C'est à Châteauneuf, toute petite commune périurbaine de la Loire (1.640 habitants), située à une vingtaine de kilomètres au nord-est de Saint-Etienne, qu'a été installée il y a quelques semaines la première chaudière fonctionnant intégralement à l'hydrogène, sur un ensemble non industriel.
Mise en place par le fabricant BDR Thermea (marques De Dietrich, Remeha, Baxi et Chappée), après des expérimentations aux Pays-Bas, cette chaudière doit permettre de chauffer le château de Mollard, un bâtiment communal datant des années 50 et hébergeant des associations, des entreprises, le centre technique municipal, un centre équestre, un restaurant et plusieurs installations sportives.
Cette chaudière, de 24 kW, constitue le dernier maillon en date d'une initiative menée depuis plusieurs années par Bernard Laget, le maire de la commune depuis 2001.
Ingénieur désormais retraité, ex-directeur de l'école Nationale d'ingénieurs de Saint-Etienne, ex-président du SIEL (Syndicat intercommunal d'énergies de la Loire) et candidat aux prochaines élections départementales pour le canton du Gier, il est persuadé que la taille de son village et ses moyens ne représentent pas forcément des arguments limitatifs en matière d'innovation.
Son ambition, en passe de se réaliser : créer à Chateauneuf un démonstrateur de boucle locale d'autoconsommation énergétique. Boucle que vient donc parfaire cette nouvelle chaudière 100% hydrogène.
Boucle locale d'autoconsommation énergétique
L'idée est née en 2012 alors que ce château communal nécessitait d'importants travaux de rénovation énergétique.
"Plutôt que de nous lancer dans d'énormes travaux, nous avons eu l'idée de produire notre énergie sur place et de créer un ilot d'autoconsommation", se souvient l'édile. 90m² de panneaux photovoltaïques ont ainsi été installés (production de 42 kWh) ainsi que deux arbres à vent (production de 15 kWh).
Un système fonctionnant parfaitement d'après l'élu, sauf que les énergies renouvelables avaient (et ont toujours...) un défaut : celui de ne pas fonctionner 24h/24. "Très vite s'est donc posée la question du stockage", poursuit Bernard Laget.
"Rapidement, nous nous sommes tournés vers l'option hydrogène, avec une production via de l'électrolyse de l'eau et un stockage sur place. En 2016, c'était très précurseur. Je me souviens qu'on me disait que cela ne fonctionnerait jamais".
L'arrivée de l'hydrogène, pour passer à un autre stade
Dernière étape en date de cette démarche : la chaudière hydrogène 100%, couplée à une chaudière fonctionnant partiellement à l'hydrogène.
Le programme de Chateauneuf, baptisé Ilot@ge, est donc désormais composé de plusieurs éléments : à commencer par des générateurs d'électricité (micro-éolien et panneaux photovoltaïques) mais aussi d'hydrogène (15 kW). Il comprend également un stockage tampon par 25 batteries Ion Lithium ainsi qu'un module de stockage longue durée (3.400 kW) et de production de chaleur (via l'injection de l'hydrogène dans le bruleur de la chaudière). L'ensemble accueille par ailleurs une pile à combustible pour la gestion des creux de production et l'alimentation en courant continu de l'éclairage public du parc.
"Aujourd'hui, pour l'électricité, l'ensemble est autonome et fonctionne parfaitement. Nous espérons parvenir au même résultat pour le chauffage". Le tout pour un budget global de 650.000 euros, soutenu par le SIEL.
"Le reste à charge de la commune devrait être amorti en 15 ans. Nous sommes donc sur des objectifs écologiques évidemment mais aussi économiques".
Le projet, primé par le prix Hydrogène lors des assises européennes de l'énergie de Bordeaux (fin 2020) a également obtenu un Trophée de l'ingénierie territoriale remis à l'occasion du congrès des maires de France en novembre dernier. Il a également été soutenu par le Département de la Loire et la Région.
Un démonstrateur pour d'autres collectivités
L'élu a désormais une idée derrière la tête : faire de son installation innovante un démonstrateur qui servirait d'appui au déploiement d'autres boucles locales, et municipales, d'autoconsommation énergétique.
Bernard Laget explique d'ailleurs être en réflexion avec le laboratoire national d'essai :
"Nous essayons de voir comment notre installation pourrait servir de prototype pour une homologation de ce type de système, dans le cadre de la RE2020. La difficulté, pour la duplication de ce système complet dont nous avons fait la preuve de concept, reste le pilotage. La municipalité de Chateauneuf n'a pas vocation à s'impliquer là-dedans, ce n'est pas notre rôle".
Et de souligner l'intérêt marqué de plusieurs maires, intéressés par la réussite de la petite commune ligérienne. "Il existe des projets de ce type sur des grands ensembles mais pas sur des petits domaines comme chez nous".
"Ce projet intéresse beaucoup, c'est certain. Il faut dire que c'est vraiment unique. Nous qui travaillons avec des Japonais, des Américains etc, car il s'agit d'une réalisation unique en France", souligne d'ailleurs Laurence Grand-Clément, la dirigeante de l'entreprise lyonnaise Persée.
Entreprise de 13 salariés qu'elle avait créée en 2013 et hyperspécialisée dans les solutions logicielles liées à l'énergie hydrogène (du prédiagnostic au pilotage en temps réel). C'est elle qui a accompagné Chateauneuf dans la mise en place des outils logiciels adéquats. Elle travaille en parallèle sur des projets européens de très grande envergure.
Vers une application en chauffage collectif ?
Le maire de Chateauneuf réfléchit quant à lui déjà à la prochaine étape : l'installation d'une autre chaudière hydrogène, à la mairie cette fois. Mais qui serait approvisionnée grâce à l'hydrogène produit au Château de Mollard, ce qui nécessiterait donc un transport de l'hydrogène. Celui pourrait également, pourquoi pas, alimenter des maisons individuelles.
La difficulté sur ce dernier point étant néanmoins que sur les 700 habitations que compte Chateauneuf, seule une trentaine fonctionne avec le réseau de gaz.
La commune est par ailleurs en train de construire des immeubles neufs en bois, destinés à du locatif, en autoconsommation énergétique grâce à du photovoltaïque et à de la géothermie profonde. Ce projet, Imm@bois, vient d'ailleurs tout juste d'être soutenu par Saint-Etienne Métropole dans le cadre de son plan de relance métropolitain, à hauteur de 740.000 euros, sur un budget total de 2 millions d'euros.
Là encore, les bâtiments qui sortiront de terre cet été, seront instrumentés à partir d'un mixte entre objets connectés et fibre optique afin de mesurer, en configuration réelle, les performances de chaque équipement.
"Nous pensons que cet ensemble innovant pourra jouer le rôle de living-lab. Il abritera différents types de publics (une crèche, des seniors, des habitants) et permettra ainsi de mener des études liées à la transition écologique à travers les volets sociétaux, économiques, technologiques et énergétiques. J'aimerais que Chateauneuf devienne finalement un centre de ressources en matière d'autoconsommation et de transition écologique".
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