Chantage à la vidéo intime : l'alerte du monde économique, qui craint des retombées néfastes pour les entreprises

L’affaire stéphanoise du chantage présumé à la vidéo intime n’en finit plus de faire des remous. Après les cercles politiques, c’est au tour du monde économique local de demander concrètement des comptes à ses dirigeants. Ils demandent à la Métropole de Saint-Etienne, qui détient la compétence économique, de prendre en urgence « les mesures nécessaires pour que la gouvernance retrouve sérénité, travail d'équipe et exemplarité ».
L'affaire dite de la sextape stéphanoise a provoqué une onde de choc dans toutes les strates de la ville. « L'actualité de ces derniers jours met en évidence (...) des pratiques en dehors de toute éthique républicaine et managériale. Les valeurs de la République, auxquelles nous sommes profondément attachés, sont bafouées », estiment les acteurs économiques du bassin.
L'affaire dite de la "sextape stéphanoise" a provoqué une onde de choc dans toutes les strates de la ville. « L'actualité de ces derniers jours met en évidence (...) des pratiques en dehors de toute éthique républicaine et managériale. Les valeurs de la République, auxquelles nous sommes profondément attachés, sont bafouées », estiment les acteurs économiques du bassin. (Crédits : Stéphanie Gallo Triouleyre)

Ils se disent sidérés par cette affaire, mais ne demandent pas une mise en retrait de Gaël Perdriau ou de son directeur de cabinet, « ça, ce sera aux élus de la majorité d'en décider ou à la justice », souligne Benoit Fabre, président du Medef de la Loire.

Non, ce qu'exigent les acteurs économiques stéphanois auprès des élus de Saint-Etienne Métropole et de la Ville de Saint-Etienne, c'est de prendre en urgence « les mesures nécessaires pour que la gouvernance (de Métropole NDLR) retrouve sérénité, travail d'équipe et exemplarité au sein des institutions ».

Ils l'ont fait savoir ce jeudi matin via un texte adressé à la presse et co-signé par Daniel Villareale (président de la CPME Loire et de la CPME AuRA), de Benoît Fabre, (président du Medef Loire), d'Irène Breuil (présidente de la délégation stéphanoise de la CCI Lyon métropole Saint-Etienne Roanne), de Pascal Calamand (président de la Chambre de métiers), d'Adrien Dessailly (président de l'UP2 Loire) et de Raymond Vial (président de la Chambre d'Agriculture).

Ils étaient jusqu'ici restés silencieux, - publiquement du moins parce que dans tous les couloirs économiques, l'incrédulité et la colère régnaient depuis plusieurs jours-, mais les derniers enregistrements publiés par Mediapart ont probablement été la goutte d'eau de trop.

On y entend notamment Pierre Gautierri menacer Gilles Artigues de transmettre la vidéo aux parents des camarades de classe de ses enfants ou encore Gaël Perdriau évoquer une diffusion par « petits cercles » et avec « parcimonie ».

« Respecter le timing »

« L'actualité de ces derniers jours met en évidence (...) des pratiques en dehors de toute éthique républicaine et managériale. Les valeurs de la République, auxquelles nous sommes profondément attachés, sont bafouées », écrivent ainsi l'ensemble des représentants économiques du territoire.

« Ces méthodes constituent une injure aux employeurs, salariés, fonctionnaires, professions libérales, agriculteurs qui, chaque jour, se lèvent tôt, travaillent, produisent et créent de la valeur économique dans le respect de chacun, le respect de l'échange et de la bienveillance vis-à-vis des plus faibles ».

Et d'évoquer le contexte économique difficile en raison des conflits internationaux et de l'inflation. Car si les différents présidents de syndicats patronaux et chambres consulaires ont pris leur crayon pour réagir à cette affaire politique, c'est aussi parce qu'ils craignent des conséquences néfastes pour les entreprises du territoire.

« Saint-Etienne Métropole, présidée par Gaël Perdriau, dispose de la compétence économique. Nous sommes actuellement dans un timing important, avec le budget 2023 qui va se décider prochainement. Tout ce qui n'est pas acté maintenant, en termes de commande publique notamment, ne se fera pas en 2023 », s'inquiète Benoit Fabre, contacté par La Tribune.

Le président du Medef Loire rappelle : « A l'occasion de la hausse des impôts décidée il y a quelque temps par la Métropole, nous avions signé ensemble une contrepartie d'investissements massifs pour le territoire, 1,2 milliard d'euros sur le mandat, dont doivent bénéficier évidemment les citoyens et les entreprises locales. Mais 1,2 milliard sur 5 ans, il ne faut pas attendre quatre ans pour lancer les commandes... Il faut respecter le timing».

Le patron du Medef départemental s'alarme des manifestations de salariés de la Métropole et de la Ville, et de la démobilisation éventuelle des équipes, dont les services économiques, qui, déstabilisées par cette tempête, pourraient s'immobiliser.

En réponse à nos sollicitations, le service presse de Saint-Etienne Métropole a réagi rapidement à ces inquiétudes en nous indiquant : « Gaël Perdriau est au travail à la Ville comme à la Métropole sur l'ensemble des dossiers, au service des deux collectivités et des habitants, avec la même détermination. Nora Berroukeche, vice-présidente chargée de l'économie, ainsi que l'ensemble de la direction économie de SEM, sont, comme ils le sont au quotidien, à l'écoute du monde économique du territoire métropolitain ».

Dans ce mauvais feuilleton, les prochains épisodes devraient se jouer en conseil municipal et en conseil métropolitain, à la fin du mois. A moins que la justice ne vienne siffler, d'ici là, la fin du tournage.

Le rappel de l'affaire

Révélée le 26 août dernier par le média d'investigation Médiapart, l'affaire implique le maire de Saint-Etienne/président de Saint-Etienne Métropole Gaël Perdriau, son directeur de cabinet Pierre Gauttieri, son adjoint à l'éducation Sami Kefi-Jérome et son ancien compagnon Gilles Rossary-Lenglet.

Selon les informations de Mediapart, les quatre hommes seraient impliqués dans une affaire de chantage à la vidéo intime à l'encontre de Gilles Artigues, ex-premier adjoint de Gaël Perdriau démissionnaire en mai dernier, et filmé à son insu à l'occasion d'un rendez-vous avec un escort boy organisé par Sami Kefi-Jérôme et Gilles Rossary-Lenglet en 2014.

La pression pointée par Mediapart, documentée notamment par divers enregistrements, aurait été destinée à contenir l'influence politique locale de l'élu UDI qui avait fait un mariage de fortune avec le candidat LR Gaël Perdriau pour accéder à la mairie en 2014 en battant le socialiste Maurice Vincent. L'union avait été reconduite en 2020.

Au-delà de la pression morale qui aurait été exercée contre Gilles Artigues, Mediapart a également soulevé le point d'une rémunération de 50.000 euros de Sami Kefi-Jérôme et et Gilles Rossary-Lenglet, pour la réalisation de cette vidéo, et versée depuis les comptes publics via deux associations stéphanoises.

Des perquisitions ont été menées la semaine dernière et une petite dizaine de personnes (dont les quatre protagonistes principaux) ont été entendus ce début de semaine par les enquêteurs lyonnais sous le régime de la garde à vue. Tous sont ressortis libres de ces interrogatoires, sans mise en examen à l'heure à nous écrivons ces lignes.

Gaël Perdriau et Pierre Gautierri ont fait savoir qu'ils ne se mettraient pas en retrait et ne démissionneraient pas, malgré les demandes pressantes de l'opposition. Ce dernier, a néanmoins présenté ses excuses, mercredi soir, dans les pages de nos confrères du Progrès.

Une procédure d'exclusion des LR est en cours à l'encontre de Gaël Perdriau, celui-ci avait déjà été démis à l'automne dernier de sa vice-présidence en raison, notamment, de ses propos critiques à l'encontre d'Éric Ciotti.

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Commentaire 1
à écrit le 23/09/2022 à 7:35
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La CCI représentative de monde économique ? Avec 5% de participation aux dernières élections consulaires, et sur une liste unique, on peut se demander ce qu'elle représente vraiment ? La voilà qui donne des leçons alors qu'elle déroulait le tapis rou...

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