Automobile : Materi'Act (Forvia) veut accélérer sur la fourniture de matériaux biosourcés

Créée il y a un an, Materi'Act, filiale du groupe Forvia (prestataire de Renault, Stallantis), a inauguré son pôle R&D dans la métropole de Lyon, à Villeurbanne. L'entreprise, spécialisée dans la conception, le développement et l'industrialisation d'équipements à partir de matériaux recyclés et biosourcés (chanvre, feuilles d'ananas), entend accompagner la transition écologique du secteur. Dans le viseur de la maison mère, qui en profite pour diversifier ses activités : proposer des produits totalement biosourcés et jusqu'à 85 % moins carbonés en 2030.
Materi'Act, filiale de Forvia, a inauguré son pôle R&D à Villeurbanne (Rhône) en novembre 2023.
Materi'Act, filiale de Forvia, a inauguré son pôle R&D à Villeurbanne (Rhône) en novembre 2023. (Crédits : Materi'Act)

Comment l'industrie automobile tente-t-elle, peu à peu, de se défaire du plastique, donc du pétrole ? Si certaines réponses ne sont encore qu'émergentes, quand d'autres apparaissent déjà sur le marché, qui se transforme, la plupart des constructeurs et des équipementiers affirment chercher des modèles plus vertueux - en tout cas moins polluants.

Lire aussiAutomobile : pourquoi l'utilisation de pièces recyclées est encore faible

C'est la volonté affichée par la société Materi'Act, créée il y a un an. Cette filiale du groupe Forvia (ex-Faurecia, 7e équipementier automobile mondial), qui vient d'inaugurer son pôle R&D et nouveau siège social sur le campus de La Doua à Villeurbanne (Rhône), pour un investissement de 25 millions d'euros, investigue à ce titre la question des matériaux biosourcés, à savoir des matières organiques, naturelles, issues des déchets de certaines filières, mais aussi des plastiques recyclés, afin de réduire l'empreinte carbone du secteur. Il représente en effet (propulsion majoritaire) la moitié des 30 % d'émissions de gaz à effet de serre attribuables aux transports en France.

Lire aussiForvia, Valeo, Plastic Omnium... Face à l'inflation, les équipementiers automobiles s'en sortent bien

Aujourd'hui, Forvia utilise 337.000 tonnes de plastique par an pour la fabrication des équipements automobiles dans ses quelque 290 usines dans le monde. Le groupe doit ainsi s'engager dans une vaste décarbonation de ses activités. Pour cela, il mise sur de nouvelles filières, recyclées ou organiques, en cours de structuration et qui font elles-mêmes face à des enjeux de sécurisation des approvisionnements.

En effet, pourquoi ne pas réemployer les matières issues directement de la filière automobile ? L'Union européenne impose à ce titre un taux de recyclabilité de 95% des voitures depuis 2015. Or, la plupart des déchets extraits des anciens véhicules sont aujourd'hui utilisés pour produire de l'énergie, ou sont même perdus, aux plus offrants à l'étranger, comme nous l'écrivions en décembre 2022. Selon Plastic Omnium, alors interrogé par La Tribune, seuls 35 % des matériaux partent vers une filière de recyclage, dont seulement une partie vers le secteur automobile.

Reprise du portefeuille de NAFILean

Pour Patrick Koller, directeur général de Forvia, il faut désormais aller « à grande vitesse », en créant des filières biosourcées aux reins solides pour engager la transformation du secteur avec la demande de véhicules électriques et, dans un avenir plus lointain, à hydrogène. C'est dans ce sens qu'a été lancé Materi'Act, en héritant du portefeuille de la gamme de produits issus de la biomasse développée par Forvia depuis dix ans, NAFILean, représentant déjà 9 millions de véhicules en circulation.

« Nous capitalisons aujourd'hui sur ces dix années d'expérience, retrace Felix Alby, Directeur Finances & Stratégie de la nouvelle sociétéMateri'Act est aujourd'hui le bras armé de l'accompagnement de la décarbonation de Forvia, en plus de répondre à une demande explicite de ses clients. Par exemple, Stellantis annonce l'atteinte du net zéro carbone d'ici à 2038. Pour les autres constructeurs, cela s'accélérera jusqu'en 2050 ». 

Jusqu'alors, cette gamme d'équipements pour habitacles (portières, tableaux de bord, consoles) s'adressait à une vingtaine de marques clientes, dont Renault, Land Rover, Jaguar ou encore Stellantis. L'idée, comme la plupart des équipementiers du marché aujourd'hui, était de proposer des matériaux en partie biosourcés, permettant de réduire de 20 à 35 % les émissions de CO2 des produits par rapport à des équipements conventionnels en plastique neuf. Le groupe déclare vouloir monter en puissance, à la fois en créant de nouvelles filières, et en renforçant l'approvisionnement en ressources . C'est notamment le cas des déchets recyclés. Un contrat a d'ailleurs été signé avec Veolia en Europe pour la fourniture de plastiques issus des déchets ménagers.

« Nous travaillons avec l'intégralité des constructeurs. Renault est engagé dans la démarche. Et de nombreux clients de Forvia, comme BMW, Volvo, Stellantis, y sont sensibles », remarque Felix Alby pour Materi'Act.

Une combinaison de matériaux, en partie biosourcés

D'ici à la fin de la décennie, la jeune entreprise souhaite proposer des produits « jusqu'à 85 % » moins carbonés par rapport au marché. Et entièrement biosourcés, sans plastique neuf. Une marche très haute à gravir, et à corréler à la diminution du poids des équipements. La place des fibres naturelles, mélangées à des plastiques recyclés, serait alors renforcée. Notamment celle du chanvre, « moins consommateur d'eau que d'autres végétaux », répondait lundi un responsable. Pour cela, la filiale s'appuie sur une ligne de traitement du chanvre située à Dijon, avec la coopérative agricole Interval, représentant 10.000 t de matière produite par an. Malgré tout, il s'agit désormais de multiplier les approvisionnements pour les sécuriser. D'autant que les quantités nécessaires sont considérables.

« Nous construisons, par exemple avec Veolia, l'accès à cette ressource, pour assurer à nos clients finaux les volumes nécessaires. L'intérêt de notre travail, c'est que les sources de feed stock, à savoir les déchets, soient suffisantes et protégées. Les quantités vont augmenter en fonction du positionnement de nos clients et du développement de nos produits », ajoute Felix Alby.

Lire aussiAutomobile : pourquoi l'utilisation de pièces recyclées est encore faible

R&D sur les revêtements et le carbone, vers l'hydrogène

Une autre partie concerne la recherche et développement, d'abord à destination des revêtements : l'entreprise travaille notamment sur un similicuir conçu à partir des déchets de fibres d'ananas, fournis par Ananas Anam aux Philippines, au Bangladesh et en Côte d'Ivoire, à destination de différents points de production sur chaque continent. Materi'Act espère une mise en production dans les deux prochaines années.

« La particularité de notre business, sa force, c'est sa complexité technique. Nos matériaux doivent supporter des températures allant de -40 à 70 degrés, sans perdre leurs caractéristiques techniques et de sécurité. Par exemple, l'airbag doit pouvoir s'enclencher en cas d'accident, sans que la température n'ait affecté la qualité et la structure des matériaux ».

Lire aussiAutomobile: Forvia (Faurecia) promet l'hydrogène moins cher que la voiture à batterie en 2030

À un horizon plus lointain, cette fois, la filiale planche également sur les fibres de carbone utilisées pour les équipements mécaniques, dont les propriétés sont aujourd'hui indispensables, selon l'entreprise, au fonctionnement de la propulsion à hydrogène. Aujourd'hui, la fabrication d'un kilogramme de fibre de carbone coûte 30 kg de CO2 émis. Il s'agit de réduire la facture carbone. D'autant que l'hydrogène monte en puisse. Forvia est d'ailleurs entré au capital (avec Michelin et Stellantis) de Symbio, co-entreprise basée à Vénissieux et spécialisée dans la fabrication de piles à hydrogène.

Une croissance de 2 milliards d'euros attendue en 2030

Enfin, cette entrée au capital constitue également un argument stratégique pour Forvia : la diversification de ses activités, à l'heure où les ventes de voitures, et donc d'équipements, sont à la peine en Europe. Pour autant, le groupe, qui réalisait 20 % de son chiffre d'affaire 2022 en Chine comme nous l'écrivions, maintenait une croissance positive de ses revenus l'année dernière, notamment en amorçant un virage vers l'électrique, représentant une croissance de 43 % de ce secteur par rapport à 2022.

Materi'Act, elle, s'adressera non seulement au milieu de l'automobile, mais aussi à d'autres secteurs, comme celui de la construction. La jeune entreprise espère un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros à la fin de la décennie, et passer de 120 à 400 collaborateurs, dont 40 % de chercheurs.

À Lyon, enfin, l'agence de développement économique du territoire, l'Aderly, a par ailleurs obtenu un prix dans la catégorie transition énergétique, délivré par l'ONU lors du dernier sommet mondial des agences de développement, à Abu Dhabi (Émirats arabes unis). Une reconnaissance hautement symbolique, délivrée pour l'accompagnement de l'agence dans l'implantation de Materi'Act.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.