Territoire zéro chômeur de longue durée : Saint-Etienne jette l’éponge

Après quatre ans de travail et de mobilisation des partenaires, la Ville de Saint-Etienne annonce qu’elle renonce finalement à candidater à la labellisation « Territoire Zéro chômeur de longue durée ». Trop complexe, trop coûteux et trop incertain, explique la collectivité pilotée par Gaël Perdriau.
Saint-Etienne comptait, à fin mars 2023, 9.351 demandeurs d'emplois de longue durée indemnisés.
Saint-Etienne comptait, à fin mars 2023, 9.351 demandeurs d'emplois de longue durée indemnisés. (Crédits : DR)

Article mis à jour le 26 juillet 2023 avec la réaction d'Envie Rhône-Alpes

Avec un taux de chômage de 7,5% à fin mars 2023, soit 18.169 personnes inscrites dans les catégories A, B et C (derniers chiffres publiés par Pôle Emploi), Saint-Etienne affichait un niveau de chômage en recul de 0,4% par rapport à l'année dernière. Une bonne nouvelle pour le territoire certes, mais une nouvelle à mettre tout de même en regard avec un taux de chômage départemental à 7,1% et un taux régional qui s'établissait à 6,1%. Parmi eux, 9.351 demandeurs d'emploi de longue durée étaient indemnisés à fin mars 2023. Ils représentaient alors 41,5% des demandeurs d'emploi stéphanois (contre 43,5% au niveau régional). Leur nombre a reculé de 8,7% depuis un an.

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C'est dans ce contexte en demi-teinte que la Ville de Saint-Etienne vient d'annoncer subitement, qu'après avoir travaillé quatre ans sur un projet de labellisation « Territoire zéro chômeur de longue durée », elle jette finalement l'éponge. Elle ne présentera pas sa candidature à ce dispositif national expérimental.

Trop complexe, trop coûteux, explique l'adjointe de Gaël Perdriau en charge de l'emploi et de l'insertion, Nadia Semache.

2.800 chômeurs de longue durée embauchés en CDI

Lancé à titre expérimental en 2016 avec 10 territoires pilotes, puis modifié et ouvert à 50 nouveaux quartiers en 2020, le dispositif « Territoire zéro chômeur de longue durée » repose sur trois postulats mis en avant par l'association Territoire Zéro chômeur de longue durée, structure fédérant les porteurs de projets : personne n'est inemployable, le travail ne manque pas et l'argent non plus. D'autant que le chômage de longue durée peut entraîner des conséquences sur la santé, l'insertion, la vie sociale etc..., ce qui représente un coût pour la collectivité que l'association estime supérieur à celui associé à la création d'emplois.

Initié par l'association ATD Quart Monde avec d'autres associations de lutte contre la précarité, le dispositif TZCLG s'appuie sur la création d'une entreprise à but d'emploi, sur chaque territoire labellisé, employant des chômeurs de longue durée pour des activités non couvertes localement par le secteur privé (potentiellement des épiceries solidaires, de l'entretien d'espaces verts, des recycleries etc...).

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58 territoires sont d'ores et déjà labellisés TZCLD (dont plusieurs dans la région Auvergne-Rhône-Alpes : trois dans la métropole lyonnaise, au Puy-en-Velay, à Gerzat, à Echirolles, à Thiers, à Valgelon etc...). Ils accueillent 64 entreprises à but d'emploi et emploient, en CDI et à temps choisi, 2.183 personnes volontaires issues du chômage de longue durée. Ces EBE sont financées par des fonds d'expérimentation territoriaux alimentés par l'Etat et les collectivités locales avec une réorientation des budgets alloués aux allocations chômage et aides sociales.

Pas de nouvelle candidature

Poussée par le conseil citoyen de Montreynaud, Saint-Etienne planchait sur le sujet depuis 2019, avec deux territoires initialement dans le viseur : le quartier populaire de Montreynaud donc et les quartiers du Sud-Est. Deux territoires déjà identifiés depuis longtemps comme prioritaires dans la politique de la ville. Fin 2021, la Ville déposait un dossier de candidature avec l'ambition annoncée, à l'époque, de créer 330 emplois en CDI, soutenus par une aide de l'État de 17.000 euros par an et par salarié et de 2.800 euros du Département. Saint-Etienne budgétait, elle, un investissement d'amorçage de l'ordre de 500.000 euros sur deux ans.

Candidature retoquée et qui ne fera donc finalement pas l'objet d'une nouvelle tentative. La Ville préfère se détourner de cette expérimentation, malgré un investissement conséquent dans le montage du dossier et une implication importante des partenaires, notamment du conseil citoyen pour l'emploi de Montreynaud.

« Nous avons décidé de ne plus demander de labellisation TZCLD compte tenu des nouvelles contraintes imposées par l'Etat, par exemple sur l'obligation dans la dernière mouture du dispositif d'avoir une continuité géographique entre les territoires ciblés, ce qui nous oblige à créer deux dossiers et donc deux entreprises à but d'emploi, avec chacune un ou une directrice, un DRH etc... Avec un surcoût de l'ordre de 200.000 euros que nous n'avions pas anticipé. Est-ce que l'activité serait suffisante pour financer leur poste ? Nous n'étions pas assurés de la viabilité économique de ce système », explique Nadia Semache.

« Nous étions également inquiets quant à la pérennité du dispositif et sceptiques sur les bilans des premières expérimentations, bien en deçà des résultats escomptés ». Sans compter, explique l'adjointe au maire, que les associations d'insertion présentes sur cette zone n'étaient pas favorables à l'arrivée d'une nouvelle structure, par peur de la concurrence. « Envie Loire, Chrysalide et Tremplin 42 nous avaient fait connaître leurs inquiétudes et leur opposition », assure l'élue.

Sollicitées, aucune de ces trois structures n'a pu ou voulu commenter ces propos*. L'association Territoire Zéro Chômeur de longue durée indique, de son côté, avoir pris acte de ce retrait et n'avoir rien de plus à indiquer sur cette décision locale. Elle précise néanmoins que « les conditions expérimentales et d'habilitation des territoires sont identiques depuis le vote de la loi du 16 décembre 2020 et la publication du cahier des charges correspondant ».

Et maintenant ?

« Il nous a semblé plus raisonnable d'arrêter maintenant », expose toutefois Nadia Semache. Une décision que le groupe Saint-Etienne demain, mené par le socialiste Pierrick Courbon (challenger déçu de Gaël Perdriau, ex-LR, à la dernière élection municipale), qualifie « d'échec cuisant ».

« Cette candidature, qui n'en finissait pas de ne pas démarrer, fait aujourd'hui l'objet d'un renoncement pur et simple, abandonnant en rase campagne les acteurs engagés dans cette démarche, ainsi que les centaines de demandeurs d'emploi à qui l'on a fait miroiter un avenir meilleur. Alors que la complexité du processus et les exigences du comité d'habilitation ont été mises en avant pour justifier l'arrêt de la candidature, force est de constater que pourtant de nombreux territoires ont, eux, réussi à surmonter sans encombre les obstacles et ont obtenu l'habilitation ».

L'opposition en profite pour en remettre une couche sur la situation de la Ville, toujours secouée par l'affaire du présumé chantage à la vidéo intime sur la personne de l'adjoint Gilles Artigues, affaire révélée en septembre dernier par Mediapart. Depuis, le maire et son directeur de cabinet notamment ont été mis en examen.

« Faut-il voir dans cet abandon une démonstration de la piètre qualité du dossier présenté, la faiblesse de son pilotage politique ou une nouvelle illustration de la perte de crédibilité institutionnelle de la Ville de Saint-Etienne ? Probablement un peu des trois », écrit ainsi l'opposition.

Attaques sans fondement, répond Nadia Semache. « Le budget est sanctuarisé, les projets continueront d'avancer, notamment la boutique solidaire sur les quartiers sud-est. Un accompagnement partenarial va être monté rapidement pour la trentaine de demandeurs d'emploi de longue durée qui s'étaient déjà engagés dans ce projet ».

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*Le 26 juillet, Envie Rhône-Alpes a indiqué :

« Nous n'avons jamais exprimé d'opposition au projet "Territoire Zéro chômeur de longue durée" et avons même consacré du temps pour recevoir l'équipe projet, suivre les étapes d'avancement du projet.... Nous avons demandé à bien être associé dans les réflexions notamment sur le volet activités "réemploi" afin d'envisager des synergies. Mais la première activité qui devait se mettre en place était autour de la mobilité donc ne nous concernait pas directement. Envie Rhône-Alpes ne s'est donc jamais opposé au projet qui est d'ailleurs aligné avec les valeurs de notre entreprise »

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