Cantines scolaires : proposer des produits locaux et bio ne coûte pas forcément plus cher

Dans la commune de Brousse dans le Puy-de-Dôme, la cantine sert des produits locaux et bio à la centaine d’élèves du regroupement pédagogique. Sans surcoût pour la municipalité ou les familles. Une initiative qui intéresse d’autres collectivités alors que la loi Egalim impose depuis le 1er janvier 2022 un approvisionnement de 50% de produits durables et de qualité dans la restauration collective.
Dans la commune de Brousse, les enfants mangent des lentilles produites à 15 kilomètres de la cantine et du veau issu d'un élevage situé à moins de 20 kilomètres.
Dans la commune de Brousse, les enfants mangent des lentilles produites à 15 kilomètres de la cantine et du veau issu d'un élevage situé à moins de 20 kilomètres. (Crédits : Stéphane Bellanger)

La réflexion a débuté en 2016. Mais elles ont sauté le pas en 2020. Trois communes du Livradois, - Saint-Jean-des-Ollières, Sugères et Brousse -, ont fait le pari de reprendre la main sur les repas des écoliers en misant sur le local et le bio. C'est Brousse, village rural de 300 habitants situé à quelques kilomètres d'Issoire, qui abrite la cuisine centrale dans un bâtiment municipal. Un investissement de 50.000 euros a été consenti pour les travaux. La cantine prépare aujourd'hui une centaine de repas pour les enfants du regroupement pédagogique intercommunal.

« Nous faisons de l'ultra local. 63% de marchandises proviennent d'un rayon de moins de 20km et 67% des produits sont issus de l'agriculture biologique. Quand nous servons un boeuf bourguignon aux enfants, le boeuf vient d'une exploitation située à Saint-Jean-des-Ollières, soit à 8km de la cuisine, et les carottes ont poussé chez un maraîcher de Sugères » explique Sébastien Dugnas, le maire de Brousse qui, lui-même exploitant agricole, fournit les pommes de terre.

Au total, une quinzaine de fournisseurs, producteurs locaux, sont impliqués dans le projet et livrent toutes les semaines la cuisine en produits frais.

« Il y a beaucoup d'interlocuteurs donc cela demande un gros travail d'organisation mais nous sommes fiers de faire travailler l'économie locale. Cela a aussi un rôle pédagogique. On apprend aux enfants l'importance de manger des produits locaux » poursuit l'édile.

Grâce à une délégation de service, deux cuisinières sont chargées de passer les commandes et de préparer les repas. Avec une ambition supplémentaire, que tout soit fait maison. Ici, aucun plat industriel ou transformé n'arrive dans les cuisines. Ce qui nécessite plus de travail et un fonctionnement spécifique.

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4,75 euros par repas

Côté budget, le coût de revient d'un repas n'a pas changé. La quantité n'a pas non plus baissé pour les enfants ni le tarif appliqué aux familles (entre 3,20 et 5 euros).

« Il y a deux ans, nous payions 4,50 euros par enfant à notre prestataire qui nous fournissait les repas. Nous sommes restés sur le même budget mais la différence c'est que nous nous approvisionnons en local et que la qualité s'est améliorée. Les économies sont faites sur le transport et sur l'absence de transformation. Il n'y a pas de marge des industriels » raconte le maire, qui précise quand même que le prix du repas est passé à 4,75 euros cette année pour prendre en compte l'inflation.

Selon l'Observatoire national de la restauration collective bio et durable, créé par Un Plus Bio, les collectivités qui proposent des repas bio à la cantine maîtrisent leur budget et n'ont pas subi de hausse significative de leur prix. Selon leur étude de 2022 faite sur un échantillon, à 36% de bio en moyenne, le coût moyen des denrées s'élève à 2,14 euros.

L'élu reconnaît cependant qu'il sera difficile d'aller plus loin dans l'approvisionnement en bio et local. Car il y a des freins intrinsèques au territoire.

« On pourrait aller jusqu'à 70% de local mais pas beaucoup plus car on ne trouve pas encore de clémentines ou d'oranges dans le Livradois. Si on veut proposer aux enfants une nourriture variée et équilibrée, on doit faire venir de plus loin certains produits. Ils ne peuvent pas manger des pommes et des poires tout le temps » fait valoir Sébastien Dugnas, qui dit réfléchir avec son conseil municipal à planter des fruitiers sur un terrain communal pour fournir la cantine en kiwis et fruits rouges par exemple. Des fruits qui coûtent aujourd'hui cher.

Marques d'intérêt d'autres communes

Et cette initiative de cantine locale séduit dans le Puy-de-Dôme. Sébastien Dugnas a rencontré des élus d'autres communes du département intéressés par la démarche comme à Lempdes, Cournon d'Auvergne ou Ambert. Il faut dire que loi Egalim impose depuis le 1er janvier 2022 à la restauration collective un taux d'approvisionnement de 50% de produits durables et de qualité (label rouge, IGP, AOC, écolabel pêche durable...), dont 20% de produits issus de l'agriculture biologique.

« Il y a une vraie volonté des collectivités de se fournir en produits locaux, de redonner du sens à leurs achats » remarque Maëlle Merle, conseillère restauration collective pour Bio63, association de producteurs bio dans le Puy-de-Dôme. « Mais pour certains, c'est plus difficile à mettre en place. Par exemple, les gros établissements sont soumis aux marchés publics. Ils n'ont pas le droit d'imposer des produits locaux à leurs fournisseurs ou prestataires. Ils n'ont pas beaucoup de souplesse. Pour les petites communes rurales, là le problème c'est qu'elles sont limitées dans le choix des fournisseurs à cause des faibles quantités dont elles ont besoin. Et puis, il faut trouver des producteurs qui puissent les livrer. Il y a des difficultés logistiques ».

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 Finalement, bon nombre de collectivités sont en retard par rapport aux objectifs fixés par la réglementation. Selon le site « ma cantine », plateforme gouvernementale, seulement 10% de l'alimentation servie dans les cantines était, en 2022, issue de l'agriculture biologique dans le Puy-de-Dôme. Au niveau national, ce n'est guère mieux, le taux monte à 13% selon les données déclaratives recueillies.

« Il y a une grosse marge de progression. Mais la loi Egalim et la création des projets alimentaires territoriaux (qui visent à relocaliser l'agriculture et l'alimentation dans les territoires en soutenant l'installation d'agriculteurs, les circuits courts ou les produits locaux NDLR) font bouger les choses », analyse Maëlle Merle, qui accompagne au quotidien les acteurs de la restauration collective.

Des communes sont aussi pionnières dans le département comme Loubeyrat qui propose des repas à 95% bio.

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