mars prochain. Et selon le président du Sytral, "oui, il y aura cette fois des candidats", comme la RATP ou Transdev.

Depuis presque trente ans Keolis est exploitant des TCL, une situation de "monopole privé", selon les mots de Bruno Bernard, qui ne convient donc plus au Sytral.

Un rapport de la Chambre régionale des comptes qui le prévoyait

Dans un rapport de 2019, la Chambre Régionale des Comptes (CRC) évoquait elle-même la possibilité d'allotir le réseau de transports, tout en ne se prononçant pas sur la question, laissant l'expertise de sa pertinence  au Sytral.

Elle note toutefois qu'une étude interne du Sytral du 12 décembre 2012 considère que l'allotissement permettrait de "favoriser la concurrence", "d'augmenter les connaissances de l'autorité organisatrice sur le coût et le fonctionnement du réseau", de "réduire la dépendance de l'autorité organisatrice vis-à-vis de l'opérateur historique" et de "réduire le déficit d'exploitation du réseau".

Tout en soulignant que "l'absence d'allotissement permet des économies d'échelle et facilite le suivi et la gestion de l'exploitation". La question du social, qui a généré la grève de ce mercredi, n'est quant à elle pas soulevée dans ce rapport.

Ce mercredi, Bruno Bernard a évoqué l'hypothèse d'une division des TCL en "deux gros lots : l'un destiné aux transports lourds (métro, tram Rhône Express) et l'autre pour les bus." Une nouvelle pour l'intersyndicale qui avait connaissance à ce jour de cinq lots

La question des fonctions de sécurité, marketing, billettique, etc, reste cependant en suspend.

L'intersyndicale ne croit pas aux promesses du Sytral

L'intersyndicale redoute que les acquis sociaux - rémunération, conditions de travail, possibilité d'évolution de carrière, CSE en l'état, mutuelle, prévoyance, retraite, treizième mois... - des agents de Keolis soient remis en question avec l'allotissement.

"L'inquiétude est légitime. Il faut une concurrence qui ne peut pas se faire sur le dos des salariés", reprend le président du Sytral.

"Nous estimons que l'allotissement sera une casse sociale. Nous refusons qu'il y ait plusieurs entreprises dans une entreprise", tranche Rachida Albrand, secrétaire général UGICT-CGT.

En réponse, le Sytral avait donc déjà exprimé en février dernier son ambition de garantir un socle social aux salariés. "Acquis et usages", seraient ainsi préservés.

"Qu'on allotisse ou pas, il est question du socle social", ajoute Bruno Bernard. Un socle social qui serait inclus dans le cahier des charges de la DSP.  Le président du Sytral affirme même que "les contrats pourront être résiliés si le socle social n'est pas respecté. Les salariés ne sont pas une variable d'ajustement. [...] Le cahier des charges sera là pour tout border", réaffirme Bruno Bernard.

Une promesse que l'intersyndicale ne croit pas réalisable. "Ce ne sont que des paroles", affirme Karime Kissa, délégué syndical FO. Ou y voit un vœux pieux : "Le Sytral ne peut pas imposer à un délégataire comment gérer son réseau. Il peut l'inscrire dans la DSP, mais les accords peuvent être dénoncés. Cela a déjà été fait en 2009", s'inquiète Rachida Albrand.

Aussi, "juridiquement, ni le Sytral, ni Keolis ne peuvent nous garantir que nos contrats de travail soient transférés", déclare l'intersyndicale.

Et le modèle de la régie publique ?

Dans un scénario idéal, l'intersyndicale appelle donc de ses vœux que les TCL fonctionnent sous une régie publique, comme cela a été fait pour la gestion de l'eau. "Le Sytral en a ras le bol du monopole de Keolis et on le comprend, il aurait tout intérêt à reprendre la gestion directe", affirme Rachida Albrand.

Une solution qui ne semble pas à l'ordre du jour du Sytral. A défaut, "l'idéal serait de ne garder qu'un lot, quelle que soit la société qui reprend", poursuit Karime Kissa.

Une autre crainte est celle de la continuité du service pour les usagers. Par exemple : si un métro est à l'arrêt, en temps normal une ligne de bus prend le relais. Qu'en sera-t-il si ce sont deux opérateurs différents qui s'occupent de ces transports ?

Plus que des mots, l'intersyndicale attend donc des actions de la part du Sytral. Une rencontre est prévu en fin d'après-midi ce mercredi. Affaire à suivre.

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