La décision du Tribunal de Commerce de Paris est tombée ce vendredi 9 juin. L'enseigne bordelaise JouéClub a été désignée pour reprendre la quasi-totalité des salariés (750 personnes) et des magasins de la Grande Récré (89 établissements intégrés sur 101 et l'ensemble des 48 franchisés), placée en liquidation judiciaire dans la droite ligne d'autres entreprises de la galaxie de l'homme d'affaires Michel Ohayon.

Coût de l'opération : 50 millions d'euros, selon JouéClub. Un budget sur lequel n'a finalement pas souhaité s'aligner son concurrent, l'Isérois King Jouet (330 magasins, 2.500 salariés, chiffre d'affaires intégrant les affiliés : 600 millions d'euros TTC). Après une première offre déposée fin avril au Tribunal de Commerce et proposant la reprise de la moitié environ des magasins, King Jouet a réfléchi à une hausse de sa proposition afin de devancer JouéClub. Une alliance avec ce dernier a même été envisagée par King Jouet. Finalement, c'est pour un retrait pur et simple de la course que l'enseigne iséroise a opté mi-mai, juste avant la clôture des offres définitives.

« Une bonne nouvelle pour la profession »

« Nous nous étions positionnés car nous considérions que nous pouvions compléter notre parc de magasins avec des établissements de la Grande Récré disposant d'emplacements intéressants. Et puis, nous avions déjà réussi une reprise, celle de Maxi Toys en 2020. Mais nous n'avons pas jugé raisonnable de rehausser notre offre au niveau de celle de JouéClub », précise Philippe Gueydon, le dirigeant de l'entreprise familiale détenue à 49% par la famille Gueydon, fondatrice de l'enseigne. King Jouet affiche certes une dette moyenne annuelle nulle mais doit faire face, comme ses confrères, à un compte de résultat « sous contrainte » avec une hausse moyenne de ses charges de 8%.

« Nous sommes évidemment déçus de ne pas avoir pu mener jusqu'au bout le projet que nous portions mais le principal reste bien que la Grande Récré ait trouvé un repreneur. C'est une bonne nouvelle pour l'ensemble de la profession ».

Une bonne nouvelle pour la profession donc répète le patron de King Jouet mais est-ce vraiment une bonne nouvelle pour son entreprise qui voit ainsi un de ses principaux concurrents, JouéClub, se renforcer sensiblement. « Je ne considère pas JouéClub comme un de mes principaux concurrents. En réalité, la bataille se joue plutôt avec un petit acteur de la vente en ligne », ironise Philippe Gueydon, faisant évidemment allusion à Amazon, premier acteur du marché français du jouet avec environ 15% de parts de marché. King Jouet le talonne avec 14% de parts de marché sur ce début d'année 2023, pour la première fois numéro 1 des enseignes physiques du panel NPD, - référence en la matière-, grâce au passage sous enseigne King Jouet de l'ensemble des magasins Maxi Toys français. Cette transition s'est achevée il y a quelques mois. D'ici la fin du mois de juin, elle le sera également pour les magasins belges et luxembourgeois.

Le développement durable, priorité absolue

Pour rester dans le sillon rapproché du géant de la vente en ligne, voire pourquoi pas réussir à le devancer, King Jouet doit poursuivre ses investissements et sa transformation. Avec plusieurs enjeux majeurs identifiés par Philippe Gueydon : la vente en ligne évidemment qui représente actuellement 15% du chiffre d'affaires de King Jouet mais aussi, et surtout, insiste le dirigeant, le sujet du développement durable.

« Aujourd'hui, un tiers des jouets que nous vendons répondent à au moins un des trois critères que nous avons fixés sur la question, c'est-à-dire utilisant des matières recyclées ou avec un packaging responsable ou fabriqué en France. D'ici 5 ans, nous voulons faire passer cette proportion à 50% ».

King Jouet veut également poursuivre son engagement sur les jouets d'occasion, avec ses corners Kink  Okaz, ainsi que la réparabilité de ses jouets. 1.000 pièces détachées sont pour l'instant disponibles sur son site, l'ambition est de d'augmenter significativement (et rapidement) ce chiffre.

Autre priorité de King Jouet : s'aventurer plus franchement sur le sentier du marché kidultes (+8 ans/ados/adultes) pour lequel il vient justement de lancer une nouvelle marque. Ce marché couvre les puzzles, les jeux de construction complexes ou encore les figurines par exemple. « Nous n'étions pas vraiment positionnés sur ce marché là mais nous allons désormais y aller franchement. Les kidultes représentent quand même 20% du marché du jouet en France ! ».

Un marché résilient

A fin mai, selon le panel NPD, le marché du jouet en France affichait un recul de 4,9% en valeur par rapport à la même période l'an dernier et -9,3% en volume (avec un prix moyen en hausse de 4,8%). Le chiffre d'affaires des ventes sur place a diminué de 4,8%, et le online de 5,2%. Les spécialistes, comme King Jouet, s'en sont mieux sortis avec un recul de seulement 2,3%. Dans ce contexte, King Jouet tire son épingle du jeu avec un petit -0,8% sur le physique et -2,2% en incluant ses ventes en ligne, ce qui lui a permis de grignoter des parts de marché.

« Je ne suis pas inquiet de ces données. Le marché du jouet est un secteur résilient. Il subit des petites évolutions, en + ou en -, chaque année mais c'est un secteur relativement protégé des cycles économiques », assure le directeur général de King Jouet, par ailleurs président de de la Fédération des commerces spécialistes du jouet et des produits de l'enfant.