Dans l’Ain, Hypster veut disrupter la filière du stockage d’hydrogène vert

Alors que la filière hydrogène est en plein boom, Storengy, la filiale du groupe Engie, vient de donner le coup d’envoi d’une nouvelle expérimentation grandeur nature visant à combler un chaînon manquant. Car en testant le stockage sous-terrain d’hydrogène vert au sein de l’un de ses plus grands sites salins en Europe, le projet Hypster pourrait marquer un nouveau pas qui se veut déterminant.
C'est à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Bourg-en-Bresse (Ain), que le groupe Storengy veut installer le premier démonstrateur industriel de stockage d'hydrogène vert, qui sera couplé à la production sur site d'un électrolyseur.
C'est à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Bourg-en-Bresse (Ain), que le groupe Storengy veut installer le premier démonstrateur industriel de stockage d'hydrogène vert, qui sera couplé à la production sur site d'un électrolyseur. (Crédits : DR/ArcomDesign)

Produire de l'hydrogène vert oui, mais encore faut-il pouvoir, pour le distribuer, avoir la capacité de le stocker en amont. Telle est la mise en garde du leader mondial du stockage du gaz naturel Engie qui, par le biais de sa filiale Storengy (environ 1.000 collaborateurs en France), réfléchissait déjà à la montée en puissance de la filière hydrogène depuis quelque temps.

Et c'est à Etrez, à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Bourg-en-Bresse (Ain), que le groupe français pourrait bien essayer de répondre ce défi. Son idée ? Adapter et tester le stockage jusqu'ici réalisé en qualité salines pour le gaz naturel, aux contraintes de l'hydrogène vert.

« Jusqu'ici, il manquait encore un maillon important à l'industrialisation de la filière hydrogène, qui était son stockage à grande échelle », expose Germain Hurtado, directeur du projet Hypster.

« Il existait des solutions de stockage d'hydrogène en surface, mais qui avaient toutes l'inconvénient de rester de petite capacité : l'idée est donc de tester un mode de stockage à grande échelle qui n'avait jamais été expérimenté jusque-là et d'évaluer ses conditions de réplicabilité ».

Pour cela, la filiale d'Engie va capitaliser sur une expertise de près de 70 ans dans son domaine, « avec près de 10 milliards de mètres cubes emprisonnés dans 21 sites souterrains ou nappes aquifères en Europe », affiche la société.

Son projet, Hypster, a obtenu le soutien de l'Union européenne à hauteur de 5 millions d'euros (via le programme du Fuel Cells and Hydrogen Joint Undertaking), sur un budget total chiffré à 13 millions d'euros.

Avec une ambition : capitaliser sur son site d'Etrez, qui se pose comme le premier stockage de gaz naturel en cavités salines en France (et le 5ème en Europe en termes de capacités), pouvant accueillir jusqu'à 8 TWh, soit l'équivalent de la consommation annuelle de l'agglomération de Lyon.

Des cavités salines « adaptées » aux particularités de l'H2

 « Ce site, mis en service en 1980, se prêtait particulièrement bien à cette expérimentation de par sa capacité ainsi que ses caractéristiques », précise Germain Hurtado. La première phase pilote comprendra ainsi l'utilisation d'une cavité saline de 8.000 m³ de volume, tandis que les autres cavités de gaz naturel en exploitation peuvent accueillir jusqu'à 600.000 m3 de gaz, « soit l'équivalent, en matière de stockage, d'une tour de la Défense ou de trois Arcs de Triomphe pour chaque cavité ».

Avec un atout du côté des qualités salines, déjà utilisées pour le gaz naturel : « la perméabilité des réservoirs salins est un atout, tandis que notre objectif est d'étudier et de transposer les aspects géomécaniques de ce stockage, que l'on connaît déjà bien, à l'hydrogène ».

Mais ce n'est pas la seule raison pour laquelle Storengy croit à ce mode de stockage : « Il s'agit de l'unique solution pour stocker l'énergie sur plusieurs mois ou années, qui permet également de délivrer une puissance instantanée et importante sur le réseau », confirme le directeur du projet.

Il ajoute d'ailleurs que si l'ensemble du parc salin actuellement exploité par Storengy était converti à l'hydrogène, il permettrait de délivrer une puissance instantanée, équivalente à celle de 9 réacteurs nucléaires.

De son côté, ce gaz que l'on surnomme aussi H2 se place comme « la molécule la plus légère qui existe sur la table périodique des éléments, et également la seule qui parvient à traverser la stratosphère et partir dans l'espace », précise-t-il. Également inflammable, cette énergie ne fait pourtant pas peur aux spécialistes du stockage du gaz naturel Storengy, qui rappelle qu'il gère déjà ce même type de contrainte depuis 70 ans.

« Nous prévoyons cependant d'adapter la tête du puit de stockage à la spécificité de l'hydrogène, très léger, afin de s'assurer par exemple d'utiliser des matériaux qui ne soient pas poreux, de manière à demeurer hermétique », confirme Germain Hurtado.

Compléter un chaînon manquant et allier la production

Pour son initiateur Storengy, ce premier démonstrateur de stockage hydrogène à grande échelle pourrait avoir un rôle déterminant dans l'industrialisation d'une filière en plein boom, dans laquelle il vient compléter l'un des chaînons manquants à ce stade.

« Car pour accélérer cette industrialisation et déployer les usages, notamment du côté de la mobilité, il fallait que cet hydrogène vert produit puisse être stocké en quantité, avant d'être acheminé vers les industriels. Il s'agissait donc d'un maillon essentiel pour le développement de cette énergie à grande échelle en France et en Europe », note-t-il.

 Storengy estime qu'il est en effet nécessaire d'impliquer dès aujourd'hui dans cette direction les fournisseurs français et européens (allant des joints d'étanchéité, de la vanne gaz à la complétion utilisée dans les puits des cavités salines, etc) afin d'être prêts au moment où les projets nécessitant du stockage industriel vont se déployer, « c'est-à-dire dès 2022 ».

Ce projet ne s'arrête pas là puisqu'il prévoit même d'interconnecter le maillon du stockage à celui de la production d'hydrogène vert, réalisée au moyen d'une électrolyse, installée sur un même site.

« Nous avons discuté avec des partenaires locaux en vue de commercialiser ensuite cet hydrogène produit pour nourrir des projets comme le Zéro Emission Valley », souffle Germain Hurtado.

Après le lancement d'une première phase d'ingénierie en janvier 2021, le projet Hypster se poursuivra en 2022 par la construction d'une plateforme de production d'hydrogène comprenant un électrolyseur PEM (Proton Exchange Membrane) de 1 MW sur site, dont la technologie est adaptée à l'électricité intermittente issue des renouvelables.

« Dès 2023, cet électrolyseur permettra de produire en moyenne 400 kg d'hydrogène par jour », annonce Storengy. Une partie de cette production permettra en effet de tester le stockage en cavité saline d'hydrogène vert : soit à hauteur de 2 à 3 tonnes dans un premier temps, jusqu'à l'utilisation de la capacité totale de la cavité saline identifiée, soit 44 tonnes, ce qui représente l'équivalent de la consommation de 1.760 bus à hydrogène.

Cette production d'hydrogène vert sur site, qui atteindra au total près de 140 tonnes par an, pourra ensuite être transportée par un tube trailer, c'est-à-dire un camion-citerne qui transporte différents tubes contenant de l'hydrogène.

« Dans le futur, cette énergie pourra également être réinjectée dans le réseau de gaz naturel existant, à hauteur de 10 % par exemple, voire conduire par la suite à la construction d'hydrogénoduc, de nouvelles canalisations industrielles chargées d'acheminer l'hydrogène sous forme gazeuse ou liquide », prévoit Germain Hurtado. « Même si pour l'heure, cela ne demeure qu'au stade de projet », précise-t-il.

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