« Territoires d'industrie » : un tiers de logements seront manquants pour répondre à la demande en Auvergne-Rhône-Alpes

Maître mot des mandats d'Emmanuel Macron, la réindustrialisation s'appuie sur de nombreux plans pour faire refleurir dans les territoires usines et emplois. Une ambition qui doit se conjuguer avec un marché immobilier pour le moins compliqué, où les constructions sont à la peine. Assez en tout cas pour pousser la Fédération française du bâtiment (FFB) à s'interroger sur les conséquences qu'une pénurie de logement pourrait avoir sur cette politique. Et qui l'a poussé, avec l’Observatoire régional de la filière construction (CERC), a développer un outil pour aider élus et promoteurs à mieux appréhender ces enjeux dans les 25 Territoires d'Industrie de la région Auvergne-Rhône-Alpes, et prendre les mesures nécessaires.
Vichy fait partie des 25 Territoires d'Industrie sélectionnés en novembre 2023. Sur les 25 choisis, 14 risquent de faire face à une pénurie de logements dans les années à venir pour accueillir les nouveaux arrivants liés à la création de nouveaux emplois et la croissance démographique.
Vichy fait partie des 25 Territoires d'Industrie sélectionnés en novembre 2023. Sur les 25 choisis, 14 risquent de faire face à une pénurie de logements dans les années à venir pour accueillir les nouveaux arrivants liés à la création de nouveaux emplois et la croissance démographique. (Crédits : DR)

Englué dans une crise qui n'en finit pas, le secteur immobilier a battu un triste record en mars dernier avec 358.600 logements autorisés à la construction, le niveau le plus bas depuis 1992, selon la Fédération française du bâtiment. Une situation qui inquiète les entreprises du secteur et pourrait bien affecter la stratégie de réindustrialisation de la France. Car le développement ou le redéploiement de projets industriels sur certains sites engendrera la création d'emplois et l'arrivée de nouveaux employés qu'il faudra loger. Or, nombreuses sont les communes qui accusent déjà un déficit et un marché extrêmement tendu, à l'instar de Bourg-en-Bresse (Ain).

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Un enjeu sur lequel la Fédération française du bâtiment en Auvergne Rhône Alpes a décidé de se pencher. Car, comme le rappelle Samuel Minot, son président : « En 2023, 73 projets de réindustrialisation ont été menés avec la création de 6.000 emplois. Il s'agit de la première région française pour la réindustrialisation, qui comptabilise 48% des projets de relocalisation nationale. » Auxquels vont venir s'ajouter les nouveaux projets issus de l'appel à manifestation d'intérêt lancé par l'Agence nationale de la cohésion des territoires, Territoires d'Industrie, annoncés en novembre dernier.

En Auvergne Rhône-Alpes, ce programme national s'était traduit par l'annonce de 25 lauréats, et qui visent à mener des projets ambitieux de réindustrialisation sur la période 2023-2027. Or, il existe « un lien très fort entre l'emploi et le logement ».

18.200 emplois générés par la réindustrialisation

Une réalité qui a poussé la filière du bâtiment à s'interroger sur « sa responsabilité pour faire réussir ces projets de réindustrialisation. » Pour trouver la réponse, l'organisation a demandé à l'Observatoire régional de la filière construction (CERC) de mener une étude sur le sujet. Un travail qui a permis la création d'un outil de lecture des besoins en logement dans chacun des 25 Territoires d'Industrie, désignés en Auvergne-Rhône-Alpes.

« Nous avons voulu cerner un besoin en logements avec des hypothèses cernables et quantifiables. Nous avons associé le besoin organique en logement, en y ajoutant un effet de réindustrialisation et l'arrivée de nouveaux salariés dans les 25 territoires. Nous nous sommes appuyés sur une méthodologie officielle » , résume Laurence Herbeaux, directrice de la CERC AuRA.

Pour la seule partie « effet de la réindustrialisation », les équipes du CERC ont épluché les dossiers des candidats à l'appel à manifestation d'intérêt (AMI) Territoires d'Industrie et échangé avec chaque territoire afin d'obtenir une estimation au plus proche des besoins réels.

Résultat : 18.200 emplois seront à pourvoir dans les 25 territoires concernés d'ici à 2027. Et ce, du seul fait des projets de réindustrialisation déjà identifiés. Le tout, avec une répartition inégale des volumes. Ainsi, Valence Romans Agglomération (Drôme) devrait enregistrer près de 1.900 emplois contre une centaine pour le pays d'Evian, Vallée de l'Abondance (Haute-Savoie).

A noter que ces emplois ne se traduiront pas tous par l'arrivée de nouveaux habitants dans ces communes. Car, en raison de leur histoire industrielle, certains territoires possèdent déjà un vivier de candidats compétents susceptibles de répondre aux postes à pourvoir. Sans compter la possibilité de former des demandeurs d'emploi ou des personnes qui souhaitent se reconvertir. Ce qui rend, au final, difficile l'évaluation exacte des besoins en logement issue de la seule réindustrialisation.

Un tiers de logements neufs sont actuellement manquants

A cela, plusieurs critères ont été ajoutés pour appréhender les besoins globaux en logement, à savoir : le renouvellement du parc, le desserrement des ménages, la variation du parc secondaire, occasionnel ou vacant ainsi que l'évolution démographique.

Ce dernier critère étant sensible à prédire, le CERC a modélisé deux scénarios : un modéré et un dynamique avec une modulation opérée sur la croissance démographique. A Bourg-en-Bresse (Ain) par exemple, les besoins en logements liés à la croissance démographique devraient varier entre 4.770 et 6.350 logements.

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L'agrégation de ces données a permis d'estimer les besoins globaux en logements des 25 Territoires d'Industrie « entre 450.000 et 500.000 nouveaux logements entre 2020 et 2030, soit 45.000 nouveaux logements à construire par an », révèle Samuel Minot. Et ce « alors que le rythme est plutôt autour de 36.000 logements. Soit quasiment un tiers de manque à prévoir ».

Ces résultats ont ensuite étaient mis en regard de la construction actuelle neuve, afin d'évaluer les écarts sur chaque territoire et les risques de logements manquants.

Au total, « 14 territoires sont particulièrement en tension, dont 12 l'étaient déjà hors réindustrialisation, sept vont devoir maintenir le niveau de construction et quatre sont équipés pour répondre à la demande » , pointe Perrine Billard, adjointe à directrice CERC AuRA. Ces derniers sont situés dans l'Ain et en Haute Savoie : Grand Annecy, Rumilly Usses et Rhône, Pays d'Evian, vallée d'Abondance et Pays de Gex, Genevois, Pays de Bellegardien.

Un outil d'aide à la prise de décision

Forte de ces données, la CERC a développé un outil pour donner aux acteurs du bâtiment mais aussi aux élus, des clés de compréhension.

Disponible gratuitement, celui-ci contient d'autres informations indirectement liées au logement comme les déplacements domicile-travail ou encore le taux de chômage. L'objectif étant qu'il serve de base de réflexion à de futurs projets immobiliers mais aussi, à des stratégies et des politiques de logement.

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Il faut que « le plus grand nombre puisse avoir accès à ces éléments d'analyse : bailleurs sociaux, élus, etc », insiste Samuel Minot qui annonce l'avoir déjà présenté à la préfète de Région, Fabienne Buccio. Très intéressée selon le président de la FFB, celle-ci « travaillerait actuellement avec le secteur pour développer des clés afin de libérer le marché de la construction ».

Et ce, afin de leur donner des clés concrètes pour que la demande en logement suive celle des embauches au sein des territoires identifiés. Avec quelques pistes évoquées : l'allègement du PLU et de certaines procédures, l'amélioration de la rapidité d'instruction des dossiers ou encore la limitation des recours contre les permis de construire.

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Commentaire 1
à écrit le 08/05/2024 à 19:24
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"Un tiers", sujet, nom masculin, singulier. "De logements", complément du nom. Un tiers de logements SERA manquant... On veut faire passer aux étrangers des tests de français, mais il n'y a pas qu'eux qui devraient en passer. ..

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