Côtes-du-Rhône : "Nous sommes les victimes collatérales d'un combat qui n'est pas le nôtre"

TAXE TRUMP. Feuille de route chargée pour Denis Guthmuller. Le nouveau président du Syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône, fraîchement élu, doit faire face aux conséquences de la crise sanitaire sur sa filière, mais également aux impacts de la taxe Trump, les États-Unis étant le premier marché d'export, en volume, des Côtes-du-Rhône. Et ce, alors que le deuxième vignoble de vins d'AOC français nourrit également des ambitions en matière de développement durable à impulser.
En pleine crise sanitaire qui pèse sur la commercialisation de la filière, le Syndicat des Côtes-du-Rhône devra également faire face aux enjeux de la taxe Trump, qui vient bousculer la part d'export de ses vins.
En pleine crise sanitaire qui pèse sur la commercialisation de la filière, le Syndicat des Côtes-du-Rhône devra également faire face aux enjeux de la taxe Trump, qui vient bousculer la part d'export de ses vins. (Crédits : DR)

Élu le 15 décembre, le nouveau président du Syndicat des vignerons du Côtes-du-Rhône, Denis Guthmuller démarre l'année 2021 avec des enjeux forts. En pleine crise sanitaire qui pèse sur la commercialisation de la filière, le nouveau président devra également faire face aux enjeux de la taxe Trump, qui vient bousculer la part d'export des Côtes du Rhône.

"On a plutôt performé à l'export et on a réussi à limiter les dégâts malgré la taxe Trump première génération. Avec l'élargissement de l'assiette en 2020, maintenant on est concernés à 100%."

Car depuis octobre 2019, l'administration Trump a appliqué une taxe douanière de 25% sur les vins français, espagnols et allemands de moins de 14 degrés. A partir du 12 janvier 2021, cette taxe s'est durcie et inclut aussi maintenant les vins et spiritueux de plus de 14 degrés. Cette décision intervient en représailles à la guerre commerciale que se livrent les géants de l'aéronautique Boeing et Airbus.

"Nous sommes les victimes collatérales d'un combat qui n'est pas le nôtre. Dans le contexte global compliqué, on n'avait pas besoin de ça", déplore Denis Guthmuller.

Les États-Unis étant le premier marché d'export, en volume, des Côtes-du-Rhône, cette taxe va voir un réel impact sur les ventes de certains producteurs. "En termes de valeur, on est sur le marché le plus valorisé et valorisant. C'est très sensible pour nous", ajoute le président du syndicat. Les vins exportés sont aussi ceux qui génèrent aussi le plus de marges. A titre d'exemple, "entre le marché américain et celui du Royaume-Uni, pour le même volume, il y a 30% d'écart de valeur."

La réponse des importateurs ne s'est pas faite attendre : "tout ne s'est pas arrêté mais le rythme des achats s'est ralenti." Ce sont eux qui s'acquittent de cette taxe, donc ils sont devenus forcément plus frileux sur l'achat de vins français. La filière craint aussi une concurrence faussée avec d'autres vins non taxés, comme les italiens, qui seront par conséquent moins cher pour les consommateurs américains.

Plus globalement, pour les vin de la Vallée du Rhône, le volume d'export vers les États-Unis a diminué de 17% en 2020.

Au niveau de l'interprofession Vallée du Rhône, l'organisme de référence, Inter Rhône, investissait beaucoup - environ un million d'euros depuis 2010 - pour développer le marché américain (évènements, marketing, médias, etc...). Aujourd'hui, ces investissements sont plutôt redirigés vers la France.

Mais seuls, le syndicat des Côtes-du-Rhône ou et l'interprofession n'ont aucun moyen d'action. C'est toute la filière viticole française qui doit se serrer les coudes et faire remonter ses difficultés aux politiques, en espérant que le nouveau gouvernement Biden revienne sur cette taxe.

Défendre et protéger le "deuxième vignoble de vins d'AOC français"

A la tête d'un syndicat qui représente des vignobles qui s'étendent sur six départements, trois régions et 171 communes, Denis Guthmuller, veut aussi renforcer le volet service du syndicat, ce qui implique notamment d'endosser un rôle de négociateur et de facilitateur d'accès aux aides du gouvernement dans le contexte crise sanitaire actuelle.

Car selon le dernier rapport d'activité du syndicat, daté de 2019, "avec 2.147.251 hectolitres produits en 2019 sur 54.435 hectares, les Côtes-du-Rhône sont le deuxième vignoble de vins d'AOC français." Selon le même rapport, en 2019, il y avait 3.598 déclarants de récoltes, 53 caves coopératives et 812 caves particulières en Côtes du Rhône et Côtes-du-Rhône Village.

"On fait le forcing auprès des institutions pour obtenir un maximum d'aides pour les adhérents, car il existe un vrai besoin. On se fait le relai de l'information, mais parfois, il y a un retard entre les annonces et la mise en application, alors que les conditions continuent à se dégrader."

En effet, si la vigne continue de pousser, les ventes, elles, ne sont pas forcément au rendez-vous avec la crise sanitaire. "La pandémie n'a pas affecté la production, mais plutôt la commercialisation, qui vient s'ajouter à la baisse des ventes dans la grande distribution que l'on constatait déjà depuis plusieurs années."

Mais, avec les premier confinement, cette baisse a été amortie parce que tous les autres canaux de distributions étaient fermés. "Certes, les volumes ont été vendus, mais la valorisation du produit s'est dégradée", commente Denis Guthmuller. Selon lui, le Covid-19 a surtout eu un impact sur la consommation des adhérents qui consommaient habituellement par les circuits les plus traditionnels (restauration, salons, cavistes...). "De manière générale, on a observé un ralentissement significatif des ventes."

Le président du syndicat ne cache pas ses inquiétudes quant à 2021. "Il est encore difficile aujourd'hui d'évaluer les conséquences de cette crise qui va profondément impacter la filière viticole rhodanienne", estimait d'ailleurs le dernier rapport d'activité du syndicat.

70% du vignoble certifié bio et haute valeur environnementale en 2025

En attendant le rebond, le nouveau président du Syndicat des vignerons des Côtes-du-Rhône veut explorer également la question de la prise en compte de l'environnement sur les vignes. "A ce sujet, les attentes sociétales sont croissantes", admet-il. Plusieurs mesures ont déjà été instaurées (charte paysagère, partenariats avec des associations de protection de la nature, évolution du cahier des charges), mais les efforts sont à poursuivre.

Denis Guthmuller annonce un objectif audacieux : "On vise 70% du vignoble certifié en bio et HVE (haute valeur environnementale) d'ici 2025. C'est ambitieux, mais on va s'atteler à la tâche. On est convaincus que nos pratiques environnementales peuvent et doivent évoluer de façon cohérente."

A l'heure actuelle, un peu plus de 10% des surfaces cultivées sont bio et environ 15% sont certifiées HVE. Il souhaite en effet créer une commission environnement au sein du syndicat général avec l'idée de "partager les expériences et éviter les écueils grâce aux échanges, et de faire profiter le collectif des expériences abouties sur le terrain."

Dans ce sens, les formations à la biodiversité pour les vignerons seraient renforcées. D'autres signatures de partenariats biodiversité avec des associations sont également au programme.

Mieux évaluer les coûts de production

A propos de l'aspect environnemental, plutôt que des restrictions, le président fraîchement élu favorise l'accompagnement. "C'est ma philosophie personnelle, mais je préfère faciliter plutôt que contraindre. Donner les clés et communiquer permet de faire évoluer et les choses et d'impliquer les gens."

Toujours dans l'esprit de mutualisation, un projet d'assurance récolte contre les aléas climatiques (aujourd'hui individuelle) est sur la table.

Le syndicat envisage également créer des indicateurs sur les coûts de production, ce qui permettrait d'assurer un partage de la valeur dans la filière et de valoriser le travail des vignerons. "C'est un métier qui fait régulièrement face à des crises et à des cours qui varient à la hausse ou à la baisse. Je préfère développer une activité pérenne et que tous les acteurs de la filière gagnent correctement  leur vie. [...] Pérenniser notre travail, peut aussi permettre aux générations futures d'exploiter de façon saine et durables les terrains", souligne Denis Guthmuller.

L'idée de soumettre une charte éthique aux courtiers et négociants de la Vallée du Rhône est aussi dans les cartons, afin de "développer une relation vertueuse."

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Commentaire 1
à écrit le 11/02/2021 à 8:43
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