Sobriété : pour Save Innovations, le combat commence (dès maintenant) par la détection des fuites d'eau potable

Détecter les fuites au sein des réseaux d'eau potable, à l'aide d'un ensemble de capteurs autonomes en énergie : si l'idée avait déjà son intérêt en 2020, la quête de sobriété dans laquelle s'est lancée la France donne au grenoblois Save Innovations un temps d'avance. Sa solution, Smart Picogen, qui vient d'être présentée au ministre de l'Environnement Christophe Béchu, est déjà en cours de déploiement au sein d'une dizaine de sites pilotes. La startup se prépare à bénéficier d'un grand coup d'accélérateur, pour une industrialisation prévue d'ici 18 mois, à destination des collectivités et de grands acteurs de l'eau (Veolia, Suez).
La jeune pousse grenobloise s'appuie sur son propre système de turbine autonome en énergie, breveté et développé en interne, pour alimenter une série de capteurs permettant de monitorer en temps réel les fuites et les polluants présents au sein des réseaux d'eau potable.
La jeune pousse grenobloise s'appuie sur son propre système de turbine autonome en énergie, breveté et développé en interne, pour alimenter une série de capteurs permettant de monitorer en temps réel les fuites et les polluants présents au sein des réseaux d'eau potable. (Crédits : DR)

Au cours des dernières semaines, l'enjeu de la gestion de la ressource en eau s'est progressivement imposé sur le devant de la scène, avec la sécheresse historique que l'Hexagone a rencontré depuis le printemps dernier et qui n'a pas épargné non plus la Région Auvergne Rhône-Alpes.

Jusqu'ici jugé comme assez technique, un sujet s'est même peu à peu invité au sein du débat politique, sur les lèvres du gouvernement comme de ses principaux opposants politiques : celui des pertes, enregistrées chaque année, au sein du réseau d'eau potable français.

Selon les dernières estimations, ce seraient ainsi près d'un milliard de mètre cube par an, soit 20% de l'acheminement en eau potable, qui se perdraient chaque année au sein des réseaux d'eau potable en raison de fuites diverses, mal ou non détectées, pour une enveloppe évaluée à 3,5 milliards d'euros.

A l'heure où le gouvernement s'est lancé dans une quête à la sobriété énergétique et dans une préservation de ses ressources, la startup grenobloise, Save Innovations, a retenu l'attention du ministre de l'environnement Christophe Béchu, lors d'une visite en Isère.

"Nous avions été sélectionnés par le préfet à la relance de l'Isère afin que notre solution soit présentée au ministre de l'environnement, qui recherchait lui-même à découvrir un panel de solutions développées par les acteurs du territoire afin de préserver les ressources naturelles", explique son fondateur, Olivier Salasca.

Un système de détection qui se veut autonome en énergie

Créée en 2012 avec, à l'origine, l'ambition de développer une turbine autonome en énergie, Save Innovations avait pris un temps d'avance en l'associant, dès 2020, à un système de capteurs. Objectif : détecter et mesurer les fuites mais également, l'apparition de différents polluants au sein des réseaux d'eau potables gérés par les collectivités et grands acteurs de l'eau (Véolia, Suez, etc).

"Notre solution Smart Picogen permet de mesurer en effet différentes caractéristiques des réseaux d'eau (débit, pression), la qualité de l'eau (pH, température...), ainsi que différents polluants, à travers des données qu'elle collecte et transmet en temps réel, tout en produisant elle-même l'énergie nécessaire aux mesures et à la transmission", explique Olivier Salasca.

Une solution de détection qui ne nécessite donc ni pile, ni accord à une alimentation électrique : "c'est un avantage de taille alors que le principal frein au déploiement des dispositifs connectés réside souvent dans leur alimentation en énergie".

De quoi sécuriser ainsi l'alimentation de ses capteurs, pouvant être installés sur des canalisations existantes lors des travaux de maintenance ou de création de réseaux. Placés à différents points du réseau d'eau, ils permettraient ainsi de monitorer des tronçons, tous les 1 à 10 kilomètres.

"Depuis la sécheresse que l'on a rencontrée, et même presque découverte cet été, on constate désormais un réel intérêt des politiques, face à une problématique devenue majeure pour l'accès et la préservation des ressources en eau. C'est un sujet sur lequel nous travaillons depuis une dizaine d'années, et nous observons clairement une forme d'évangélisation et de prise de conscience, même s'il a fallu un peu de temps pour que ce sujet monte au plus haut de l'État", note Olivier Salasca.

Un coup de pub qui accélère son industrialisation

Si la visite ministérielle ne s'est pas encore traduite par des annonces concrètes pour la startup Save Innovations -qui avait déjà bénéficié par ailleurs d'une enveloppe France relance de 100.000 euros pour appuyer ses développements technologiques-, elle lui a d'abord donné "un fort coup de pub", qui pourrait désormais lui servir à passer l'étape suivante.

Car maintenant que l'intérêt pour sa solution est bel et bien confirmé par les besoins actuels autour de la sobriété énergétique, tout son travail va être de passer du stade du pilote à celui de l'industrialisation de sa technologie.

Jusqu'ici, son système développé en 2020 venait d'être installé sur quelques dizaines de sites pilotes en France, dont en Région Auvergne Rhône-Alpes. "Nous travaillons avec différents clients, qui peuvent être des collectivités, des syndicats gérant des réseaux d'eau, des régies, ou encore de grands donneurs d'ordres comme Veolia ou Suez", explique Olivier Salasca.

Pour cela, elle se donne désormais 18 mois au maximum, avec l'ambition de produire "plusieurs milliers à dizaines de milliers" de ses dispositifs connectés à terme (prix encore non communiqué). "Notre prochain challenge sera celui de l'industrialisation et de la commercialisation à grande échelle, et nous allons avoir besoin pour cela de financements".

Après avoir levé 3,5 millions d'euros en plusieurs campagnes de financements, principalement réalisées auprès de particuliers et de plateformes de crowdfunding -sans jamais avoir fait appel aux banques ou aux fonds d'investissements privés-, la startup vise désormais se rapprocher d'un industriel afin de l'accompagner dans cette nouvelle phase.

"Compte-tenu de notre mise en lumière, nous avons effectivement déjà plusieurs pistes concernant des partenaires potentiels", confirme le dirigeant, qui vise les 90 millions d'euros de chiffre d'affaires d'ici 2027, avec un développement qui le conduirait à passer d'une dizaine à une centaine de salariés sur la même période.

Sécuriser ses approvisionnement avec les grands de la microélectronique

En parallèle, Save Innovations a déjà travaillé à sécuriser un tissu de sous-traitants à l'échelle régionale et nationale, tandis qu'elle assemblera ses dispositifs en interne, sur son banc d'essais situé en banlieue grenobloise, à Seyssins.

Et alors que la pénurie de semi-conducteurs freine le développement de différentes industries dans l'automobile, la jeune pousse peut se targuer de bénéficier d'une bonne implantation au sein de l'écosystème grenoblois, où elle a déjà entamé des discussions avec le fournisseur STMicroelectronics. "A ce titre, les enveloppes d'investissements pour renforcer la production des puces électroniques à Crolles sont une bonne nouvelle", confirme le fondateur de Save Innovations.

Et bien qu'elle vise en premier lieu les collectivités et acteurs des réseaux d'eau, la jeune pousse grenobloise voit déjà, dans le discours du gouvernement, un nouveau débouché : celui des industriels qui auront également besoin à l'avenir, de mieux maîtriser leurs ressources en eau pour atteindre les économies d'énergie demandées.

A ce titre, la directive émise par la Commission européenne fin 2020, prévoyant que les pays membres puissent répondre dès 2022 à une "obligation de moyens" en vue d'améliorer la gestion de les réseaux d'eau potable, constitue à ce titre une incitation de plus à agir selon Save Innovations, et un gage de plus vers le développement de ses marchés.

"Même s'il existe une grande hétérogénéité entre les différents pays membres, la Commission européenne parle clairement d'améliorer la question des fuites sur les réseaux, tout en monitorant la qualité de l'eau potable au sein des pays membres. C'est une chance pour nous, car nous nous sommes basés justement sur les sept paramètres évoqués par Bruxelles pour conduire nos propres mesures".

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