Auvergne-Rhône-Alpes : la stratégie du Québec pour se constituer en « porte d'entrée » vers l'Amérique du Nord

Les relations, qu'elles soient commerciales ou culturelles, se renforcent entre la région Auvergne-Rhône-Alpes et le Québec. Air Canada vient de relancer sa liaison aérienne entre Lyon et Montréal, en plus d'un renforcement d'Air Transat sur cette ligne jugée stratégique. En parallèle, la région a signé une convention pour accompagner les entreprises au Québec, potentielle « porte d'entrée » vers l'Amérique du Nord.
Les autorités québécoises et régionales d'Auvergne-Rhône-Alpes tentent de renforcer les relations commerciales entre les deux régions.
Les autorités québécoises et régionales d'Auvergne-Rhône-Alpes tentent de renforcer les relations commerciales entre les deux régions. (Crédits : Unsplash)

La crise sanitaire semble être un souvenir lointain pour le Québec. Non seulement ses échanges commerciaux avec la France, et qui plus est la région Auvergne-Rhône-Alpes, ont « retrouvé leur niveau d'avant crise », mais ils se sont même renforcés selon Carl Viel, directeur général de Québec International, l'agence de promotion de la province francophone : « Nous avons dépassé tous les niveaux de 2019. Québec est l'une des régions canadiennes qui a repris le plus rapidement, avec des mesures post-covid prises par les gouvernements et les municipalités », poursuit le dirigeant à l'occasion de la venue à Lyon d'une petite délégation de représentants.

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C'est dire si les liens paraissent forts entre les deux régions, qu'ils soient historiques, culturels, commerciaux, touristiques... De multiples opérations séduction visent à les consolider à nouveau dans un contexte de sortie de crise sanitaire. Car en effet, conséquence de la pandémie, le pays à la feuille d'érable n'arrivait qu'au 26e rang des exportations régionales en 2021, avec 0,8% du total des exportations d'après l'agence régionale Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises (à mettre au regard de la fermeture des frontières due à la crise sanitaire). Du côté des importations cette année-là, le taux diminue encore, à 0,5 % du total (33e rang). Les représentants canadiens ne livrent pas de données plus précises, « étant donné qu'elles ne portent que sur l'échelle nationale, et quelles ont deux ans de retard », ajoute Carl Viel.

Accompagner pour « éviter les écueils »

Le 10 octobre, se déroulait dans le bâtiment de la Bourse de Lyon le salon « Étudier, s'installer, travailler, vivre au Canada », en présence d'une trentaine d'organismes venus du pays nord-américain. La veille, l'organisme a même signé une convention de partenariat avec Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises, portant sur les liens commerciaux entre les deux cousins francophones. Car les autorités canadiennes le répètent : « il reste des opportunités », soutient Bruno Marchand, maire de la ville de Québec, où il manque en effet de bras. Le taux de chômage a franchi le plancher des 3 % et, si cette nouvelle est d'abord réjouissante, elle implique une fluidité accrue des emplois. Venu aux côtés de grandes universités, d'entreprises et de centres de formation, l'édile tente de convaincre, mais aussi de persuader, devant une petite assemblée, attentive : « Venez au Québec et, en quinze jours, vous travaillerez ! ».

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Pour Bruno Marchand, le ciment culturel, historique et linguistique qui lie les deux pays permet, pour l'un et l'autre, de constituer la « porte d'entrée » d'un continent :

« La ville de Québec peut être une porte d'entrée énorme vers le marché nord américain. En ayant des valeurs communes, des ententes, des partenariats, surtout en étant capables d'accompagner, on ouvre les entreprises françaises à un marché nord américain conséquent. Marché dans lequel la transition peut se faire plus facilement en passant par le Québec comme porte d'entrée. L'accompagnement, c'est la capacité d'éviter des écueils. »

Bruno Marchand, maire de Québec

De même, les deux régions échangent dans certains secteurs clés de leur développement, comme « les transformations manufacturières, les biotechnologies, la pharmaceutique, l'aéronautique, ou encore les industries culturelles et créatives », ajoute Carl Viel. Le secteur de l'environnement et du tourisme hivernal sont aussi des éléments communs, propices au rapprochement, que ce soit dans le monde économique, comme dans celui de la recherche.

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« C'est tout naturel, pour nous, de mettre sur papier des relations qui existent depuis plusieurs années. Nous avons signé une entente avec la région pour favoriser les échanges et permettre aux entreprises, de part et d'autre, de grandir et de prendre place sur l'autre continent. En l'occurrence, pour les françaises, de communiquer dans un langage nord-américain. Sans les nommer, nous avons rencontré des entreprises d'Auvergne-Rhône-Alpes cette semaine. Dans un cas, elles ont l'objectif de s'établir en Amérique-du-Nord. Dans un autre, celui d'y travailler. »

Carl Viel, directeur général de Québec International

Air Canada reprend ses quatre liaisons hebdomadaires entre Lyon et Montréal

La compagnie Air Canada va également relancer, le 13 octobre, ses quatre liaisons hebdomadaires entre Lyon et Montréal à bord d'un Airbus A330-300 de 297 sièges et d'une capacité de 14 tonnes de fret. Une ligne stratégique pour la compagnie : il s'agit de la deuxième en direction de Montréal depuis la France, après Paris. Ces liaisons étaient interrompues pendant six mois, pour des difficultés opérationnelles et de recrutement, laissant de l'espace au concurrent Air Transat qui, après 33 ans d'opération depuis l'aéroport de Saint-Exupéry, a aussi musclé sa ligne avec l'augmentation des fréquences de ses vols l'été dernier, ainsi que son annualisation. « On s'intéresse aux PME/PMI (petites et moyennes industries), avait à ce titre déclaré à La Tribune en mai dernier Cyril Cousin, directeur France et Benelux d'Air Transat. Environ 4.000 et 5.000 entreprises en Rhône-Alpes font du commerce transatlantique. Elles ont besoin de franchir l'Atlantique et d'aller au Canada et aussi de se connecter aux États-Unis ».

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« Nous sommes sortis de la pandémie avec d'importantes contraintes de disponibilités d'appareils, ainsi qu'une pénurie de main d'œuvre. Nous sommes, comme d'autres compagnies aériennes, à la recherche de pilotes et de personnels d'équipage. Depuis, de nouveaux appareils sont entrés dans la flotte. Nous avons par exemple commandé ce fameux Airbus A321 XLR, qui commencera à arriver fin 2024. Il nous permettra de reprendre une phase d'expansion en France. »

Jean-François Raudin, directeur général d'Air Canada France

Du côté d'Air Canada, la ligne reprend désormais. Voyageurs d'affaires, touristes, clientèles dites « affinitaires » (diasporas). Si Jean-François Raudin ne communique pas la répartition des typologies de voyageurs, il déclare « ne pas pouvoir en négliger une seule ». Mais la compagnie mise bien, dans sa stratégie, sur une clientèle de trafic : « celle de transit, à Lyon par exemple, et qui va continuer sur d'autres liaisons vers l'Europe, le bassin méditerranéen ».

« Nous sommes un transporteur global, c'est la stratégie de la compagnie, entamée il y a plusieurs années. Nous avons pour ambition d'emmener le maximum de passagers au Canada et au-delà, en Amérique du Nord, aux Caraïbes, en Amérique centrale, en Amérique du Sud. Par exemple, Punta Cana (Mexique) au départ de Lyon est l'un de nos premiers trafics loisir cet hiver. Les passagers d'Auvergne-Rhône-Alpes peuvent transiter au Canada vers ces destinations, sans avoir besoin de monter à Paris, ni de réenregistrer des bagages ».

Le prix du billet, lui, fluctue en fonction des coûts, en l'occurrence grandissants. Le directeur conclut, sans plus de détails : « Nous avons des ambitions bien plus grandes que les quatre liaisons hebdomadaires pour Lyon, et en France en général ».

Auvergne-Rhône-Alpes et le Canada (2021)

- Solde commercial Auvergne-Rhône-Alpes / Canada : + 167 734 132 € en 2020 / + 618 363 570 € en 2019.

- Exportations (2021) : 835 établissements d'Auvergne-Rhône-Alpes ont exporté vers le Canada, qui représente 0,8 % des exportations totales régionales (26e rang).

- Importations (2021) : le Canada est le 33ème pays fournisseur d'Auvergne-Rhône-Alpes en 2020 et représente 0,5 % des importations totales de la région.

- Implantations (filiale, bureau de représentation, joint-venture, agence commerciale, magasin) : les 2/3 des implantations d'entreprises régionales au Canada le sont au Québec, selon la CCI Auvergne-Rhône-Alpes (2023) : soit 77 implantations sur les 113 identifiées au Canada.

- 52 sociétés canadiennes sont basées en Auvergne-Rhône-Alpes (109 établissements).

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