Pour le lyonnais Askafox, détendre la supply chain mondiale passera par l'intelligence artificielle

En transposant les atouts du traitement de données massives, permis par l'intelligence artificielle, au secteur manufacturier, le lyonnais répond à une double problématique : car en aidant les entreprises à mieux sourcer des fournisseurs de niche sur des segments parfois complexes, il contribue en même temps à une redistribution des cartes, déjà amorcée au sein des chaînes d'approvisionnements mondiales. Et qui pourrait, en bout de ligne, conduire à faciliter la relocalisation souhaitée, post-pandémie, par les états européens.
« Les nouvelles générations d'acheteurs, qui ne sont pas nécessairement issues des milieux techniques mais plutôt des écoles de commerce, ne savent pas précisément sur quels types de machines leur production doit être réalisée, ce qui compliquait jusqu'ici grandement leur recherche », observe le fondateur d'Askafox.
« Les nouvelles générations d'acheteurs, qui ne sont pas nécessairement issues des milieux techniques mais plutôt des écoles de commerce, ne savent pas précisément sur quels types de machines leur production doit être réalisée, ce qui compliquait jusqu'ici grandement leur recherche », observe le fondateur d'Askafox. (Crédits : Reuters)

Son business pourrait bien prendre un tournant stratégique avec la crise sanitaire et la crise de la supply chain mondiale qui en a découlé, suivie par les conséquences de la guerre en Ukraine, qui a à nouveau rebattu les cartes de la scène mondiale. A Lyon, c'est en août 2021 que s'est créée discrètement une jeune pousse Askafox, qui a eu l'idée de développer un algorithme afin d'outiller les entreprises à faire face aux imprévus sur leurs chaînes d'approvisionnement.

« Nous leur permettons de faire une recherche rapide et fiable sur le potentiel de différents fournisseurs à répondre à leurs demandes, et d'effectuer ensuite un audit des sites de production qu'ils aimeraient retenir à distance », explique Hanyin Chen, Ceo d'Askafox.

Déjà implantée à Lyon, la jeune pousse a d'ailleurs profité d'un voyage au Québec, en parallèle aux Entretiens Jacques Cartier, pour y officialiser l'installation d'une filiale : elle partagera désormais son exécutif entre Lyon et Montréal, où ses deux associés résident désormais.

« Nous développons un outil qui doit être par nature utilisé de manière transfrontalière. Car si vous vous trouvez à Paris et que vous recherchez un fournisseur à Lyon, il est possible que vous parveniez à vous débrouillez sans l'intelligence artificielle. Mais lorsqu'on a commencé à réfléchir à notre propre feuille de route en développement international, nous en avons conclu que nous devions nous rendre là où il existait le besoin le plus urgent, en termes de gestion de chaîne d'approvisionnement. D'où le choix de l'Amérique du Nord ».

Pourquoi ? Car en dehors de l'Europe, ce sont bien les Etats-Unis et le Canada qui connaissent aujourd'hui les problématiques les plus fortes de dépendance aux chaînes d'approvisionnements asiatiques.

« En revanche, l'Europe dispose de ce qu'on appelle une zone tampon, qui est composée des pays d'Europe centrale ou magrébins qui ont déjà un fort tissu industriel et qui permettent, en cas de rupture au sein des chaînes européennes, de rebondir. Ce qui n'est pas le cas en Amérique du Nord, parce que le Mexique n'est pas en mesure d'absorber tous les métiers et types d'activités », explique Hanyin Chen.

Trois typologies de clients

Après avoir suivi un programme d'accompagnement de neuf mois en lien avec la Banque Nationale, une institution financière québécoise, le lyonnais a déjà décroché ses premiers clients, et a poursuivi par son incorporation au Canada en février dernier, en pleine crise sanitaire.

« L'accompagnement que nous avons eu a été très bénéfique, car alors que nous étions encore en France et que les échanges étaient compliqués, nous avons pu réaliser toutes les opérations à distance », ajoute le Ceo.

Avec cinq salariés répartis entre la France et le Québec, Askafox s'adresse déjà à trois typologies de clients : des manufacturiers de taille intermédiaire, allant jusqu'à des grands groupes comme Alstom, qui rencontrent le besoin d'identifier des fournisseurs dans un domaine très précis. Mais également des startups qui ont déjà réussi leur première levée de fonds et atteignent un stade du prototypage, où la recherche de partenaires pour une production en série devient essentielle à leur modèle.

« S'ils n'avaient pas notre solution, ils devraient passer par des cabinets de conseil stratégique où chaque consultant peut coûter un forfait de 1.000 $ par jour. Il vaut mieux utiliser ce temps sur autre chose que passer du temps sur Google », glisse Hanyin Chen.

Une recherche sémantique

Son outil de recherche relié à l'IA est en réalité composé de deux parties : une fonction de recherche de fournisseurs, qui s'appuie sur un algorithme déduisant toute une famille de termes techniques et complexes, à partir d'une recherche propre à un terme spécifique du métier.

« Prenons l'exemple de quelqu'un qui vise à produire des pièces en grande dimension : les nouvelles générations d'acheteurs, qui ne sont pas nécessairement issues des milieux techniques mais plutôt des écoles de commerce, ne savent pas précisément sur quels types de machines leur production doit être réalisée, ce qui compliquait jusqu'ici grandement leur recherche ».

La recherche s'effectuera ensuite sur trois typologies de sources : des données en open data (issues entre autres de listings de foires, salons professionnels), mais aussi des données confiées par des partenaires (comme des associations professionnelles) ou par des fichiers en lien avec l'analyse des données, issues des formalités de douane.

« Nous avons un fonctionnement différent des marketplaces, où ce sont les fabricants eux-mêmes qui doivent s'inscrivent », ajoute Hanyin Chen.

Combler les maillons les plus stratégiques

Une solution qui a pris un tout autre tournant dans le contexte actuel de souveraineté et de réappropriation, souhaitée par les gouvernements européens comme la France, de la production sur le Vieux Continent.

« Un constat commun a émergé, et consiste en effet à dire qu'il existe désormais un enjeu. Mais aujourd'hui encore, personne ne saurait, même Apple, tourner entièrement le dos à une de production historique. En revanche, tous les acteurs commencent à regarder, par rapport à leur chaîne d'approvisionnement, quels sont les maillons les plus stratégiques qu'il leur faudrait internaliser », assure le Ceo d'Askafox.

Une phase qui prend notamment du temps pour identifier les acteurs pouvant combler ces maillons, mais qui requiert aussi de pouvoir ensuite auditer et tester sur place les potentiels partenaires. Et c'est là qu'intervient à nouveau Askafox, puisqu'il intègre également au sein de son modèle, un audit à la demande, pouvant être réalisé par des consultants partenaires sur place, une fois qu'un fournisseur est identifié par son outil d'IA.

Et Hanyin Chen d'ajouter : « Nous nous sommes focalisés en d'autres mots dans la recherche du mouton à cinq pattes. Car si vous parvenez à trouver votre bonheur en surfant sur Google, notre outil n'a pas d'intérêt pour vous. Mais nous pouvons toujours en revanche vous aider à aller vérifier que vous pouvez faire confiance à votre nouveau prospect en commandant un audit, car il n'existe toujours pas de meilleur moyen, pour cela, de prendre sa valise et de se rendre sur place ».

Une formule complémentaire d'audit qu'Askafox présente aussi comme plus éco-responsable, puisqu'elle permet d'éviter un déplacement de son client.

 « On ressent actuellement une croissance de la demande sur beaucoup de secteurs, mais nous avons choisi de nous spécialiser pour l'instant dans les secteurs ferroviaires et énergétique, en lien avec mon expérience précédente ».

Vers une régionalisation des productions comme première étape

« Aujourd'hui, on observe d'abord des demandes consistant à relocaliser des productions en France ou en Europe. En revanche, la plupart des missions finissent souvent par évoluer vers la régionalisation d'un produit ou bien une diversification de sources, afin de ramener un volume de production chez un fournisseur plus proche. Pour le moment, ce sont des scénarios à la fois pragmatiques et réalistes, qui permettent d'avoir un effet immédiat en matière de réduction des risques », observe Hanyin Chen.

Si aujourd'hui, la France va demeurer une base arrière pour Askafox, la compagnie se tourne déjà vers le marché québécois, mais surtout canadien. « En premier lieu au sein de la grande région ontarienne autour de Toronto, qui dispose elle aussi d'un important manufacturier. Par la suite, nous devrions poursuivre également vers les Etats-Unis et la Chine ».

Actuellement, son outil couvre en effet les territoires par le biais de la langue, et non pas d'une géographie stricte : ce qui signifie qu'avec le français, il permet de toucher les pays francophones, et il est aujourd'hui disponible en anglais, en espagnol et en chinois. Avec une présence déjà confirmée en en Europe et Asie du Sud-Est du côté des audits fournisseurs, et une base d'experts en cours de développement en Amérique du Nord.

Selon une simulation interne, s'appuyant sur des données croisées avec des cabinets de conseil, le marché de la recherche et de la qualification de partenaires, ciblé par Askafox, est évalué entre 3 et 5 milliards de dollars annuels à l'échelle mondiale.

« Cela comprend souvent les frais réglés à une agence pour un mandat de recherche, mais aussi les frais de déplacement pour réaliser des audits habituellement, etc », explique Hanyin Chen.

Avec comme modèle économique actuel, une formule dite « à coûts fixes » pour rémunérer l'audit de recherche ou de qualification d'un fournisseur, mais aussi une formule d'abonnement plus régulière pour une société qui aurait besoin de qualifier plusieurs types de fournisseurs. « Nous sommes aujourd'hui les seuls à proposer la combinaison d'une solution de recherche digitale avec un audit physique ».

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