Train de nuit Aurillac-Paris : élus et usagers restent sur leur faim

C'est le grand retour des trains de nuit. Le premier trajet entre Paris et Aurillac a eu lieu ce dimanche, vingt ans après la suppression de la desserte. Déficitaire, cette liaison commerciale nécessitera entre 3 et 4 millions d'euros de subvention de l'Etat chaque année. Les élus et les associations d'usagers du territoire se réjouissent de la reprise de ce service, malgré quelques bémols.
Le train de nuit entre Paris et Aurillac compte 150 places (assises et couchettes) pour des prix à partir de 19 euros.
Le train de nuit entre Paris et Aurillac compte 150 places (assises et couchettes) pour des prix à partir de 19 euros. (Crédits : Reuters)

Le premier train de nuit reliant Paris à Aurillac est arrivé tôt ce lundi, à 7h30, dans la gare cantalienne. Une renaissance pour cette liaison nocturne supprimée il y a 20 ans. La volonté politique du gouvernement est bien de relancer ce type de trajets dans un souci environnemental. C'est « une grosse accélération », s'est réjoui au départ du train dimanche soir, Clément Beaune, le ministre délégué chargé des Transports. La France vise à exploiter dix lignes de nuit d'ici à la fin de la décennie, selon un plan lancé en 2021 pour un budget de 150 millions d'euros. Cela inclut aussi des équipements sanitaires, comme des douches dans les gares.

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Pour cette liaison nocturne entre Paris et Aurillac, le voyage est assuré par un train Intercités doté d'anciennes rames rénovées pour accueillir des couchettes. Le retour de ce service est salué à la fois par les habitants et les élus du territoire.

« C'est un message fort de l'Etat envers une ville qui souffrait de son enclavement. On renoue avec une tradition et c'est essentiel pour nous. Car pour rallier la capitale, il faut 6 à 7 heures de train en journée. Un aller-retour nous faisait perdre deux jours et nous devions payer l'hôtel. Cela répond à un besoin », s'enthousiasme Pierre Mathonnier, maire d'Aurillac et président de la Communauté d'Agglomération du Bassin d'Aurillac, comptant 52.000 habitants.

Au-delà du symbole envoyé au monde rural, ce train de nuit devrait renforcer le développement et l'attractivité du territoire, veut croire l'élu. La station de ski du Lioran sera, par exemple, accessible grâce à une correspondance ferroviaire pendant la période hivernale, ce qui pourrait booster le tourisme. En revanche, trois voyages hebdomadaires (dans les deux sens) entre les deux villes sont proposés pour l'instant par la SNCF, en fin de semaine. Un aller-retour quotidien est aussi prévu, mais uniquement pendant les vacances des zones A et C, soit au total 200 nuits par an. C'est ce qui coince pour les élus et les associations d'usagers, qui ont bataillé ces dernières semaines pour obtenir une desserte récurrente et régulière.

Augmentation de la fréquence dès décembre 2024

Plusieurs parlementaires du département avaient même adressé un courrier à la Première Ministre pour que le planning soit revu. Et ils ont obtenu gain de cause. SNCF Voyageurs passera à une fréquence quotidienne à compter de décembre 2024, vient de leur répondre le ministre Clément Beaune.

« Nous avons un engagement de l'Etat. On aurait souhaité que ce soit immédiat mais pour des questions de matériel, de disponibilité de voies etc. Cela se fera dans un an. C'est très important car un service de ce type, s'il n'a pas une fréquence régulière, perd en attractivité. Cela donnait le sentiment d'un train touristique, alors qu'il peut avoir une utilité pour des étudiants, des jeunes actifs, des chefs d'entreprise qui ne veulent pas prendre l'avion », remarque Stéphane Sautarel, sénateur (LR) du Cantal.

Cet élu en est persuadé : un bon cadencement est nécessaire si l'on veut redonner aux Français le réflexe de prendre le train. Mais il pointe un autre bémol, celui des villes desservies par le service. Saint-Flour par exemple n'est pas concernée par la liaison.

« Nous aurions aimé qu'il y ait des correspondances pour d'autres villes du Cantal. Ce service ne va pas révolutionner le ferroviaire dans le département. Nous avons aussi la crainte que la mise en place de ce service fasse oublier les problèmes des autres trains et notamment des TER que les usagers prennent tous les jours pour se rendre à Brive ou Clermont-Ferrand », s'inquiète Claude Prat, président du Comité Fer Cantal, association d'usagers et de syndicalistes.

Financement public de 3 à 4 millions d'euros

De son côté, SNCF Voyageurs ne communique pas sur les réservations des premiers trains, mais elle indique que pour les deux trajets précédents Noël (22 et 23 décembre) le taux de remplissage est de 90 à 95 %. Malgré tout, cette ligne nocturne de 150 places ne sera pas rentable. Le Paris-Aurillac, établi comme un service conventionné par l'Etat, nécessitera des fonds publics car le modèle économique est quasi impossible.

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Pour la ligne Paris-Aurillac, « comme pour toutes les lignes qui n'arrivent pas à l'équilibre, on assume que ce sont des lignes de service public, dont le fonctionnement est subventionné : une ligne comme Paris-Aurillac, c'est entre 3 et 4 millions d'euros par an de subvention de l'État », a précisé le ministre Clément Beaune.

Le niveau de subventions est calculé selon le montant estimé des pertes. Mais la facture pourrait grimper si le service passe en rythme quotidien dès fin 2024. Il faut de toute façon au minimum deux ou trois ans pour qu'une ligne atteigne son plein potentiel commercial, admettent tous les acteurs du dossier.

Vigilance sur le prix des billets

Il faudra en effet du temps pour que le service s'installe. Mais pour que cela fonctionne, souligne Stéphane Sautarel, sénateur du Cantal, il faudra surtout réunir toutes les conditions.

« Si l'on veut donner toutes les chances de succès à ce train de nuit, il faut trois éléments : la fréquence, la qualité du service et des prix abordables. Sur le train de nuit Paris-Nice, la SNCF a mis des tarifs très simples à 19 euros, 29 euros ou 39 euros. Mais on sait que ces tarifs attractifs sont très limités en nombre de places. Il faudrait que cette offre promotionnelle soit valable sur la moitié des billets proposés à la vente », défend l'élu qui sera vigilant sur les prix pratiqués.

Car selon le sénateur, le train est en concurrence avec le covoiturage, notamment auprès des jeunes. Il faudra donc que cette desserte nocturne soit intéressante financièrement pour qu'elle attire.

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