Énergie : l’expérimentation des hydroliennes dans le Rhône monte en puissance

Cet automne, trois nouveaux modèles de l'hydrolienne biomimétique de l'entreprise EEL-Energy seront placées dans le lit du Rhône, sur la commune de Caluire-et-Cuire, en amont de Lyon (Rhône). Elles s'ajouteront au premier prototype en fonctionnement depuis juin, modelé sur les mouvements d'ondulation des poissons, pour une petite production électrique totale de 400 mégawatts par an. Si ce modèle reste expérimental sur le Rhône, le secteur hydrolien entend creuser sa place en mer et s'exporter dans des pays jusqu'ici peu producteurs d'électricité. Décryptage
Un premier modèle de l'hydrolienne conçue et produite par EEL-Energy a été immergé dans le Rhône en juin 2023, à hauteur de Caluire-et-Cuire, en amont de Lyon (Rhône).
Un premier modèle de l'hydrolienne conçue et produite par EEL-Energy a été immergé dans le Rhône en juin 2023, à hauteur de Caluire-et-Cuire, en amont de Lyon (Rhône). (Crédits : Voies Navigables de France)

Cet automne, elle seront fièrement installées dans le lit du Rhône, sous un bouillon de sept mètres d'eau. Les trois nouveaux modèles de l'hydrolienne EEL-Energy (groupe Frisquet, Dassault Systèmes et Franck Sylvain), dont une première a été installée au mois de juin 2023, rejoindront le fleuve cet automne à hauteur de Caluire-et-Cuire, en amont de Lyon (Rhône). Une exploitation qui entre dans le cadre d'une concession du réseau Voies navigables de France (VNF) d'environ quinze ans. Si l'objectif de cette petite unité de production de 400 mégawatts (MW) par an consiste d'abord à tester cette technologie - l'hydrolienne biomimétique s'inspire du mouvement d'ondulation des poissons - il s'agit aussi de préparer et justifier le sens de son déploiement industriel.

Hydrolienne EEL-Energy

Producteur de longue date d'une énergie renouvelable, l'hydrolien trouve en effet ses principaux viviers en mer et dans certains grands fleuves. Sélectionné pour l'expérimentation, le Rhône n'est pour autant pas très opérable. Ses débits et la vitesse de ses courants sont certes importants - la technologie s'avère intéressante à partir de deux à trois mètres d'eau par seconde - mais ses nombreuses activités de navigation l'empêchent d'accéder au rang de grand producteur d'électricité hydrolienne. De la même façon, « très peu de sites réunissent les critères de vitesse de courants suffisants, analyse Cécile Cohas, responsable de mission recherche & innovation pour VNF et référente des sujets de transition énergétique. Ils sont de l'ordre de quatre ou cinq dans l'Hexagone, et encore moins pour ceux qui ne sont pas navigables ».

Le Rhône, terrain d'expérimentation

Sans conflit d'usage entre la navigation et la production, le site de Caluire-et-Cuire, en pente, reste intéressant pour l'expérimentation. « Sur le reste du réseau, les vitesses de courant sont certes importantes, mais se situent dans les principaux chenaux, sur le parcours de nombreux bateaux ». L'équipe s'en est aujourd'hui résolue : « notre site de Caluire possède vraiment une visée expérimentale, plus qu'un site de production d'électricité pour les riverains ».

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Ce n'est pas la première fois que le Rhône sert de terrain d'expérimentation. Déjà en 2018, quatre hydroliennes de la société HydroQuest ont été immergées à des fins prospectives. Un projet de ferme pilote de 30 machines était également testée plus en amont, sous le barrage de Génissiat (Ain), avec la Compagnie nationale du Rhône. Les deux ont respectivement pris fin en 2022 et 2019, faute d'une production suffisante. Pour le deuxième, les entreprises indiquaient alors dans un communiqué que « malgré son arrêt, ce projet constitue une nouvelle étape du développement de la filière hydrolienne française (...) Cette décision ne remet en aucun cas en cause la technologie des hydroliennes fluviales, qui connaît par ailleurs un développement prometteur, en France et à l'international, et dont la version marine prouve actuellement ses performances au large des côtes bretonnes.»

Un développement parallèle entre l'hydrolien fluvial et maritime

Depuis, HydroQuest poursuit ses ambitions, notamment sur l'hydrolien en mer avec son projet FlowWatt, porté avec les Constructions Mécaniques de Normandie, situées à Cherbourg-en-Cotentin (Manche). Après plusieurs années d'incertitudes sur la future place de l'hydrolien dans le choix du mix énergétique français, l'entreprise a reçu un important soutien de l'Etat en juin 2023, à hauteur de 65 millions d'euros, pour son projet de sept turbines qui pourraient produire dès 2026 de l'électricité dans le courant du raz Blanchard, au large de La Hague (Manche) et de l'île anglo-normande d'Aurigny. Le potentiel marin français, concentré entre le raz Blanchard et le passage du Fromveur, entre l'archipel de Molène et l'île Ouessant (Finistère), est estimé entre 3 et 5 GW.

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EEL-Energy n'est pas en reste et cherche à lever 15 millions d'euros pour le développement de son hydrolienne marine. Si la startup ne génère pour l'instant aucun chiffre d'affaires, elle en espère « plusieurs centaines de millions d'euros à terme », observait son fondateur, Franck Sylvain, à La Tribune en juin dernier.

« Pour l'instant, ce qui peut être intéressant, c'est de rapprocher le sujet de l'hydrolien fluvial de l'hydrolien maritime en se disant que les deux se complètent », observe Cécile Cohas. L'analyste voit un sens dans le développement de cette technologie à l'étranger, citant les fleuves Congo et Amazone : « Cette technologie pourrait s'avérer très intéressante dans certains pays en Afrique, mais aussi en Amérique du Sud, où les fleuves ne sont que très peu aménagés et où le besoin d'électricité est fort. C'était d'ailleurs l'un des objectifs d'HydroQuest, et ça l'est aussi pour EEL-Energy ».

« La ville n'est pas uniquement consommatrice, elle peut aussi être productrice d'énergie »

Près de Lyon, entre Villeurbanne et Caluire-et-Cuire, à deux pas du Parc de la tête d'or, EEL-Energy entend générer les premiers revenus de la vente de l'électricité de ses quatre hydroliennes d'ici à la fin de l'année. Basculées sur le réseau, elles alimenteront une centaine de foyers. Là aussi, si un déploiement métropolitain n'est pour l'instant pas à l'ordre du jour, l'idée d'une « production ultra-locale d'énergie » peut quand même faire sens selon Cécile Cohas : « il s'agit, certes, d'une micro production, mais elle pourrait s'avérer intéressante à étudier. Nos villes sont très peu équipées de centrales de production d'énergie, alors qu'il y a plein de choses à faire avec le vent, avec le courant ou le solaire, pour de l'autoconsommation par exemple. La mise en place de ces hydroliennes a initié un fort engouement. Celui de se rendre compte que la ville n'est pas uniquement consommatrice, elle peut aussi être productrice d'énergie ».

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