De l’hydraulique à l’hydrogène, la seconde vie des ateliers de General Electric avec d'autres fleurons (McPhy, Air Liquide...)

REPORTAGE. L'annonce d'un PSE au sein de la division Hydro de General Electric avait, à l'époque, fait grand bruit : deux ans après son rachat, le groupe américain avait esquissé en 2017 l'arrêt de son atelier de fabrication de roues de Grenoble, unique en France et essentielles aux turbines hydrauliques. Quatre ans plus tard, une partie des locaux ont finalement été cédés à un groupe de promotion immobilière lyonnais, 6e Sens Immobilier, qui en a profité pour créer de toutes pièces une "6nergy Valley" qui donne une nouvelle vocation énergétique au site, toujours voisin des activités de GE.
Le site du fleuron français de l’hydroélectricité au savoir-faire centenaire s'est désormais divisé en deux parties : une part dédiée à la poursuite de ses activités en interne, et de l'autre, celle revendue à un promoteur immobilier lyonnais, qui accueille désormais des acteurs de l'énergie comme Air Liquide ou McPhy.
Le site du fleuron français de l’hydroélectricité au savoir-faire centenaire s'est désormais divisé en deux parties : une part dédiée à la poursuite de ses activités en interne, et de l'autre, celle revendue à un promoteur immobilier lyonnais, qui accueille désormais des acteurs de l'énergie comme Air Liquide ou McPhy. (Crédits : DR/ML)

En Isère, l'activité Hydro de General Electric (GE) était emblématique à plus d'un titre : d'abord pour le territoire, et notamment en vertu de son histoire centenaire, issue de la houille blanche et qui remontait à la création de Neyrpic. Un industriel spécialisé dans la fabrication de turbines depuis 1917, racheté par Alstom en 1967, puis en 2014 par l'américain General Electric...

Emblématique aussi par la place centrale qu'occupait cette implantation alpine, au coeur du groupe Alstom puis de GE, en tant que leader mondial français de la production de turbines hydrauliques.

Pour rappel, le dernier PSE en date ouvert peu après le rachat par le groupe américain, avait finalement abouti, en mai 2018, à un accord avec les syndicats confirmant la suppression de 293 des 800 postes du site de Grenoble, mais aussi la fermeture de son emblématique atelier de fabrication de roues pour les turbines hydrauliques, unique en France.

Quatre ans plus tard, qu'en est-il ? « Nous avons aujourd'hui recentré le site de Grenoble sur l'une des valeurs ajoutées du bassin qui est l'hydraulique. Nous sommes aujourd'hui davantage sur la partie conception, donc énormément tournés sur la R&D, l'engineering et la gestion de projets ainsi que des activités de services, en particulier avec des clients forts comme la CNR, EDF », précise à La Tribune Laurent Neyme, le directeur du site GE Hydro de Grenoble.

Et d'ajouter : « Nous avons aujourd'hui un site qui regroupe un peu plus de 500 salariés dont les deux tiers des actifs des salariés travaillent pour des fonctions globales. Avec d'une part, le siège des activités enginering, de la fonction achats et des activités européennes de services-conseils ».

A l'époque, cette restructuration faisait partie d'un total de 1.225 suppressions de postes en Europe, dont 764 en France pour sa branche Grid, dont les activités sont actuellement réparties sur six sites à travers l'Hexagone (Villeurbanne, Aix-les-Bains, Montpellier, ainsi que deux sites à St-Priest et en région parisienne). Les syndicats et notamment la CGT s'étaient élevés contre "un plan comprenant principalement une diminution du nombre de sites de fabrication en Europe, à l'image de celui de Villeurbanne, en vue de réaliser des transferts vers la Chine et l'Inde".

Une acquisition pour une seconde vie, deux ans plus tard

Cela fait seulement dans ans que le promoteur lyonnais 6e Sens Immobilier a fait l'acquisition, en juillet 2020 auprès de General Electric Hydro France, d'une portion de ces anciens ateliers. Soit un site de 62.000 m2, composé de cinq bâtiments, regroupant 5.000 m2 de bureaux et 15.000 m2 d'activités.

Un ensemble (6nergy Valley) que 6e Sens Immobilier a commencé à réhabiliter et à commercialiser, tout en lançant la construction de 16.000 m2 de surface de plancher supplémentaires, livrées clés en main, et dont la première pierre a été posée le 8 septembre dernier. Montant de l'investissement ? 50 millions d'euros (achats et travaux compris), avec une fin des travaux (d'aménagement et de dépollution) prévus en 2025.

"Nous avons remporté en 2020 un appel d'offres du groupe General Electric, qui souhaitait se désengager d'une partie de son actif immobilier. 62.000 m2 de foncier dont il n'avait plus l'utilité, et notamment des ateliers dédiés au soudage des turbines hydrauliques", explique Jacques Garcès, associé de 6e Sens Immobilier.

Objectif affiché : transformer cette friche en une nouvelle zone d'activités, destinée à accueillir des entreprises à vocation industrielle et notamment énergétiques.

Depuis, deux bâtiments industriels d'origine ont déjà été mis à la location : d'abord fin 2021, avec l'installation de l'industriel Air Liquide au sein du bâtiment Spark (5.300 m2, 30 mètres de large et de haut), qui en a profité pour y établir une centaine de salariés.

« L'objectif était d'avoir la capacité d'accompagner la croissance de nos activités de Sassenage, que sont l'aéronautique, le spatial et notamment la cryogénie. Depuis deux ou trois ans, notre schéma industriel visait notamment une extension de nos surfaces de production », précise Véronique Teetaert, responsable du schéma directeur industriel du site Air Liquide Advanced Technologies Grenoble.

Avec en ligne de mire, des projets commerciaux sur les boîtes froides développées par le groupe, qui représentent de grands systèmes de réfrigération et boucles de froid portant sur des activités scientifiques ou industrielles et pour lesquelles ses ateliers de Sassenage étaient devenus trop petits.

« L'idée était de rester dans le bassin grenoblois, mais avec des contraintes de volumes et de grande hauteur, puisque nos boîtes froides font généralement 15 à 20 mètres de long, sur trois ou quatre mètres de diamètre ».

La montée en puissance des électrolyseurs de McPhy

Et depuis mars 2022, c'est le leader de la distribution et des équipements hydrogène McPhy qui a posé ses valises, comme nous l'annonçions ici, au sein du bâtiment Atom.

Avec le souhait d'y regrouper désormais ses activités industrielles, mais également aussi son siège, jusqu'ici basé à la frontière de la Drôme et de l'Isère, au sein de la petite commune de la Motte-Fanjas.

Au total, les 4.100 m2 de son site de Grenoble regroupent des activités de recherche et d'innovation, d'ingénierie et de production, ainsi que des fonctions support et permettront à McPhy de multiplier par 7 ses capacités de production de stations d'hydrogène, tout en accueillant près de 120 salariés.

« Il y avait une cohérence, au regard de notre stratégie industrielle, d'avoir un outil industriel de conception, de mise au point et de fabrication de stations de recharge d'hydrogène à Grenoble », affirme Cédric Halbout, responsable de production en charge du site de Grenoble, qui ne cache pas également que ce site situé en plein cœur du bassin grenoblois sera également un facteur d'attractivité supplémentaire dans son plan de croissance pour accueillir de jeunes recrues.

C'est d'ailleurs l'une des raisons pour laquelle McPhy a décidé d'en faire son nouveau siège administratif d'ici la fin d'année, qui s'apprête à être déplacé de la Motte-Fanjas (Drôme). Il y est pour l'heure locataire, mais une option d'achat a été déposée.

Un site industriel "sans commune mesure" avec la Motte-Fanjas

Présent sur les deux marchés distincts (que sont la distribution des équipements pour la distribution d'hydrogène et les équipements pour la production d'hydrogène), l'industriel McPhy, qui a annoncé d'une part la construction d'une gigafactory dédiée à la fabrication d'électrolyseurs à Belfort, et envisage désormais de dédier son site de Grenoble au marché des stations de recharge.

« En termes de capacités industrielles, ce site est sans commune mesure avec la Motte Fanjas, qui était plus assimilable à un atelier de prototypage, et où nous n'avions pas de ponts roulants par exemple. Aujourd'hui, Grenoble ressemble vraiment une usine avec une partie dédiée à la logistique, à la réception, au contrôle qualité, plus de 1.200 m2 de montage et une travée dédiée aux tests des stations hydrogène indoor qui est en cours de mise au point », ajoute Cédric Halbout.

Avec au moins trois industriels oeuvrant dans le domaine de l'hydrogène, quid des synergies possibles sur place, alors que leur voisin General Electric oeuvre déjà lui aussi dans le domaine du power to gaz ? Il seront à la fois concurrents mais aussi de possibles partenaires, comme en témoigne en septembre 2021 l'accord signé entre General Electric, McPhy, mais également GRTgaz et l'Ineris aux cotés des trois universités de technologie de Belfort-Montbéliard, Compiègne et Troyes.

Objectif affiché ? Renforcer justement « la connaissance en recherche et développement sur la production, le transport, le stockage, la distribution et la sécurité autour de l'hydrogène, pour toutes les utilisations y compris la production d'électricité ». De quoi, en d'autres termes, évaluer de futurs débouchés dans le domaine de la production d'hydrogène par turbine à gaz.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.