Transport longue distance : la société d'autoroute ATMB va expérimenter la route électrique

Un consortium piloté par ATMB va tester la recharge dynamique de camions électriques. Un système de patin amovible mis au point par Alstom, déjà fonctionnel sur les tramways, permettra aux véhicules de se recharger en roulant grâce au frottement sur un rail inséré dans la chaussée. L’enjeu : relever le défi de l’électrification du transport longue distance, freiné par la problématique de l’autonomie.
L'expérimentation concerne pour l'instant les tracteurs et utilitaires électriques.
L'expérimentation concerne pour l'instant les tracteurs et utilitaires électriques. (Crédits : DR)

Alimenter un tramway électrique sans caténaire, Alstom en a fait la démonstration depuis plusieurs années avec son système « Alimentation par le sol » (APS). Des segments insérés entre les rails de roulement, connectés au réseau électrique, transmettent l'énergie aux tramways. Plusieurs villes à travers le monde en sont équipées, dont Bordeaux, l'une des pionnières, ainsi que Tours, Orléans, Reims, Dubaï, ou encore Sidney.

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En s'impliquant dans le projet « eRoadMontBlanc », piloté par Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc (ATMB), en consortium avec l'Université Gustave Eiffel et les entreprises Pronergy et Greenmot, le géant français entend tester le potentiel de cette technologie pour la route. L'enjeu : réussir à charger les véhicules électriques alors qu'ils sont en train de rouler afin de lever les freins de la mobilité électrique.

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Avec en première ligne de mire : le transport longue distance. Car le défi est immense et les problématiques logistiques de recharge sur borne, loin d'être résolues. Selon le cabinet de conseil Roland Berger, 3.008 camions électriques ont été immatriculés en Europe en 2022 (soit +90% par rapport à 2021), dont 166 en France (contre 49 l'année précédente). Selon cette même étude, si la tendance actuelle se maintient, 200.000 camions électriques circuleront en Europe en 2030 a minima. Car pour répondre aux objectifs européens en matière de décarbonation du transport, il en faudrait en réalité 1,4 million à cet horizon.

Lever les freins du transport routier électrique

De son côté, eRoadMontBlanc est lauréat de l'appel à projets « Mobilités Routières automatisées, infrastructures de services connectés et bas carbone » du plan France 2030. Budget alloué : 20 millions d'euros, dont 15 millions financés par l'Etat. Labellisé en début d'année, le projet vient de démarrer de manière effective.

« Le système APS d'Alstom va être adapté à la route. Le projet est d'insérer une piste d'alimentation électrique dans la chaussée, affleurant au niveau du sol. Les véhicules (pour l'instant des camions et tracteurs électriques) sont équipés de leur côté d'un bras articulé, équipé de patins frotteurs qui se posent sur la piste d'alimentation. Cela leur permet de se recharger en roulant », explique Florian Grange, chargé de projet eRoadMontBlanc pour ATMB.

Cette société, gestionnaire de l'A40 appelée « l'autoroute blanche », mais aussi de la RN205 et d'un réseau de 130 kilomètres entre Chamonix (74) et Valserhône (01), compte 340 salariés. Elle dessert également la Suisse par deux liaisons autoroutières transfrontalières (A411 et A41), ainsi que l'Italie, par le Tunnel du Mont-Blanc dont elle est concessionnaire à moitié.

« Si elle fonctionne et est déployée, cette technologie pourrait régler la problématique de l'autonomie des véhicules pour les longues distances. Ainsi que celle des pics de charge liés à la recharge simultanée des chauffeurs pendant leurs heures de pause. Cela permettrait de diminuer la taille des batteries nécessaires, et donc de réduire les extractions de ressources naturelles associées », ajoute Florian Grange.

Une expérimentation sur piste fermée, puis sur route

L'expérimentation va se dérouler en deux phases. La première doit permettre d'aboutir, courant 2024, à un démonstrateur opérationnel sur une plateforme d'expérimentation du circuit d'essai Transpolis, dans l'Ain. Concrètement, sur 400 mètres de pistes, un camion et un fourgon électriques vont être équipés de la technologie APS adaptée à la route. Cette première étape doit mener à la validation de la technologie et de la sécurité du système.

« En parallèle, l'Université Gustave Eiffel va développer un jumeau numérique qui simulera l'ensemble du système. Cela permettra de calculer le nombre de kilomètres d'infrastructures à équiper pour optimiser au mieux la combinaison coût/réduction significative des émissions de gaz à effet de serre », poursuit le chargé de projet d'ATMB.

La seconde étape programmée de l'expérimentation, sur route ouverte à la circulation à horizon mi-2025, permettrait de franchir une marche supplémentaire. La technologie serait testée sur une portion d'un kilomètre de la RN205, au pied du Mont-Blanc, en direction de Chamonix et de l'Italie. « Cette phase permettra de vérifier que le dispositif répond bien aux conditions de sécurité des autoroutes, mais aussi qu'il est suffisamment robuste. Nous serons à 1.000 mètres d'altitude, sur une route très fréquentée avec une pente de 4% ». Plusieurs véhicules électriques seront équipés pour cette deuxième phase de test.

« Au-delà de la technologie, plusieurs points sont à valider : la puissance nécessaire, l'absence de déperdition d'énergie dans le transfert entre le rail et le véhicule, le coût, mais aussi les proportions de routes à équiper ».

D'autres expérimentations ailleurs

ATMB n'est pas la seule à explorer la voie de l'Electric Road System (ERS). De l'autre côté de la France, Vinci s'intéresse lui aussi au sujet dans le cadre d'un projet à 26 millions d'euros sur trois ans, également soutenu par France 2030.

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Sur un tronçon de quatre kilomètres de l'autoroute A10, en amont de la barrière de péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, près de Paris, deux technologies vont être examinées : celle du rail insérée dans la route, mais aussi celle de l'induction. Avec une première phase préalable sur piste fermée à Rouen, mise en œuvre depuis peu. Vinci a retenu la start-up suédoise Elonroad pour la technologie par rail conducteur d'électricité, ainsi que la start-up israélienne Electreon pour le système par induction.

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