Entre 1960 et 2055, le Rhône aura perdu un tiers de son débit

Une étude pilotée par l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse estime que le débit du Rhône va baisser de 20% en été, en aval, d'ici 2055. En cent ans, entre 1960 et 2055, le Rhône aura ainsi perdu un tiers de son débit. L’Agence appelle donc à l'économie de la ressource et à la désimperméabilisation des sols pour tenter d'améliorer la situation.
(Crédits : Karen Latour / ADE)

« Le Rhône est le fleuve le puis puissant de France et le seul grand fleuve encore alimenté par un glacier », affirmait en point presse, Martial Saddier, Président du comité de bassin Rhône-Méditerranée, l'instance qui élabore la politique de gestion de l'eau sur son territoire, de Belfort à la Méditerranée. Malgré cette puissance, le Rhône perd petit à petit en abondance et il n'est pas inépuisable. C'est d'ailleurs l'orientation de l'étude que l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse a présentée vendredi dernier. Cette institution publique répond à la politique du comité de bassin et a pour mission « la reconquête du bon état de l'eau et des milieux aquatiques ».

Une baisse de débit déjà en cours

 « Le Rhône est un fleuve abondant, mais dont la répartition est inégale : 40% des bassins-versants sont en déficit. Il y a un équilibre précaire entre la disponibilité et les prélèvements », soulignait Marie-Hélène Gravier, cheffe de service eau et électricité à la Dreal (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement).

 Environ trois milliards de m3 d'eau sont prélevés définitivement du Rhône, soit 5% de son volume en temps normal, mais cela représente 15%, voire 30% de son volume lors des périodes de fortes sécheresses. La moitié est destinée à l'irrigation (48%), puis au transfert hydro-électrique (24%), l'eau potable (16%), à l'industrie (5%) et à la navigation (5%). A ce jour, 2,8 millions de personnes sont alimentées en eau potable par les eaux du Rhône et sa nappe.

Il faut savoir aussi que son débit a déjà diminué de 7% (mesuré à Léman), voire 13% (mesuré en aval, à Beaucaire, en Camargue, en été) depuis 1960.

L'eau du fleuve Rhône s'est également réchauffée« Depuis 1970, la température moyenne de l'eau a augmenté de 2,2°C au nord à 4,5°C au sud sous l'effet conjugué de l'élévation de la température de l'air et de l'implantation de centrales nucléaires de production d'énergie », souligne l'Agence de l'eau.

Il y a actuellement quatorze réacteurs nucléaires sur le Rhône, dont huit en circuit de refroidissement ouverts qui prélèvent et rejettent de l'eau plus chaude dans le Rhône. Une problématique qu'ont d'ailleurs pointé les élus écologistes de Lyon ainsi que les associations anti-nucléaires.

L'Agence de l'eau observe aussi un changement au niveau des précipitations, jouant ainsi sur le débit. « Il ne pleut pas moins sur le bassin-versant, mais il ne pleut pas pareil », explique Laurent Roy, directeur général de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Il y a aussi moins d'enneigement (-10% de quantité de neige) et les précipitations sont plus espacées et parfois plus abondantes, créant des irrégularités.

Des hivers très abondants et des étés très secs

L'été 2022 a été exceptionnellement sec et cela pourrait devenir de plus en plus fréquent. Préfecture et Agence de l'eau appellent donc à la vigilance pour 2023 et les années à venir.

« On s'attend à une augmentation du débit du Rhône au printemps et en hiver et à une baisse en été et en automne », souligne l'Agence. Au mois d'août, à horizon 2055, le débit pourrait diminuer de 19% ou 20%, selon les endroits. En hiver, il augmenterait de 30% ou 22%. Des écarts de plus en plus significatifs, dont il va falloir tirer parti, notamment en stockant le « surplus » en hiver. « En un siècle, le débit du Rhône aura baissé d'un tiers », résume Martial Saddier (entre 1960 et 2055).

Cette baisse de débit pourrait aussi faire ressentir ses conséquences sur la remontée du coin salé. « Cette intrusion d'eau salée dans le fleuve, en période de basses eaux, pourrait plus fréquemment poser un problème pour la production d'eau potable et l'irrigation des territoires situés dans le delta du Rhône. »

« Enfin, avec des débits plus faibles et une eau plus chaude, la biodiversité aquatique du Rhône sera fragilisée », ajoute l'Agence de l'eau.

Changer les usages

Le dernier plan de bassin adopté en 2022 anticipait déjà ces conclusions. « La priorité, c'est l'économie de l'eau et la désimperméabilisation pour recharger les nappes », a rappelé Martial Saddier,

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 « Il faut retenir l'eau dans le sol, lutter contre le gaspillage de l'eau potable, en agriculture et dans l'industrie, explorer les solutions fondées sur la nature pour redonner aux espaces naturels leurs bons fonctionnements. On ne fera jamais mieux que les nappes », a appuyé le président du comité de bassin.

Pour les centrales nucléaires, les facteurs énumérés ci-dessus seront à prendre en compte sérieusement. « La baisse des débits en été conjuguée au réchauffement de l'eau générera des contraintes de fonctionnement accrues pour les centrales nucléaires à circuit de refroidissement ouvert, pour respecter les limites réglementaires encadrant leurs rejets d'eaux de refroidissement. Cette baisse devrait également se traduire par une diminution du productible théorique en été des centrales hydroélectriques installées au fil de l'eau », développe l'Agence de l'eau.

Sur le point du nucléaire, sujet de tension dans la région, l'Agence de l'eau se veut sans parti pris, mais Laurent Roy suggère néanmoins un plus grand recours aux circuits de refroidissement fermés.

Des solutions qui valent pour l'horizon 2055, voire au-delà, mais qui risquent d'être obsolètes à terme, « car un jour, il n'y aura plus de glacier dans les Alpes, à horizon 2100 », tranche Laurent Roy.

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