Après la tension et les efforts de sobriété, RTE en ordre de marche pour accompagner le virage vers l’électrification

Après une année 2022 complexe pour le secteur de l’énergie, la production d’électricité renoue avec la croissance en 2023 en Auvergne-Rhône-Alpes. Le fruit de multiples facteurs : résolution de problèmes structurels, climat favorable ou encore agrandissement des parcs d’énergie renouvelable. Des signaux de bon augure pour le Réseau de Transport d'Electricité (RTE) qui se prépare d’ores et déjà à la montée en puissance de l’électrification dans le cadre de l’objectif de neutralité carbone que l'Hexagone doit atteindre d’ici à 2050.
La production d'électricité affiche une croissance de 13% en Auvergne-Rhône-Alpes en 2023. Et cela, dans un contexte de transition énergétique où l'électricité devrait atteindre 55% de la consommation énergétique en 2050 selon RTE.
La production d'électricité affiche une croissance de 13% en Auvergne-Rhône-Alpes en 2023. Et cela, dans un contexte de transition énergétique où l'électricité devrait atteindre 55% de la consommation énergétique en 2050 selon RTE. (Crédits : RTE)

« Après un contexte très défavorable en 2022, année marquée par trois crises énergétiques indépendantes et simultanées (du gaz, du nucléaire, de l'hydraulique), l'année 2023 traduit un nouvel équilibre pour le système électrique, dans lequel les craintes sur la sécurité d'alimentation se sont résorbées », introduit François Chaumont, délégué du Réseau de Transport d'Electricité (RTE) en Auvergne-Rhône-Alpes.

L'année 2023 s'inscrit ainsi dans la continuité de 2022, qui avait déjà été marquée par une diminution importante de la consommation électrique. « Par rapport à une période hors crise 2014-2019, nous observons en effet un retrait de la consommation de 6,8% en France en 2023 », pointe le délégué RTE. Et de 4,8% entre 2022 et 2023.

Un phénomène qui s'explique notamment par « les efforts de sobriété réalisés par les Français, les industriels et les collectivités ».

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Côté production, c'est la tendance inverse qui se dessine, avec une hausse de la production d'électricité dans la région de 13,1% pour 116,5 TWh produits. Soit près d'un quart de la production nationale, portée par le nucléaire et l'hydraulique.

La production régionale repart à la hausse sur tous les segments

Cette production a augmenté sur toutes les typologies d'énergie produites en Auvergne Rhône-Alpes, avec une croissance de 14,3% de la production nucléaire pour atteindre 83,6 TWh, de 15,6% de production photovoltaïque pour atteindre 2,36 TWh et de 18,2% de production hydraulique pour atteindre 26,7 TWh.

À côté, la production éolienne affiche une croissance plus timide de 2,9% pour une production électrique de près d'1,5 TWh.

Production électricité RTE AuRA 2023


Ces résultats illustrent globalement une optimisation du parc et des conditions climatiques plus favorables.

« Sur l'énergie hydraulique, ce sont les conditions climatiques qui ont permis d'augmenter la production après une année 2022 marquée par la sécheresse », ajoute François Chaumont.

Concernant le parc nucléaire, c'est surtout « l'optimisation du parc nucléaire et la résolution des problèmes de corrosion sous contrainte » qui ont permis d'atteindre ces résultats.

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Le secteur photovoltaïque a, quant à lui, bénéficié de deux facteurs : un fort ensoleillement couplé à un agrandissement du parc solaire de 400 MW en un an, soit 22% d'augmentation par rapport à 2022.

Une tendance plutôt encourageante pour François Chaumont qui rappelle l'objectif du Schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) : une puissance de 6,5 GWc équivalent installée d'ici à 2030.

« Une ambition atteignable à condition de rester dans l'agrandissement du parc solaire de 10 à 20% tous les ans, ce qui a été le cas ces dernières années », observe-t-il.

Quant à l'énergie issue de l'éolien, l'évolution du parc est plus légère (4,4%), laissant planer le doute sur l'atteinte de l'objectif fixé à 2500 MW installés à la même échéance.

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Au total, les capacités de production de la Région s'élèvent à 29.120 MW, soit une augmentation de 1,6% par rapport à 2022, ajoute François Chaumont.

Un long travail reste néanmoins à faire pour atteindre l'objectif de neutralité carbone fixé à 2050, qui se traduire par un virage vers davantage d'électricité dans le mix énergétique français. Un avenir auquel se prépare déjà RTE en France et en Auvergne-Rhône-Alpes.

Atteindre la neutralité carbone

« Aujourd'hui, 60% de la consommation énergétique en France est liée à des énergies carbonées comme le pétrole, le gaz et le charbon. Des énergies qui doivent disparaître dans cet objectif de neutralité carbone », ajoute François Chaumont, en évoquant la stratégie de RTE pour les années à venir.

Un objectif ambitieux qui nécessitera d'actionner plusieurs leviers : sobriété, efficacité énergétique, mais également un virage franc vers l'électrique. En effet, la France doit réduire sa consommation énergétique de 40% d'ici à 2050, soit une division par deux des besoins. Ce qui se traduira forcément par une politique de sobriété et d'efficacité. Le tout, couplé à une bascule vers des énergies décarbonées et l'électrification de nos activités comme la mobilité.

« L'électricité est omniprésente dans nos activités, mais elle ne représente que 25% de la consommation énergétique en France. On estime qu'elle sera majoritaire en représentant 55% de la consommation globale en 2050 », projette le délégué régional RTE.

Ce virage vers plus d'électrique soulève deux enjeux : la souveraineté de la France remise au goût du jour par« la crise énergétique et la guerre en Ukraine ». Et la « baisse de nos émissions de CO2 avec une hausse de ces objectifs de 40 à 55% en 2030 », rappelle François Chaumont.

Avec quatre principaux leviers d'action déjà identifiés, dont deux sur la consommation et deux sur la production : d'un côté, l'efficacité énergétique et la poursuite de la sobriété constatée à l'hiver 2022/2023.

Et de l'autre, l'optimisation du parc nucléaire existant pour atteindre une production 360 à 400 TWh en 2050, ainsi qu'une multiplication par quatre de la production d'énergie renouvelable, hors hydraulique.

Ce qui se traduira un fort développement des parcs photovoltaïques et éoliens à l'échelle nationale.

Une stratégie en deux temps pour l'Auvergne-Rhône-Alpes

En région Auvergne-Rhône-Alpes, qui bénéficie d'une mixité de toutes ces énergies, une stratégie en deux étapes se dessine : la première s'étend d'ici à 2035, puis la seconde de 2035 à 2050.

Si l'énergie nucléaire est clairement citée comme « une clé » de la décarbonation et de la transition énergétique du pays par RTE, les deux nouveaux EPR 2 qui doivent être construits à la centrale nucléaire du Bugey (Ain) ne seront pas opérationnels avant 2042, rappelle le délégué RTE.

Dans ce contexte, « tout énergie renouvelable est bonne à prendre, que ce soit un nouveau barrage hydraulique -une référence directe au projet Rhônergia, situé à quelques kilomètres du site du Bugey, ndlr-, l'éolien terrestre ou le développement des panneaux photovoltaïques ».

« Au-delà de 2035, le gouvernement doit prendre des décisions et a déjà commencé. La Région a été sélectionnée pour accueillir deux nouveaux EPR 2 - au Bugey (Ain), qui possède déjà une centrale, ndlr- », poursuit-il.

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Pour faire face à ces nouveaux flux, provenant des énergies renouvelables puis des nouveaux EPR, RTE prépare son réseau. « Il y a un enjeu de reconfiguration du réseau électrique pour s'adapter au nouveau mix énergétique, car le territoire va présenter des flux différents dans les années à venir avec l'arrivée d'encore plus d'énergie renouvelable », développe t-il.

Et poursuit : « On doit également rendre le réseau plus résilient au changement climatique car le transit sur les lignes électriques dépend de la température. Il faut aussi adapter nos postes de transformation à la gestion de davantage de crues. »

Avec un autre enjeu concernant les énergies renouvelables : leur stockage. L'occasion pour le délégué régional de préciser : « ce nouveau niveau mix énergétique va nécessiter de développer des flexibilités de consommation et de production dans les années à venir - que l'on va éclairer dans les mois à venir dans le cadre de nos rapports prospectifs » qui devraient être livrés à l'automne prochain. Mais déjà le représentant de RTE appelle à l'utilisation de l'application EcoWatt qui permet aux utilisateurs de connaître les horaires où la production est la plus décarbonée.

En adaptant son réseau, l'idée est d'en faire la colonne vertébrale de la transition énergétique.

Un enjeu pour la réindustrialisation

Esquissé à demi-mots au début de l'entretien, François Chaumont revient également sur le rôle primordial joué par l'électricité dans la décarbonation de l'industrie. Ce, dans un contexte de réindustrialisation que le gouvernement entend soutenir.

En tant que première région industrielle de France, comptant certaines usines parmi les plus émettrices de gaz à effet de serre dans l'Hexagone - Vicat, Lafarge ou encore Trimet - Auvergne-Rhône-Alpes est particulièrement concernée par la décarbonation. Une transformation qui passera aussi par la croissance des besoins en électricité.

À titre d'exemple, la Vallée de la Chimie, qui représente 25 % des émissions de gaz à effet de serre de la Métropole de Lyon, vise une réduction de 40 % de ses émissions entre 2015 et 2030.

« Pour accompagner les industriels, nous projetons d'implanter un nouveau poste électrique de 225 000 volts alimenté depuis la commune de Mions (Rhône) », détaille ainsi le délégué RTE.

Un projet, prévu à l'horizon 2028, dont l'enveloppe s'élève à 100 millions d'euros. Celui-ci répondra notamment aux besoins des entreprises Domo Chemicals et EDF afin  d'alimenter en électricité leur projet d'électrolyseur HyDOM, visant à capter l'hydrogène contenu dans l'eau, afin de l'utiliser dans la production d'ammoniac.

Un besoin qui se couple à ceux des entreprises électro-intensives, c'est-à-dire dont la consommation représente une charge très importante, notamment si on la rapporte à la valeur ajoutée. Ce qui est le cas de nombreuses sociétés dans les secteurs de la cimenterie et de la métallurgie.

Un milliard d'euros d'investissement sur quatre ans

Pour mener à bien l'ensemble de ces travaux, RTE annonce une enveloppe d'un milliard d'euros d'investissement sur quatre ans en Auvergne-Rhône-Alpes.

Afin de « développer le réseau avec les pays voisins - nous avons mis en service l'année dernière une nouvelle liaison d'interconnexion France-Italie, qui permet d'augmenter de 40 % les échanges entre les deux pays ». Cette liaison en courant continu de 190 kilomètres passe par le tunnel du Fréjus.

Le tout, pour un budget d'un milliard d'euros divisé en deux entre la France et l'Italie, dont la charge revient entièrement à RTE pour la partie française.

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Pour mener à bien tous ces chantiers, RTE a déjà doublé ses recrutements l'an dernier pour en réaliser 800 à l'échelle du territoire. Une stratégie qui se dessine également en Auvergne-Rhône-Alpes avec une centaine de recrutements en 2023 et autant prévus en 2024, contre une cinquantaine seulement en 2022.

De nouvelles recrues qui passeront par le « Campus Transfo », qui accueille et forme tous les nouveaux arrivants à Jonage (Rhône) et regroupe un pôle de spécialistes sur le courant continu.

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Commentaire 1
à écrit le 06/06/2024 à 20:01
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"neutralité carbone que l'Hexagone doit atteindre d’ici à 2050" sachant que si l'on pouvait (impossible. Les estimations disent, qu'au maximum on pourra avoir 10% de la conso nationale) produire autant de gaz en bio qu'on n'en importe de fossile, on ...

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