Des images de camions transportant de la neige de culture pour rendre possible le déroulement d'une épreuve de la Coupe du monde de biathlon ont choqué les militants écologistes. L'épreuve, qui a accueilli plus de 60.000 spectateurs l'année dernière, se déroulera du 15 au 18 décembre prochain au Grand Bornand (Haute-Savoie). Avec à la clé, près de 5 millions d'euros de retombées financières attendues pour les vallées environnantes.
Des camions qui transportent de la neige pour permettre la tenue d'une étape de la Coupe du monde de biathlon au Grand Bornand, en Haute-Savoie, mi-décembre. L'image, relayée par des habitants et des militants, fait le tour des réseaux sociaux depuis quelques jours, alimentant les critiques.
24.000 m3 de neige, stockés en "snowfarming" depuis l'hiver dernier sous une couche de sciure, ont effectivement servi à préparer les pistes pour les épreuves. Une partie de neige tombée naturelle, une autre partie produite sur place grâce à des canons à neige.
Selon l'organisation, contactée par La Tribune, la moitié était déjà stockée sur site, l'autre, un peu plus haut, près des infrastructures de ski alpin. C'est donc pour ces 12.000 m3 qu'un ballet de camions a dû se mettre en place, pendant trois jours, pour descendre la neige sur le site de la compétition. Choquant au passage certains riverains qui réclament - à minima - de revoir l'agenda pour que la compétition se tienne à une période où la station est enneigée.
Faire changer le visage de ces événements
"On parle de la transition des territoires de montagne : on n'arrivera jamais à insuffler le moindre changement, si on ne fait pas évoluer ces événements, déplore Valérie Paumier, de l'association Résilience Montagne. Aujourd'hui, on se retrouve avec des images dignes des JO de Pékin : des pistes de neige sur de l'herbe".
L'épreuve, qui, selon l'organisation, a accueilli plus de 60.000 spectateurs l'année dernière, se déroulera du 15 au 18 décembre prochain - avec près de 5 millions d'euros de retombées financières attendues pour les vallées environnantes.
"Tout événement festif d'ampleur international a un impact environnemental qui n'est pas négligeable, qu'il soit sportif ou culturel", se défend André Perrillat-Amédé, maire du Grand-Bornand et président du Comité d'organisation Annecy / Grand-Bornand Biathlon, contacté par La Tribune.
"Je comprends que les images puissent faire réagir, cependant, d'après nos calculs, la fabrication et le stockage de la neige représentent moins de 1% du bilan carbone de l'événement - 83% correspondent aux déplacements des spectateurs, des équipes, des médias, etc."
"Que fait-on de notre eau ?"
Autre argument avancé par la mairie : le déneigement des routes de la commune, pour assurer leur viabilité, s'il avait neigé 50 cm pendant ces trois jours, aurait eu un impact carbone supérieur à celui du transport de la neige.
Mais au-delà de l'enneigement artificiel, Valérie Paumier interroge le procédé même de snowfarming : "On nous parle de problèmes d'eau, mais que fait-on de notre eau ? Elle a servi à fabriquer ces 24.000 m3 de neige ! Il faut hiérarchiser l'usage de l'eau. Dans la même veine, on va fermer des classes par manque d'électricité, mais des canons à neige tournent pour enneiger des pistes. Cela pose vraiment question".
Sur Twitter, le champion espagnol de ski-alpinisme Kilian Jornet a fait part, lui aussi, de son incompréhension : "Les sports de neige sont sans doute les plus touchés par le changement climatique. Ils doivent entraîner le monde du sport vers une transition en étant plus durable, au lieu d'ignorer ce qu'il se passe".
Du côté de l'organisation, on défend un engagement environnemental sur d'autres points : "Nous sommes le seul site qui n'ait pas d'infrastructure permanente de biathlon, explique André Perillat-Amédé. En termes d'investissement, cela aurait eu un coup carboné fort - nous avons donc fait le choix, dès le départ, d'avoir des structures à 80% démontables et réutilisables sur d'autres sites pour d'autres manifestations".
Autres actions : favoriser le transport collectif, ainsi qu'un logement des athlètes au village, pour permettre les déplacements à pied, et un approvisionnement en denrées alimentaires les plus locales possibles.
"Le calendrier de l'IBU est exemplaire !"
Fabien Saguez, président de la Fédération Française de Ski et membre du board de la Fédération internationale de biathlon (IBU), joint par La Tribune, appuie également l'engagement du secteur par rapport à l'environnement.
"Le calendrier de l'IBU est exemplaire : c'est le seul qui essaie d'éviter les déplacements dans tous les sens, en regroupant les épreuves. Il ne se rend, par exemple, en Amérique du Nord qu'une fois tous les quatre ans, pour éviter les transports".
Dans le cadre de la Coupe du monde de ski-cross, à Val Thorens, la FFS et les organisateurs travaillent également à des modules en métal, permettant de limiter le volume de neige pour les sauts et les bosses :
"Nous comprenons que les images puissent choquer, mais nous sommes attentifs à ces questions. Nous vivons à la montagne, cela fait bien longtemps que nous sommes vigilants".
Fabien Saguez dénonce "un ski-bashing extraordinaire cette année", encourageant à faire également le bilan carbone d'autres sports, comme la Formule 1. "Nous sommes sans commune mesure", affirme-t-il.
Néanmoins, pour Valérie Paumier, l'image demeure importante : "C'est symbolique. En maintenant des événements comme celui-ci, on n'incite pas au changement ! Les montagnes sont des sentinelles du climat, comme les océans. Nous devons les préserver, c'est notre eau potable !". Lundi dernier, l'IBU a validé la tenue de l'épreuve.
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