
Presque un an jour pour jour après avoir annoncé le projet d'implantation en 2027 de sa première usine française de production de méthanol bas carbone à Lacq dans les Pyrénées-Atlantiques (350 millions d'euros d'investissement), Elyse Energy lève le voile sur son second site de production de e-méthanol.
Et c'est Auvergne-Rhône-Alpes qu'elle a choisi cette fois. Plus précisément la plateforme chimique des Roches-Roussillon en Isère. Cette dernière, gérée par le GIE Osiris, accueille une quinzaine d'entreprises (dont des mastodontes de la chimie comme Elkem, Adisseo, Hexcel, Seqens ou encore Suez). Certaines sont de fortes consommatrices de méthanol.
L'investissement global est très important, 700 millions d'euros environ. Il doit permettre la production de quelque 150.000 tonnes de méthanol renouvelable chaque année, et éviter ainsi, promet en tout cas Elyse Energy, l'émission de 207.000 tonnes par an de C02. Comment ? En produisant de l'hydrogène vert par électrolyse de l'eau (via une énergie renouvelable ou nucléaire) et en le synthétisant avec du CO2 qui sera capté dans les fumées industrielles des entreprises chimiques de la plateforme mais aussi, pour moitié environ, dans les cheminées de calcination de l'usine Lafarge le Teil Blanc en Ardèche, située à une centaine de kilomètres environ de la future usine d'Elyse. Le C02, sous forme liquide, sera acheminé par train. Ce projet s'inscrivant ainsi dans la stratégie de décarbonation du cimentier.
La construction devrait démarrer courant 2025, pour une mise en service en 2028. 80 emplois directs devraient être créés pour l'exploitation du site. Auparavant, Elyse Energy devra en passer par une concertation préalable avec le public, piloté par la commission nationale du débat public. Le démarrage effectif de cette concertation préalable est attendu pour début 2024.
Objectif : quatre usines en France
Cette usine iséroise constituera la deuxième marche de la stratégie déployée par Elyse Energy, depuis sa création à Lyon il y a trois ans par Pascal Penicaud (par ailleurs président de la société d'investissement Falkor), Cédric de Saint-Jouan (président de Vol-V), Benoit Decourt et Stéphane Guillard. Une stratégie, baptisée eM-France, qui doit l'emmener vers un objectif de quatre sites industriels capables de produire en France chaque année un total de 500.000 tonnes de méthanol bas-carbone. Les deux premiers jalons sont donc posés : le premier dans les Pyrénées-Atlantiques, le second en Isère.
Les prochaines étapes sont déjà à l'étude. « Nous avons un certain nombre de critères qui font que les sites envisageables ne sont pas des millions non plus. Nous regardons la disponibilité de la puissance électrique, le bassin d'emploi, la disponibilité du CO2, l'intermodalité etc... », expose Benoit Decourt.
L'enjeu visé par la PME lyonnaise de 60 salariés est double : non seulement la décarbonation de cette molécule de méthanol, matière première industrielle utilisée notamment par les secteurs de la cosmétique, de la pharmacie, du plastique, de la peinture ou encore des aliments pour animaux mais aussi la question de la souveraineté industrielle de la France (et plus globalement de l'Europe) puisque la quasi-totalité des 600.000 tonnes consommées par l'industrie française arrivent aujourd'hui tout droit de pays tels que Trinité-et-Tobago, l'Egypte ou encore l'Arabie Saoudite. Le méthanol y est principalement produit à partir de charbon et de gaz naturel.
« Aujourd'hui, la France importe des milliers de tonnes de molécules de méthanol fossile, nous voulons apporter rapidement des solutions décarbonées ».
Les molécules produites sur ce site seront également destinées à desservir le marché du transport maritime, pour les carburants cette fois. Prometteur, ce mode de propulsion est en effet en train de s'imposer dans les carnets de commandes de nouveaux navires.
Décarboner le méthanol pour tous ses usages
Au-delà d'eM-France, Elyse Energy porte en parallèle le projet eM-Ibérica visant à produire un million de tonnes de méthanol sur sept sites au Portugal et en Espagne, ainsi que le programme BioTjet visant la production de 75.000 tonnes de carburants durables pour l'aviation. Emmanuel Macron en avait dévoilé les grandes lignes en juin dernier : un investissement de 650 millions d'euros (dont 200 millions d'euros de fonds publics) à Lacq encore. Cela devrait représenter 20% des besoins nationaux en kérosène durable, selon la feuille de route nationale sur le sujet.
Levée de fonds et soutien européen
L'ambition portée par Elyse Energy, cette création d'une filière industrielle française du e-méthanol pour l'industrie et les carburants, va nécessiter des centaines de millions d'euros d'investissement et donc de financement. Les premières étapes seront portées par l'entreprise, sur fonds propres, grâce à ses actionnaires.
A l'occasion de l'officialisation de l'usine sur les Roches-Roussillon, Elyse Energy annonce par ailleurs une émission d'obligations convertibles menée auprès de deux fonds. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de Mirova et de Hy24 (fonds d'infrastructure dédié à l'hydrogène). Les montants ne sont pas communiqués mais, au vu des projets, ils sont probablement conséquents. Idem concernant une autre source majeure de financement que vient de décrocher Elyse Energy auprès du fonds européen pour l'innovation pour son futur site eM- Rhône. La commission européenne a annoncé au début de l'été l'octroi de 3,6 milliards d'euros à 41 projets à grande échelle dans le domaine des technologies propres. Le détail des allocations n'est pas connu mais il se chiffrera en "dizaines de millions d'euros" pour Elyse Energy.
Une fois les phases de faisabilité validées et les concertations actées, Elyse Energy devra ensuite aller chercher de nouveaux investisseurs privés.
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