Industrie : comment Kem One réduit fortement sa consommation d’eau

Ce lundi, le gouvernement a dévoilé les douze premiers sites industriels qu'il entend accompagner dans le cadre du plan de sobriété eau, lequel vise à réduire de 10 % les prélèvements d'ici à 2030 dans l'ensemble des secteurs d'activité. Le site de Balan (Ain) du plasturgiste Kem One en fait partie. Le deuxième fabricant de chlorure de polyvinyle (PVC) européen, qui possède huit sites industriels en France, a déjà réduit de 20% sa consommation d'eau en 2023 et entend poursuivre ses efforts, grâce à de nouvelles dispositions organisationnelles, de nouveaux investissements et de la recherche. Explications.
L'unité de fabrication de PVC de Kem One à Balan (Ain), classé seuil haut Seveso, a modifié sa colonne de stripping (à droite) en 2023 pour réduire la consommation d’eau.
Kem One
L'unité de fabrication de PVC de Kem One à Balan (Ain), classé seuil haut Seveso, a modifié sa colonne de stripping (à droite) en 2023 pour réduire la consommation d’eau. (Crédits : Kem One)

Annoncé par Emmanuel Macron le 30 mars 2023 aux abords du lac de Serre-Ponçon, à Savines-le-Lac (Hautes-Alpes), les contours du « plan eau » ont été précisés ce lundi 21 août 2023 par les les ministres de la transition écologique, Christophe Béchu, de l'Industrie, Laurent Lescure, et de la Biodiversité, Sarah El Haïry, à l'occasion d'une visite du site du plasturgiste Kem One, à Balan dans l'Ain.

Réduire de 10 % les prélèvements en eau d'ici à 2030

Alors qu'une canicule s'abat depuis le 19 août dans 49 départements et que la sécheresse se poursuit, la question de l'utilisation de l'eau figure au cœur des enjeux de transition écologique, tant en termes de répartition des usages sur un même bassin qu'en matière de durabilité. Le secteur industriel représente pour sa part 8 % des prélèvements indique l'Etat, derrière les centrales de production d'électricité (49 %), les usages domestiques (17 %), l'alimentation des canaux de navigation (16 %) et l'agriculture (10 %). On ne parle ici que des captages et non des consommations nettes (4 % pour l'industrie, contre 58 % pour l'agriculture - le rapport se renverse - 26 % l'eau potable, 12 % les centrales électriques), en raison de la restitution en milieu naturel.

L'objectif du plan est clair : réduire de 10 % les prélèvements d'ensemble d'ici à 2030. Et pour cela, le gouvernement décline ses feuilles de route par secteur d'activité, à commencer par l'industrie, qui « doit faire sa part des 10 % », relevait alors Christophe Béchu. « Cela passe par des mesures résumées par l'entreprise Kem One dans laquelle nous sommes aujourd'hui. D'abord, connaître sa consommation. Nous ne sommes pas suffisamment vigilants pour nous battre contre les fuites. Ensuite, mesurer les travaux, les investissements, les changements de pratiques à faire pour modifier la consommation ».

Le deuxième fabricant européen de chlorure de polyvinyle (PVC) capte en effet jusqu'à 3 millions de m3 d'eau de forage par an sur son site de Balan, soit la limite réglementaire. Le plasturgiste français fait partie des cinquante sites les plus consommateurs d'eau dans l'Hexagone et figure dans la liste des douze premiers accompagnés par l'Etat dans leur transition, aux côtés des sites d'ArcelorMittal dans le Nord, en Moselle et dans la région PACA, mais aussi de la raffinerie de Donges de TotalEnergies (Loire-Atlantique), de la coopérative laitière Isigny Sainte-Mère (Calvados) ou encore de l'aciérie Ugitech en Savoie.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Préfecture a mis en place en mai dernier une feuille de route à destination des entreprises pour les inciter à réduire leur consommation d'eau. Près de 600 ont manifesté leur intérêt pour ce plan de sobriété hydrique.

Réduire les prélèvements en trois étapes

Chez Kem One, « les usages de l'eau sont assez particuliers, expose Romain Petroff, le directeur d'exploitation du site de Balan, qui compte 250 salariés. Nous disposons d'un usage classique pour refroidir des équipements, pour en réchauffer d'autres, mais aussi pour fabriquer de la vapeur qui nous amène de l'énergie pour faire fonctionner l'usine. Nous l'utilisons aussi pour des rinçages, des lavages, dans des tours aéroréfrigérantes. Mais l'usine possède surtout une particularité : l'eau est utilisée comme solvant de la réaction. Pour fabriquer du PVC, le gaz se solidifie au contact de l'eau. Ensuite, on va filtrer l'eau pour isoler la poudre et la sécher ».

Après avoir déjà réduit de 30 % ses captages entre 2006 et 2019, l'entreprise s'est fixée de nouveaux objectifs sur la base, notamment, de ses ressources internes. D'ici à novembre 2023, Kem One annonce réduire de 20 % supplémentaires sa consommation et cela, en trois temps.

Première étape : se lancer à la poursuite des fuites tout au long de ses huit kilomètres de tuyauteries enterrées. Deux ont été identifiées cette année et résorbées. Soit 3,3 % de pertes en moins, se réjouit son directeur, qui s'empresse de présenter un deuxième axe majeur de ce plan de sobriété : la réorganisation du travail. Il s'agit là d'une « optimisation organisationnelle » : « Nous modifions notre façon de travailler. Par exemple, là où nous ne mesurions pas la quantité d'ajout d'eau dans certaines pompes, nous la régulons désormais en installant des débitmètres. La chasse au gaspillage a permis elle aussi d'économiser 6 % d'eau ».

« Le message important est là : rien qu'en traquant les fuites et en révisant l'organisation du travail, on est déjà à 9 % de réduction de la consommation d'eau. Cela peut être fait même dans dans entreprises qui n'ont pas beaucoup de capacités d'investissement. »

Romain Petroff - directeur d'exploitation de Kem One à Balan (Ain)

Car un troisième axe majeur concerne la réutilisation des eaux de process pour le rinçage des réacteurs et des pompes, à la place des eaux propres. « Ce sont des technologies déjà connues », ajoute Romain Petroff, qui investit à hauteur de 460.000 € dans l'adaptation de sa ligne de production. Les travaux, après validation de l'Agence de l'eau pour une aide allant jusqu'à 30 % du coût, pourraient débuter dans les prochaines semaines.

« D'ici à novembre, les 20 % de réduction seront très concrets. C'est du court terme », note le représentant de l'entreprise, remarquée par l'Etat pour avoir « déjà lancé un certain nombre de processus (...) et qui va continuer », assurait sur place le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu. A noter que le secteur industriel est aussi en ordre de marche depuis plusieurs années, avec une diminution globale de 17 % des prélèvements en eau depuis 2018, le tout, « grâce à l'adaptation de ses outils productifs » relève le gouvernement dans un communiqué.

A plus long terme, investir dans la R&D

Kem One songe aussi à réutiliser l'eau contenue dans ses réacteurs de fabrication du PVC, mais la tâche s'avère encore fastidieuse. « Personne ne fait ça dans le monde. C'est très compliqué parce que l'eau doit rester particulièrement pure. S'il y a la moindre impureté, le grain de polymère qui va croître donnera des mauvaises propriétés finales au produit. »

Si les premiers essais de filtration se sont avérés plutôt prometteurs il y a quelques mois, l'entreprise doit encore réaliser des tests de polymérisation d'ici fin 2023 pour poursuivre ses recherches. « Si tout fonctionne bien, on pourrait arriver à réduire encore de 20 % notre consommation d'eau, plutôt à l'horizon 2025, 2026 ». Le tout, pour une dizaine de millions d'euros d'investissements d'industrialisation.

L'Etat annonce à ce titre la mise en place d'un plan d'appel à projets « Innov Eau » à destination des entreprises et des laboratoires, doté d'une enveloppe de 100 millions d'euros, et rattaché au plan de relance France 2030. Le mécanisme, lancé en juillet dernier, doit « accompagner les innovations dans le secteur de l'eau pour permettre à terme d'assurer une meilleure gestion de son traitement et de la donnée. »

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