Eau en bouteille : les industriels auvergnats anticipent et s’adaptent à la sécheresse

Face à la sécheresse et aux changements climatiques, les minéraliers doivent adapter leurs captages. En Auvergne, les industriels propriétaires des eaux de Volvic, Saint-Yorre, Châteldon, Mont Dore… réduisent déjà leurs prélèvements et adoptent de nouvelles pratiques afin de préserver la ressource.
Volvic s'est engagé à abaisser de 5 % ses prélèvements jusqu'à fin juin, « pendant toute la durée de validité de l'arrêté préfectoral » visant à limiter l'usage de l'eau potable.
Volvic s'est engagé à abaisser de 5 % ses prélèvements jusqu'à fin juin, « pendant toute la durée de validité de l'arrêté préfectoral » visant à limiter l'usage de l'eau potable. (Crédits : DR)

Alors que la consommation d'eau minérale augmente à l'approche de l'été, c'est une fermeture qui n'est pas passée inaperçue. Dans les Vosges, Nestlé Waters a décidé de suspendre deux de ses six forages dédiés à la production de l'Hépar. Une décision, prise début mai, à la suite du déficit de pluviométrie rencontré dans la région cette année. Et cette annonce en accompagne une autre. Nestlé Waters prévoit la suppression de 171 postes dans l'usine de Vittel-Contrexéville d'ici la fin de l'année à cause, en partie, de la baisse générale des volumes de production liée aux « conditions climatiques ».

En Auvergne, les industriels se veulent plus rassurants. Contrairement à Hépar, le pompage de l'eau se fait dans des nappes plus profondes, moins touchées par la sécheresse. C'est ce que précise dans un communiqué Sources Alma, propriétaire entre autres des eaux minérales auvergnates Mont Dore et Saint-Yorre :

« les aquifères profonds exploités dans le cadre de notre activité sont indépendants et isolés des nappes phréatiques de surface. (...) L'eau du robinet est prélevée principalement dans ces nappes phréatiques de surface, peu profondes, en relation directe avec les cours d'eau (cours d'eau, canaux, lacs, étangs) et tributaires de la pluviométrie locale. (...) alors que l'eau de source ou l'eau minérale naturelle sont exclusivement d'origine souterraine. »

Volvic réduit de 5% ses prélèvements

Pour les mêmes raisons, le groupe Danone, propriétaire de la célèbre eau de Volvic, n'est pas contraint par les restrictions d'eau décidées par la préfecture du Puy-de-Dôme dans 31 communes dont Volvic. Puisque la Société des eaux de Volvic (SEV) ponctionne l'eau dans une nappe profonde et donc différente de celle qui alimente le réseau d'eau potable. Le géant de l'agroalimentaire est donc exonéré des obligations touchant les autres industriels, contraints, eux, de baisser de 25 % leurs prélèvements.

« Nos forages sont par ailleurs en aval de la source d'eau potable. Ce qui fait que même si l'on arrêtait notre usine un jour ou même six mois, cela n'aurait aucun impact. Il n'y aurait pas plus d'eau au robinet » explique la SEV.

Pour autant la direction de Volvic s'est engagée à abaisser de 5 % ses prélèvements « pendant toute la durée de validité de l'arrêté préfectoral », en mai et en juin. Une démarche qui va de pair avec un autre engagement, celui de réduire de 10% son captage en cas d'alerte sécheresse accrue. Engagement pris dans le cadre du plan d'utilisation rationnelle de l'eau (PURE) signé en décembre 2021 avec les autorités.

« A l'heure actuelle, nous n'avons aucune obligation mais nous le faisons en solidarité » tient à préciser une porte-parole du groupe qui indique que la production de bouteilles d'eau, elle, ne diminuera pas pour autant. « Nous mettons en place un plan de lissage de notre production sur l'année afin de prendre en compte en permanence les potentielles restrictions et rester en capacité de répondre à la demande de nos clients ». Les entreprises anticipent et embouteillent en effet davantage en hiver et à l'automne.

Si Volvic a consenti à ce geste, c'est aussi pour calmer les tensions. Car l'entreprise fait face à de nombreuses critiques de riverains et d'associations qui accusent l'entreprise de « piller » la ressource. Un pisciculteur de Malauzat, à côté de Volvic, a même saisi la justice. Edouard de Féligonde accuse Danone de réaliser des prélèvements d'eau excessifs pour son usine d'embouteillage d'eau minérale. Des prélèvements qui, selon lui, tarissent les sources qui alimentent ses bassins d'élevage. Résultat : ces derniers sont aujourd'hui à sec. L'affaire n'est toujours pas tranchée. Le 25 mai 2022, le tribunal a commandé une nouvelle expertise ainsi qu'une étude hydraulique.

Captage raisonné et contrôlé par l'Etat

Mais face aux accusations, les minéraliers tiennent à rappeler que les volumes prélevés dans chaque nappe sont contrôlés par les services de l'Etat.

« Ils sont limités, responsables et raisonnés. Ils ne dépassent pas la capacité de renouvellement de la ressource définie par les études hydrogéologiques, confirmées par un hydrogéologique agréé avant proposition aux services de l'Etat » écrit la direction de Sources Alma, qui possède de nombreuses sources en Auvergne (Rozana, Vichy Célestin, Châteldon...).

La direction du minéralier préfère pointer du doigt la vétusté des réseaux d'alimentation en eau potable en France. Et tient à rappeler qu'un litre sur 5 est perdu à cause des fuites. Une réponse comme un pied de nez aux critiques.

Chez Volvic, l'autorisation annuelle de prélèvement a été abaissée l'an dernier, alors qu'elle était restée inchangée depuis 2000. Danone a dû réduire de 10% ses prélèvements. Et comme tous ses concurrents, le groupe fait l'objet d'une surveillance des autorités qui vérifient le respect des débits et des volumes fixés par les autorisations administratives. Ainsi, en 2022, la SEV a été l'objet de deux contrôles inopinés sur ses compteurs et débitmètres, les 21 juillet et 22 septembre.

Réutilisation des eaux usées pour nettoyer les lignes de production

Les exploitants mettent enfin en avant les mesures prises ces dernières années. Sans donner plus de précisions, Alma Sources affirme avoir mené des actions de réduction des prélèvements ces derniers mois et mis en place un « plan de sobriété hydrique ». A Volvic, on est plus disert. Danone indique avoir investi 30 millions d'euros depuis 2017 pour optimiser son utilisation d'eau et moderniser ses lignes de production. L'industriel estime que cela a permis de diminuer de 13% ses prélèvements entre 2017 et 2022 pour un niveau de production égale. A plus long terme, il mise aussi sur un projet pilote, nommé « ReUse », qui prévoit le réemploi des eaux usées. L'objectif : traiter et réutiliser l'eau issue du site de production pour d'autres usages internes, par exemple le nettoyage des lignes et des machines.

« Une fois ReUse rendu déployable dans notre usine par le gouvernement, nous réduirons notre autorisation de prélèvement de 20% (par rapport à 2021). La mise en œuvre de ce projet est prévue à l'horizon 2025, sous réserve du planning de la nouvelle loi permettant d'utiliser les eaux usées traitées », détaille à La Tribune la Société des eaux de Volvic.

Cela devrait permettre à la SEV d'économiser 400 millions de litres d'eau par an.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.