Sécheresses, inondations... à Lyon, Groupama et l’EmLyon s’attaquent à la modélisation des risques climatiques

Réussir à calculer le prix juste des primes d’assurance, en tenant compte des risques climatiques, voilà un dossier qui préoccupe de nombreuses compagnies d’assurance. Problème : malgré toutes les technologies à disposition, réussir à prédire la fréquence et l’intensité des sinistres liés au climat n’est pas une sinécure. D’où le partenariat récemment développé entre Groupama Rhône-Alpes Auvergne et l’EmLyon autour de la chaire « Risque Climatique et Assurance Dommage ».
Comment réussir à modéliser ce qui semble impossible à anticiper ? Avec, parmi les principaux risques climatiques à venir au cours des prochaines années, la sécheresse, qui inquiète particulièrement les experts. Des questions auxquelles vont tenter de répondre l'EmLyon et le groupe Groupama RAA, dans le cadre de la chaire « Risque Climatique et Assurance Dommage ».
Comment réussir à modéliser ce qui semble impossible à anticiper ? Avec, parmi les principaux risques climatiques à venir au cours des prochaines années, la sécheresse, qui inquiète particulièrement les experts. Des questions auxquelles vont tenter de répondre l'EmLyon et le groupe Groupama RAA, dans le cadre de la chaire « Risque Climatique et Assurance Dommage ». (Crédits : Reuters)

« Le coût des sinistres climatiques pour Groupama Rhône-Alpes Auvergne (Groupama RAA) représente en moyenne 12% du chiffre d'affaires sur cinq ans, avec une année 2022 particulièrement sinistrée » , explique Pierre Crouzet, directeur des risques climatiques et émergents chez Groupama RAA. Un montant non négligeable, puisque le chiffre d'affaires 2023 du groupe avait pour rappel dépassé le milliard d'euros, et qui se répercutera forcément en bout de ligne sur les primes d'assurance.

« En 2022, notre caisse régionale a en effet comptabilisé 300 millions d'euros de sinistres climatiques et 120 millions d'euros en 2023, qui a pourtant été une année sans événement climatique particulier. Nous sommes entrés dans une ère de récurrence sur ce type d'événements », ajoute Pierre Crouzet.

Tout l'enjeu pour les assureurs, les entreprises, les collectivités mais aussi l'État, réside donc dans une meilleure prévision de ces sinistres climatiques et leurs conséquences afin de mieux les anticiper. Et c'est bien là que le bât blesse : comment réussir à modéliser ce qui semble impossible à anticiper ?

C'est l'une des questions à laquelle va tenter de répondre l'EmLyon dans le cadre de la chaire « Risque Climatique et Assurance Dommage », rattachée au centre de recherche Quant, spécialisé en modélisation mathématique et développée avec Groupama RAA.

L'ambition de ce partenariat, basé sur le mécénat, vise à essayer de modéliser ces risques, et par conséquent, les anticiper et adapter les futurs contrats d'assurance. Car l'enjeu derrière cette quête de prévisibilité est également financier. Face à l'augmentation de ces phénomènes et leurs conséquences, l'explosion des primes d'assurance n'est pas à exclure. Et ce, pour les entreprises comme les particuliers.

Selon ses estimations, la Caisse centrale de réassurance (CCR) estime que la seule facture des sinistres catastrophes naturelles ( « Cat Nat ») pourrait croître de +40 % à l'horizon 2050, voire de 60 % pour tenir compte des nouveaux enjeux de couverture pour les assurés.

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La prise en considération de ces sinistres pourrait également se traduire par une modification des franchises, une redéfinition des risques couverts ou davantage de prévention...

La sécheresse, un fléau pour tous les bâtiments

Parmi les risques climatiques, la sécheresse inquiète particulièrement les experts.

« On s'attend à ce que 12 millions de maisons individuelles soient touchées par exemple par le retrait-gonflement des argiles [lors du retrait de l'eau dans le sol, on peut observer une rétractation de ce dernier qui peut engendrer un déséquilibre des ouvrages et toucher les fondations, ndlr]. »

Le nombre de déclarations liées à ce phénomène devrait rapidement augmenter, selon Pierre Crouzet.

Certains départements français sont déjà confrontés au manque d'eau. Selon Eaufrance, le service public d'information sur l'eau, la pluviométrie a été déficitaire d'environ 20% au mois de janvier, sur l'ensemble du pays. Dans certains territoires, ce déficit atteint 50 voire 75%. Résultat, au 12 février, « trois départements ont mis en œuvre des mesures de crise et six départements sont concernés par des restrictions des usages de l'eau au-delà de la vigilance. » À titre de comparaison, aucun département n'était concerné en 2022.

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Les risques liés à la sécheresse sont étroitement liés aux conditions météorologiques et aux précipitations. « On se confronte à une science qui n'est pas une science exacte avec la météo. Le niveau d'incertitude est fort quand on parle de prévisions météorologiques » , insiste Pierre Crouzet.

S'appuyer sur des données historiques pour prédire des comportements moyens à l'avenir, ne fonctionne plus aussi bien qu'avant.

« Cela fait 100 ans que les économistes et les assureurs modélisent avec des données l'imprévisibilité. Il y avait, jusqu'ici, une belle régularité dans l'aléatoire, mais c'est en train de changer », constate Lorenz Schneider, professeur de finance mathématique à l'Em Business Lyon.

Une difficulté que confirme Pierre Crouzet : « Nos actuaires ont du mal à faire le travail qui consiste à regarder le passé pour lire l'avenir. Ils sont obligés d'ajouter des critères d'aggravation dont on ne connaît pas le niveau. »

Mutualiser les données et partager les résultats

La chaire « Risque climatique et Assurance Dommage » permettra de travailler autour de la modélisation probabiliste de ces risques climatiques, afin d'aboutir à une meilleure compréhension de l'adaptation des mécanismes d'assurance dommage à la transition environnementale.

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« Nous avons sélectionné un thésard qui aura quatre ans pour étudier ces choses en profondeur. De mon côté, je vais travailler avec lui sur les risques posés par les conditions météorologiques extrêmes et les changements dans les modèles de saisonnalité » , développe Lorenz Schneider. Pour se faire, les deux chercheurs pourront s'appuyer sur des données concrètes que leur partagera, sous respect de la RGPD, Groupama Rhône-Alpes Auvergne.

« Nous mettons nos données à disposition de Lorenz Schneider et son étudiant mais il appartient globalement aux assureurs de fournir leurs données. Pascal Demurger évoquait récemment la nécessité d'échanger nos données et de travailler sur un panel plus large pour permettre une robustesse de l'analyse » , lance Pierre Crouzet comme un appel à l'action.

En effet, Groupama RAA assure de nombreuses sociétés et des artisans en zone rurale, particulièrement affectés par les incidents climatiques. Leurs données ne sont donc pas forcément représentatives de la situation globale de l'Hexagone.

Si les données resteront cantonnées à un usage spécifié avec le doctorant et Lorenz Schneider, l'objectif est également de collaborer avec d'autres chercheurs et de partager les réflexions et les avancées. Des conférences et des séminaires seront ainsi organisés avec des académiciens, des entreprises mais aussi des étudiants.

De la responsabilité des assureurs

En septembre 2023, le directeur général de Groupama Rhône Alpes, Francis Thomine, a créé en interne sa propre « Direction des risques climatiques et émergents », dont Pierre Crouzet a pris la tête. Dotée d'une vingtaine de personnes, elle possède un double objectif :

  • Lutter contre le dérèglement climatique, en décarbonnant son fonctionnement  (flotte de véhicules, déplacement des collaborateurs, suppression des énergies fossiles dans nos bâtiments) etses activités de gestion des sinistres (pièces de réemploi, réparations, déplacements, etc) ou encore en orientant sa politique d'investissement durable.
  • Se désensibiliser aux risques climatiques, en améliorant leur connaissance de ce type de risques et des zones particulièrement touchées.

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