La santé individuelle, une question de collectif

Les Assises régionales de la Santé, qui viennent de se tenir à Lyon, ont illustré la volonté de la région Auvergne-Rhône-Alpes de faire de la santé des administrés une priorité. Elus et professionnels du soin ont détaillé les bonnes pratiques et les initiatives prises. Avec en filigrane, trois notions essentielles : le collaboratif, la créativité, le confort. Sans oublier les autres ambitions que sont la décarbonation des activités et la souveraineté, notamment en termes de production de médicaments.
(Crédits : Charles Pietri)

Organisée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes et l'Agence Auvergne-Rhône-Alpes Entreprises, la deuxième édition des Assises régionales de la santé - à laquelle 600 personnes s'étaient inscrites pour deux demi-journées ainsi que 35 entreprises exposantes - aura montré que tous les défis, dont les problèmes d'accès aux soins, de même que des enjeux connexes - décarbonation des activités industrielles et souveraineté en matière de production de médicaments - pouvaient être relevés avec succès. Et les secrets que la région Auvergne-Rhône-Alpes a bien voulu partager pourraient évidemment s'appliquer ailleurs !

Une politique régionale ambitieuse

Parmi ces secrets, le collectif. Laurence Fautra, vice-présidente de la Région et déléguée à la santé, l'a rappelé d'entrée de jeu. « Dès 2016, la région a adopté une politique ambitieuse en matière de santé et d'industrie de la santé sur son territoire », a-t-elle déclaré. Au-delà des fonds alloués pour inciter à l'installation de jeunes médecins, favoriser les stages étudiants dans les zones en difficulté et participer à l'achat d'équipements (scanners, IRM...) et au financement de 285 nouvelles maisons de santé, la priorité donnée à la santé par la Région et son Président, Laurent Wauquiez, impliquait d'abord d'embarquer tout le monde : élus et responsables locaux, directeurs et directrices d'établissements de soin, professionnels de la santé... Et face aux besoins d'accès aux soins, tous se sont engagés.

Avec d'abord, pour déjouer la fatalité, un changement de perspective, voire de vocabulaire. « Plutôt que de désert médical, je préfère parler d'une dynamique médicale qui est en marche », relève ainsi Sandrine Genest, vice-présidente du Département de l'Ardèche et déléguée à la santé. Avec le Cantal, l'Ardèche fait l'objet d'un programme pilote, dans le cadre du Groupement d'intérêt public (GIP) « Ma Région, Ma Santé » que l'Auvergne-Rhône-Alpes a lancé en 2022, malgré le fait que les régions n'ont, en théorie, aucune compétence en matière de santé...

« Lorsque Laurent Wauquiez nous a tendu la perche avec ce GIP, nous n'avons pas hésité ! », s'exclame d'ailleurs Marie-Hélène Roquette, vice-présidente du Département du Cantal et déléguée à la santé. Le but est de favoriser l'installation de médecins dans des zones touchées par la désertification médicale en les salariant. Et la créativité est à l'honneur. « Ce que nous voulons, ce sont des installations pérennes », précise Sandrine Genest. De fait, si le ou la médecin souhaite, comme cela a été le cas, travailler d'une part dans un centre de santé, mais de l'autre, pratiquer également en Ehpad ou en pédiatrie dans un hôpital, le GIP offre cette possibilité à ces médecins salariés. Il suffit de se parler...

« Nous avons une approche collaborative de la santé, relève à cet égard Vanessa Potacsek, médecin généraliste et présidente de la communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) des coteaux du lyonnais. Il faut que tous se sentent bien accompagnés. » A Grigny, un incubateur de santé solidaire a même été lancé, une première en France, dans le but de favoriser l'intégration de jeunes médecins. Résultat, un peu partout sur le territoire de l'Auvergne-Rhône-Alpes, généralistes, spécialistes, pharmaciens, dentistes, kinésithérapeutes, psychologues... ont été attirés. D'autant que les praticiens rechignent de plus en plus à s'installer seuls. Comment feraient-ils en effet pour s'assurer que leurs patients  se procurent les médicaments prescrits ou les référer à des spécialistes sans l'infrastructure adéquate ? Un confort supplémentaire, sans oublier les efforts des acteurs locaux pour trouver un logement aux personnels de soin, favoriser l'emploi des conjoints ou conjointes, inscrire les enfants à l'école...

L'élan est là

La dynamique dont parle Sandrine Genest est bien en marche. Ainsi, alors que grâce à l'action de la cellule santé du Département, elle espérait l'installation de neuf médecins en Ardèche, ce sont 23 nouveaux praticiens qui ont été accueillis... Un résultat positif que l'on retrouve aussi ailleurs.

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Initiatives mobiles

Si les élus font preuve de détermination et d'inventivité, les praticiens eux-mêmes ne sont pas en reste. Les Assises régionales de la Santé ont aussi mis en avant plusieurs initiatives, prometteuses, et qui pourraient, là aussi, être exportées - quand elles ne le sont pas déjà ! Ainsi, le professeur Sébastien Couraud, chef de service en pneumologie à l'hôpital Lyon Sud, a imaginé un dispositif mobile de dépistage des maladies respiratoires liées au tabac, dont le cancer du poumon, difficile à détecter et ensuite à traiter, le projet Mob'ILYAD. Un camion équipé d'un scanner embarqué va bientôt sillonner la région. Cinq, dans cinq pays d'Europe, serviront également à valider le concept. Mieux encore, Sébastien Couraud envisage de se faire aider par les postiers, qui doivent, malgré la baisse de volume de courrier, toujours passer. Ils pourraient ainsi faire remplir des questionnaires, afin de déterminer l'usage du tabac puis envoyer le document afin que les équipes du professeur Couraud interviennent dans la foulée pour un diagnostic.

Quant au Dr Anne Debost-Legrand, qui exerce au CHU de Clermont-Ferrand, l'unité de soins mobiles qu'elle pilote s'adresse aux femmes enceintes des communes rurales de l'Auvergne. Opti'soins se présente sous la forme d'un bus prévu pour réaliser des échographies, des examens sanguins,  des consultations... « Nous avons une forte hétérogénéité dans l'accès aux soins sur le territoire, décrit-elle. Et dans certains cas, cela prend à une femme au moins une demi-journée pour aller en consultation chez un obstétricien. Or nous notons aussi que les femmes les plus éloignées sont aussi celles qui rencontrent le plus de difficultés dans leur grossesse, avec une prise de poids excessive ou des risques de diabète... Il s'agit donc de garantir, par ce biais, l'accès aux soins pour toutes. »

Le Dr Fadi Jamal a, lui, lancé un nouveau concept de centre de cardiologie en 2019, fondé sur la délégation des tâches. Grâce à des outils numériques et surtout une équipe médicale coordonnée (cardiologue, assistant(e) médical(e), infirmier(e), infirmier(e) échographiste et infirmier(e)s en pratique avancée), le cardiologue se concentre uniquement sur son expertise médicale, le diagnostic et l'information du patient.
Un travail d'équipe qui induit un gain de temps se traduisant par la fluidité de la prise de rendez-vous. « Nous venons d'ouvrir un neuvième centre cette semaine, indique-t-il, et nous envisageons désormais en complément le projet de mobilité CardioPlus. » De fait, dans les Ehpad, en particulier, le cardiologue a noté que certains résidents renoncent à des soins, les déplacements pour y accéder leur paraissant trop lourds... Toujours dans les Ehpad, le Dr Eric Lenfant, de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) des Chirurgiens Dentistes, a constaté ce même renoncement aux soins. Ses projets SBDM-EHPAD pour le Puy-de-Dôme et GreenCAB (un cabinet semi-mobile en Ardèche) comptent bien y remédier.

Vision partagée

Des initiatives qui s'appuient en partie sur l'innovation technologique et surtout, sur la volonté des acteurs de la santé. Ils sont non seulement soutenus par les collectivités locales et la Région, mais aussi par les industriels. Ces derniers, également présents aux Assises, ont mis en lumière leurs propres ambitions, qui vont de l'implantation de nouvelles unités de production - ne serait-ce que pour renforcer la souveraineté du pays dans le domaine du médicament -, à la décarbonation de leurs activités (process, emballages...), en passant par la pédagogie, afin d'attirer le plus de talents possibles vers la santé à l'avenir. Dès aujourd'hui, il est clair que d'Aurillac à Lyon, d'Aubenas à Clermont-Ferrand, élus, professionnels du soin et industriels se sentent tous acteurs de la vision élaborée par la Région Auvergne-Rhône-Alpes.

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