Biocarburants : le CO2 émis et capté par Lafarge, une brique essentielle dans le futur e-methanol d’Elyse Energy

Après l’annonce d'une première unité de production qui s'établira à Lacq, en Nouvelle-Aquitaine, Elyse Energy ajoute une corde déterminante à son modèle. Car en concluant un partenariat exclusif avec le cimentier Lafarge, le lyonnais spécialisé dans la production locale de molécules bas-carbone se dote ainsi d’une première source d’approvisionnement en CO2 émis, nécessaire à la production de son méthanol "vert". Avec, en ligne de mire, l'ambition de répondre aux besoins en biocarburants du secteur du transport lourd, pour une production qui devrait démarrer dès 2027 sur son site de Lacq.
« A travers ce partenariat avec Lafarge, nous sécurisons désormais une partie du CO2 nécessaire afin de produire des molécules d'e-methanol », illustre Pascal Penicaud, président du lyonnais Elyse Energy.
« A travers ce partenariat avec Lafarge, nous sécurisons désormais une partie du CO2 nécessaire afin de produire des molécules d'e-methanol », illustre Pascal Penicaud, président du lyonnais Elyse Energy. (Crédits : Elyse Energy)

Et si une partie de la décarbonation de l'industrie française passait par le captage et la revalorisation du CO2 ? C'est le pari que font le groupe Lafarge et la PME industrielle lyonnaise Elyse Energy.

Car en signant, il y a quelques semaines, un accord de partenariat visant à valoriser les émissions de CO2 capturées lors des processs de production des cimenteries Lafarge en France, « cet accord permettrait non seulement de compléter la disponibilité des solutions de séquestration pour répondre aux quantités de carbone émises et capturables sur les sites Lafarge, mais aussi de travailler sur les synergies industrielles associées (valorisation de l'oxygène co-produit et de la chaleur, utilisation du e-méthanol...) », affichent les deux groupes.

Avec d'une part pour le groupe Lafarge, l'opportunité désormais de valoriser jusqu'à 200.000 tonnes de CO2 annuellement, ce qui correspondrait, sur la durée du projet qui est de 20 ans, à 45 millions de tonnes de CO2 produites annuellement sur l'ensemble de ses cimenteries en France.

Un CO2 résiduel et non-évitable, qui viendrait ainsi à être capté puis renvoyé vers son partenaire Elyse Energy en vue d'être valorisé et non rejeté dans l'atmosphère, contribuant ainsi à l'objectif de neutralité carbone que s'est fixé Lafarge pour 2050.

Du méthanol à un e-méthanol plus "vert"

Car il se trouve justement que pour Elyse Energy, ce CO2 a une valeur, notamment dans la production du e-méthanol, un biocarburant issu d'un processus de transformation de la chimie.

Jusqu'ici importé d'Egypte, de Malaisie ou encore des Caraïbes, le méthanol était principalement utilisé en premier lieu pour pour la peinture, le textile ou encore le plastique : c'est aussi devenu un carburant pour lequel la demande s'affiche en hausse, en particulier de la part du transport maritime. CMA-CGM a par exemple commandé récemment près de six porte-conteneurs fonctionnant à cette énergie, soit près de 250.000 tonnes, sur les quelques 600.000 tonnes consommées en France chaque année.

C'est donc avec l'ambition de participer à la transformation de cette filière qu'Elyse Energy compte positionner son e-méthanol, qui peut être produit à partir d'une solution de captage de CO2 en milieu industriel. Avec à la clé, des émissions de CO2 réduites de -70 à 90 % par rapport au méthanol importé jusqu'ici.

Sécuriser une partie de l'approvisionnement de sa première usine

La PME industrielle lyonnaise a d'ailleurs récemment officialisé ses ambitions avec l'annonce d'un projet de construction d'une première unité de production d'e-méthanol à Lacq. Un investissement de 350 millions d'euros, pour des travaux qui devraient débuter en 2025, avant un démarrage de la production anticipé en 2027. Et c'est précisément sur ce projet que le partenariat avec Lafarge pourrait faire la différence, puisqu'il constitue une première source d'approvisionnement pour ce projet.

« Pour produire du e-methanol, il est nécessaire de combiner de l'hydrogène et du carbone (CO2). Nous avons annoncé un premier projet d'implantation à Lacq, où l'on produira de l'hydrogène, et à travers ce partenariat avec Lafarge, nous sécurisons désormais une partie du CO2 nécessaire afin de produire des molécules d'e-methanol », illustre à La Tribune Pascal Penicaud, président d'Elyse Energy (et de la société d'investissement dédiée à la transition énergétique Falkor).

Une mission : faire passer des technologies matures à l'échelle

Car dans sa première unité de production qui s'établira donc en Nouvelle-Aquitaine, Elyse Energy prévoyait ainsi de produire un volume de 150.000 tonnes d'e-methanol par année, en captant le CO2 nécessaire auprès des industriels.

« Le programme global que développe Elyse Engery vise à décarboner la consommation de méthanol française. Pour cela, nous avons actuellement des discussions similaires avec d'autres émetteurs de carbone, qui sont soit des plateformes chimiques pour lesquelles on vient capter de purifier les émissions sur place, soit dans le cadre des activités de cimenteries comme Lafarge, de récupérer le CO2 séquestré lors de son process de calcification du ciment pour l'acheminer vers notre futur site », expose Pascal Penicaud.

Pour rappel, Elyse Energy se positionne comme une PME industrielle qui vise à investir dans de nouveaux actifs de production pour décarboner l'industrie et les mobilités : « Nous ne sommes pas dans une logique de R&D et d'innovation technologique : nous sélectionnons plutôt des technologies matures, comme l'était déjà la captation de CO2, l'électrolyse ou la méthanolation, pour les déployer ensuite à l'échelle », rappelle son président.

A l'exception près que dans le cadre de la méthanolation, les procédés actuels travaille à partir de gaz, tandis qu'Elyse Energy a misé sur une technologie plus récente de réacteur fonctionnant à partir d'hydrogène et d'un électrolyseur. « Mais des projets européens sont en train de se doter de gigafactories pour faire passer la fabrication d'électrolyseurs à l'échelle ».

Trois nouvelles usines en prévision

Une fois produit, le e-methanol aura lui aussi plusieurs marchés, à commencer par le monde du transport lourd : « il existe également de nouveaux usages de cette énergie à venir, notamment dans le domaine des carburants marins avec CMA-CGM, ainsi qu'à terme dans l'aéronautique où les biocarburants sont également envisagés », illustre Pascal Penicaud. A terme, la PME lyonnaise vise à bâtir jusqu'à quatre usines de e-methanol pour adresser un marché des biocarburants qui représente actuellement 600.000 tonnes.

« Pour des raisons de capacité électriques et de disponibilité industrielle, il n'est pas possible de répondre à ses besoins en une seule opération », glisse Pascal Penicaud.

La localisation des trois autres sites n'est pas encore connue, mais elle devrait être dévoilée progressivement au cours des prochains mois. Avec parmi les principaux critères de choix, le fait de « s'implanter sur un territoire industriel, où il existe déjà des compétences pour mener à bien ce type de projet ». Ou encore que « les parties prenantes et les collectivités disposent d'une bonne compréhension et culture industrielle ».

L'environnement physique sera également déterminant, puisqu'Elyse Energy devra aussi s'assurer de disposer d'une fourniture suffisante en électricité, de CO2 (transposable néanmoins par camions), chaleur et foncier, pour un projet qui nécessite des surfaces pouvant aller de 10 à 15 hectares.

Un projet hautement capitalistique

Reste que le prochain défi pourrait d'ailleurs se trouver sur le terrain du financement pour la PME : car avec un budget de 350 millions d'euros, estimé rien que pour sa première usine de Lacq, l'enveloppe nécessaire sera multipliée par quatre, son président en est conscient, afin de couvrir l'ensemble de son plan, qui comprend au total quatre sites de production, afin de répondre rien qu'aux besoins français.

« Notre ambition est de mobiliser à la fois le territoire et le monde de la finance pour nous accompagner sur chaque projet », annonce Pascal Penicaud, qui met en avant l'histoire des deux sociétés fondatrices d'Elyse Energy, les fonds Falkor et Vol-V, déjà actifs dans le financement des projets énergétiques.

« Nous ferons également appel aux banques, notamment régionales afin d'accompagner la décarbonation du territoire, ainsi qu'à des fonds d'infrastructures et à des mutualistes et assureurs qui mettent à disposition des capitaux sur le long terme pour financer le domaine des nouvelles énergies ».

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Commentaire 1
à écrit le 23/11/2022 à 22:12
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1) Et à quel prix le litre de e-méthanol ? 2) Et le CO2 résultant de la combustion de ce e-méthanol, on en fait quoi, il devient quoi ? On le capte à la sortie du pot d'échappement du véhicule ?

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