General Electric : le site de Villeurbanne débraye pour s’opposer au PSE

FOCUS. Le climat social se tend chez GE Villeurbanne. Alors que l’ombre d’un nouveau PSE planait depuis septembre dernier sur les activités européennes de ses branches Hydro et Grid, les négociations entamées par la direction avec les représentants de l’intersyndicales semblent bien mal engagées. Ces derniers viennent d’annoncer un mouvement de grève reconductible, qui démarre dès ce lundi matin, pour s’opposer à un vaste plan signant, selon eux, le désengagement des activités de l’énergéticien en France. Une manifestation est également prévue ce mardi à Lyon-Perrache, devant le siège des négociations avec la direction.
(Crédits : Vincent Kessler)

(publié le 23/11/2020 à 14:00, actualisé à 16h45)

Malgré la crise sanitaire et le contexte de confinement, le site de Villeurbanne entre ce matin dans un mouvement de grève reconductible, à l'appel de son intersyndicale (CGT, CFDT, CFE-CGC) qui souhaite dénoncer les conditions d'un nouveau plan de restructuration annoncé pour les branches Grid et Hydro du groupe General Electric.

Voté « à l'unanimité » par les salariés de l'atelier notamment, qui représentent environ un quart des effectifs à devoir être présents sur site en période de crise sanitaire, l'élu CGT et délégué syndical CGT à Grid Solutions, Serge Paolozzi, argue de la difficulté d'établir une telle mobilisation période de Covid-19. « Une grande partie des équipes des autres fonctions sont en télétravail, mais d'après les premiers retours, le mouvement est suivi », résume-t-il.

Une manifestation « physique » a même été déclarée en préfecture afin de rassembler, ce mardi, les salariés aux abords de l'Hôtel Mercure de Lyon Perrache, où doivent se dérouler de nouvelles discussions avec des représentants de la direction, concernant le livre I de ce plan de restructuration annoncé. Les représentants des salariés (CGT, CFDT, CFE-CGC) espèrent encore forcer leur direction à revenir en arrière avant qu'il ne soit trop tard.

Car si des discussions avaient été entamées par la direction depuis septembre dernier, les premiers retours ont mis le feu aux poudres :

« L'intersyndicale avait travaillé sur un certain nombre d'alternatives, avec l'aide des salariés et responsables de service, qui devaient être discutées le 19 novembre, mais la direction a répondu quasiment non à toutes les propositions », affirme l'élu CGT.

Ce dernier évoque un manque de remise en cause du projet initial, avec « seulement 60 postes supplémentaires qui seraient conservés sur les 624 à l'échelle nationale », un chiffre très éloigné de ce qu'imaginaient les syndicats. D'après une communication de la direction, le projet envisagé, qui doit encore être soumis à consultation des instances représentatives, « pourrait entraîner pour le site de Villeurbanne la suppression d'un maximum de 187 postes, dont 32 postes vacants qui ne seront pas pourvus ». 

Des transferts envisagés vers des sites à l'étranger

Car l'énergéticien -qui emploie près de 2.000 salariés à ce jour en France rien que sur sa branche Grid- est à nouveau sous les feux des projecteurs. Après avoir annoncé plusieurs plans de sauvegarde de l'emploi sur différentes entités au cours des dernières années, l'encre n'est pas encore sèche que le groupe plancherait actuellement sur un nouveau plan social à venir, avec près de 630 suppressions d'emplois annoncées pour la division Grid du groupe, dédiée aux énergies renouvelables. Un chiffre à l'heure actuelle toutefois toujours non confirmé par le groupe.

Pour les représentants des salariés, cette décision s'inscrit comme un nouveau coup de poignard de la part de la direction de l'entreprise, qui prévoyait déjà l'an dernier un transfert d'une partie des activités de Saint-Priest sur le site d'Aix-les-Bains (73) : ce dernier aura finalement été gelé en raison de la crise sanitaire. « Mais ce plan revient dans une version 2, beaucoup plus forte », déplore en effet Serge Paolozzi.

Cinq établissements français seraient plus particulièrement concernés, dont les deux antennes de Saint-Priest (Rhône) de la branche Grid, ainsi que des sites à Montpellier, en région parisienne, mais également le site centenaire de Villeurbanne, où jusqu'à 285 des 465 emplois seraient ainsi supprimés.

General Electric Villeurbanne

Un enjeu national ?

Spécialisé à l'origine dans l'appareillage de haute tension, ce site lyonnais était devenu un centre de compétence mondiale sur ces activités. « La production a d'abord été arrêtée pour être transférée en Chine et en Inde, et l'on parle maintenant de baisser les budgets R&D et de mettre en veille les projets primordiaux à venir. A travers ce dossier, il s'agit bien d'un démantèlement des activités de GE en France », affirme Serge Paolozzi. « Nous sommes également le seul site au monde à concevoir et produire des disjoncteurs de générateur qu'on utilise à la sortie des grosses centrales nucléaires. »

Car au-delà de la question du nombre d'emplois conservés, les syndicats dénoncent en effet le désengagement du territoire français amorcé, selon eux depuis plusieurs mois par GE, pour transférer ses activités vers d'autres pays comme l'Inde ou la Chine. Et ce, « alors même que la crise sanitaire a démontré les enjeux que l'on peut rencontrer lorsqu'on s'approvisionne exclusivement à l'extérieur, dans le domaine de la fabrication des masques par exemple », soulignent les syndicats.

« GE est en train de tuer la filière énergétique en France. Or, le secteur des énergies renouvelables est un secteur qui marche, et qui est même annoncé en croissance au cours des prochaines années. Nous venions d'ailleurs de connaître un rebond des résultats de cette branche au 3e trimestre », ajoute l'élu CGT.

Un dossier devenu « politique »

En bloquant ce lundi matin l'accès à leur site de production de Villeurbanne, les représentants des salariés souhaitent désormais sensibiliser et faire intervenir l'Etat sur ce dossier, qui détient 20% du capital de l'énergéticien depuis qu'Emmanuel Macron, alors ministre de l'Economie, avait accordé son autorisation au rachat de la branche énergie d'Alstom à GE en 2014. Avec, au menu la constitution à l'époque d'une « alliance industrielle entre les deux groupes dans le secteur de l'énergie » ainsi qu'un engagement de créer 1.000 emplois au cours des prochaines années, que les syndicats dénoncent comme non-respecté à ce jour.

Sollicité à son tour par les syndicats ainsi que par plusieurs élus, son successeur à Bercy, Bruno le Maire, s'est pour l'heure contenté de « dénoncer les plans sociaux d'aubaine » annoncés par certaines entreprises au sortir de la crise sanitaire, citant en exemple le groupe GE. «Ces plans sociaux d'aubaine ne sont pas acceptables et nous ne les laisserons pas passer», s'est-il engagé lors d'une allocution à la mi-septembre, sans pour autant en préciser les moyens.

« Malgré nos interventions alertant sur la remise en cause des activités de GE en France, l'Etat est demeuré sourd et surtout muet. Nous avons sollicité des entretiens auprès de Bruno Le Maire qui sont restés sans réponse », dénonce de son côté Serge Paolozzi. Et d'ajouter : « Sur un tel dossier, seul l'État peut aujourd'hui agir ».

Sur la scène politique, plusieurs élus locaux et nationaux avaient d'ailleurs déjà commencé à s'activer sur ce dossier au cours des dernières semaines, en sentant venir la vague : le député du Nord et secrétaire national du PCF, Fabien Roussel s'est par exemple rendu sur le site de Villeurbanne le 28 octobre dernier, lors où une partie des salariés étaient en grève.

Une mobilisation des élus locaux

Le maire de Villeurbanne, Cédric Van Styvendael ainsi que le sénateur du Rhône, Gilbert-Luc Devinaz, avaient eux-mêmes co-écrit une lettre au ministère de l'Economie, afin de lui demander un « moratoire sur les licenciements financiers », ainsi que le respect des engagements pris en 2015 lors de la vente des activités à GE.

« Malgré la promesse de créer 1.000 emplois en France dans la foulée du rachat d'Alstom Energie en 2015, le groupe a multiplié les plans de licenciements depuis 2016 », rappelaient les deux élus. Et d'ajouter, dans le contexte actuel, que « l'épidémie draine dans son sillage une onde de choc qui touchera d'abord les ménages les plus précaires et les plus exposés aux variations qu'enregistrera le marché du travail en 2021 ».

Même chose du côté de la conseillère régionale LFI Auvergne Rhône-Alpes, Emilie Marche, ainsi que du député LFI de la Seine-Saint-Denis, Bastien Lachaud, qui avaient adressé également une requête auprès de Bruno Le Maire.

Contactée, la direction n'a pour l'heure pas répondu à nos demandes d'interview. Dans une communication écrite, elle a cependant confirmé que « pour adapter la structure de la division Grid Solutions aux nouveaux enjeux du marché de l'énergie et ainsi retrouver le chemin de la compétitivité, Grid Solutions SAS a engagé, le 6 octobre dernier, une procédure d'information-consultation avec ses représentants du personnel».

Selon ses déclarations, « le projet envisagé pourrait avoir un impact sur 579 postes en France, parmi lesquels 136 postes sont actuellement vacants » , avec la possibilité de proposer « 216 solutions d'emplois » du fait d'un projet de transfert d'activité de la Suisse vers le site d'Aix-les-Bains. Et de préciser que la procédure actuelle d'information-consultation devrait se terminer « début mars 2020 », en ajoutant « qu'aucune décision ne sera prise et mise en œuvre avant l'issue des procédures de consultation en Europe et en France ».

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Commentaires 3
à écrit le 23/11/2020 à 17:52
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Le covid19 est tombé pile au bon moment. Au moment où la fin du cycle économique aux USA, anormalement long suite aux injections massive de liquidités comme ils disent, atestée par la crise dite du repo de Novembre 2019, debut des contaminations en C...

le 23/11/2020 à 18:40
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C’est juste de la théorie du complot. Sans importance. Je pense que ce qu’il se passe, c’est uniquement ce que beaucoup prédisaient. A force de taxes, de règlements, de lois prévention, de disparition des douanes, et « d’ennemis c’est la finance » l...

le 24/11/2020 à 4:42
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vous avez de mauvaises infos. L'avance militaire americaine est de plus de vingt ans. On ne parle pas de l'europe a la traine dans tous les domaines. La Chine devra ramer encore longtemps pour egaler l'oncle Sam.

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