« Dans un échantillon de 10 millilitres de sang, il y a autant de molécules d'ADN que d'arbres dans la forêt amazonienne. La plupart viennent de cellules saines et n'apportent donc pas d'informations intéressantes. L'enjeu est d'être capable de trouver le tout petit fragment d'arbre malade dans la forêt amazonienne... », image Rémi Dangla.

A 37 ans, il est à la tête de la startup Stilla, dont le siège est dans le Val-de-Marne (100 salariés ; chiffre d'affaires non communiqué). A l'issue d'une thèse réalisée à l'Ecole polytechnique, il a créé l'entreprise en 2013 sur un concept innovant d'analyse génétique de précision basée sur une solution de PCR digitale.

« Pour faire simple, nous cassons l'échantillon en microgouttelettes. L'analyse est réalisée, dans le même laps de temps ou presque, sur chacun de ces fragments, ce qui permet de détecter beaucoup plus facilement les minuscules fragments d'ADN que les biologistes et les médecins souhaitent traquer ».

Les applications sont larges, notamment dans la détection et le traitement des cancers, de suivi des greffes, du VIH etc...  Selon Rémi Dangla, cette analyse réalisée à partir d'une simple prise de sang permettrait aux médecins de suivre l'évolution de leurs patients sans examens invasifs, en visualisant simultanément jusqu'à une vingtaine de biomarqueurs. L'ensemble du procédé étant intégré au sein d'une cartouche à usage unique, une puce micro fluidique liée à un logiciel d'analyse de données permet d'interpréter facilement les résultats.

Mieux maitriser la chaine de production

Après avoir levé 40 millions d'euros (en 2018 et 2020) notamment auprès du fonds chinois TUS-holding (rattaché à l'université de Tsinghua) et de divers fonds français (LBO, Illumina Ventures, Kurma Partners BNP Paribas développement etc), et avoir opéré un refinancement intermédiaire de 31 millions d'euros en 2021 auprès de la BEI, Stilla fabrique actuellement ses consommables sur son siège social en région parisienne. L'instrumentation, elle, est déléguée à plusieurs prestataires.

La start-up veut désormais franchir une nouvelle étape dans son process industriel à l'occasion du lancement, dans les prochains mois, d'une nouvelle génération de son système d'analyse génétique de précision. Elle a décidé de confier la fabrication de cette nouvelle génération à l'entreprise roannaise (42) MGA Medtech, jeune spin-off dédiée à la medtech issue de la société lyonnaise MGA technologies (qui compte 110 salariés et réalise 20 millions d'euros de chiffre d'affaires), fabricant de machines sur mesure pour les industries de la santé et des semi-conducteurs. Parmi les clients de cette dernière : Soitec, Sanofi ou encore Becton Dickinson.

Les deux entreprises, la parisienne et la lyonnaise, s'étaient retrouvées courant 2021, « dans un alignement des planètes », - selon l'expression du président de Roannais agglomération, Yves Nicolin-, sur les cendres encore chaudes du site roannais de l'Américain Bio-Rad, spécialisé dans la fabrication de systèmes de diagnostic en immuno-hématologie. Les compétences des équipes constituant un vivier d'expertise rare que MGA d'un côté, Stilla de l'autre, espéraient exploiter dans leur domaine d'activité respectif. Chacune a constitué une équipe à Roanne, avec un nombre très significatif d'ex de Bio-Rad. Mises en relation, elles ont décidé d'avancer ensemble, Stilla trouvant dans MGA Medtech l'opportunité d'une fabrication toute proche d'une de ses équipes de R&D.

Forte de ce premier partenariat d'importance, MGA Medtech vient d'annoncer un investissement de 18 millions d'euros (en trois tranches) dans la construction d'une usine ultramoderne de 4.000m² près de Roanne, dédiée à la conception et la fabrication d'instruments d'analyse in-vitro, de dispositifs médicaux mécatroniques intelligents et d'équipements process des médicaments de thérapies innovantes. Une soixantaine de recrutements va être associée au lancement de cette usine qui devrait commencer à produire avant la fin de l'année. 16 millions d'euros de chiffre d'affaires sont attendus d'ici 5 ans.

Dans l'Ain, pour une filière française de la puce micro fluidique

Dans une phase de forte croissance, Stilla technologies doit, en parallèle de la fabrication de ses instruments d'analyses, avancer sur le sujet de la production de ses consommables afin de passer d'un rythme de plusieurs centaines de milliers de ses petites cartes d'analyses en plastique actuellement produites à Villejuif à plusieurs dizaines de millions.

Et là encore, c'est sur Auvergne-Rhône-Alpes, - du côté de l'Ain cette fois en raison de ses capacités en matière de plasturgie -, que Rémi Dangla et ses associés pourraient bien miser. « Actuellement, pour notre puce micro fluidique (pièce dans laquelle sont gravés des micro-canaux de quelques microns NDLR), nous devons faire appel à des injecteurs étrangers. Il n'y a pas d'industriel français capable de nous fournir cette pièce à grande échelle. C'est un travail de plusieurs années mais il nous semble opportun de créer une filière en France en créant une unité pilote afin de sécuriser les approvisionnements », explique Rémi Dangla, ne souhaitant pas développer le sujet outre-mesure, par souci de confidentialité.