De Belfort à la Méditerranée, le bassin Rhône-Méditerranée investira 3,2 milliards pour préserver l'eau

Dans un contexte tiré par l'urgence climatique, à l'échelle mondiale comme en région, la question de la préservation de l'eau est devenue capitale. Mi-mars, le comité de bassin Rhône-Méditerranée a adopté son nouveau plan directeur 2022-2027, avec un budget de 3,2 milliards pour améliorer la qualité de l'eau de ce bassin (de Belfort à la Méditerranée), mais surtout pour l'économiser. Le tout sur un vaste territoire, où l'industrie et le tourisme sont des secteurs particulièrement présents, et avec lesquels il lui faut donc travailler.
Le bassin Rhône-Méditerrannée représente 20% du territoire national et quinze millions d'habitants. L'an dernier, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse alertait déjà sur la situation du débit du fleuve, qui a déjà diminué et pourrait baisser d'encore 40% d'ici la fin du siècle.
Le bassin Rhône-Méditerrannée représente 20% du territoire national et quinze millions d'habitants. L'an dernier, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse alertait déjà sur la situation du débit du fleuve, qui a déjà diminué et pourrait baisser d'encore 40% d'ici la fin du siècle. (Crédits : A.T.)

Le comité de bassin Rhône-Méditerranée a adopté à la mi-mars son plan de gestion des eaux pour 2022-2027, ou Schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE).

Une feuille de route qui se chiffre à 3,2 milliards d'euros sur six ans. Ce budget provient en effet des redevances payées par les consommateurs et c'est l'Agence de l'eau qui est ensuite chargée de mettre en place ce SDAGE.

Aussi, quatre collèges composent le comité : les usagers économiques, les collectivités, les usagers non-économiques et les représentants de l'État.

"Le bassin qui subit le plus d'impact et de changements climatiques"

Le périmètre de ce bassin suit le Rhône du territoire de Belfort jusqu'à Nîmes, et couvre la Méditerranée de Nice à Perpignan. "Il représente 20% du territoire national et quinze millions d'habitants", affirme Martial Saddier, président du comité de gestion du bassin et aussi président du conseil départemental de Haute-Savoie. Il fait partie des six grands bassins de France, suivants les six plus grands fleuves.

"La priorité absolue, c'est d'économiser l'eau", tranche Martial Saddier. Le réchauffement climatique et ses conséquences, largement détaillées dans le dernier rapport du GIEC, sont des facteurs à absolument intégrer dans ce SDAGE.

"Il y a un recul des glaciers, une baisse de la pluviométrie dans le sud du bassin et le report de la pluie dans le Nord... Si on veut s'en sortir, il faut économiser de l'eau", poursuit-il.

Car ce bassin aux contours particulièrement larges, puisqu'il va des glaciers à la mer, subit lui aussi une multitude de changements hydriques. "Nous ne sommes plus à nous demander si ça va se réchauffer, le constat est sans appel, dans la vallée alpine, on a déjà enregistré une augmentation de trois degrés. [...] C'est le bassin qui subit le plus d'impacts et de changements climatiques, surtout autour de la Méditerranée, où l'on observe une réduction de la pluviométrie de 15%", avance Martial Saddier.

Dans le Rhône par exemple, le bilan hydrique fait état d'une perte de 128mm d'eau entre les deux dernières périodes trentenaires (1961-1990 et 1991-2020), selon l'ORCAE AuRA (Observatoire régional climat air énergie).

Une pression sur la ressource

L'Orcae dresse également le même constat : "Des températures en hausse et un couvert neigeux en baisse conduiront à des conditions asséchantes et donc, à une pression accrue sur la ressource en eau en Auvergne-Rhône-Alpes. Ce déficit devrait toucher à terme tous les territoires, même ceux dont la ressource est aujourd'hui considérée comme abondante. La qualité des eaux pourrait également être impactée."

"Il faut trouver de la substitution dans, soit de nouvelles nappes, soit dans le Rhône", selon Martial Saddier. Rhône qui subit lui même un perte de débit. L'an dernier, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée-Corse alertait sur la situation du débit du fleuve, qui a déjà diminué et pourrait baisser d'encore 40% d'ici la fin du siècle.

"En 2050, les affluents non méditerranéens du Rhône (Saône, Loue, Ognon...) perdraient 20 à 50% d'eau en été et en automne, et jusqu'à 75% en été pour l'Isère et la Durance", ajoute même l'Orcae (l'Observatoire climat air énergie d'Auvergne-Rhône-Alpes).

Dans son volet de la gestion de la ressource en eau, le SDAGE prévoit ainsi "d'économiser ou de substituer environ 210 millions de m3 d'eau entre 2022 et 2027 (soit environ 35 millions de m3 nouveaux par an ce qui représente la consommation annuelle d'une ville de la taille de Lyon)."  Une ambition qui suit les travaux déjà engagés dans le précédent SDAGE : "environ 32 millions de m3 par an nouvellement économisés ou substitués entre 2016 et 2021."

Il s'agit aussi de trouver des nouvelles solutions de stockage. "Nous sommes confrontés à des pénuries, donc quand il y a des excès, il faut en stocker une partie", commente Martial Saddier. Le SDAGE ambitionne aussi de passer de 88% à 98% en 2027 de bon état quantitatifs des nappes souterraines. Un travail de renaturation des cours d'eau est à faire pour permettre aux poissons et aux sédiments de circuler. "Les nappes stratégiques profondes doivent pouvoir se recharger et cela passe par la préservation des zones humides", indique Martial Saddier.

Aussi, "en 30 ans, les eaux du Rhône se sont réchauffées de 2°C à son embouchure en saison estivale". Or, le réchauffement des eaux pourrait aggraver le problème de la qualité de l'eau, en favorisant le développement de bactéries et la colonisation d'algues et d'espèces invasives et/ou pathogènes. En parallèle, la capacité d'autoépuration des milieux pourrait baisser, ainsi que la capacité de dilution des cours d'eau, souligne l'ORCAE.

Parmi les objectifs chiffrés, le SDAGE vise également 67% de bon état écologique des milieux aquatiques, contre seulement 48% actuellement.

"L'évaluation des progrès accomplis pour atteindre les objectifs du SDAGE 2016-2021 montre que l'état écologique des eaux superficielles est relativement stable, alors que dans le même temps les pressions exercées sur les milieux aquatiques augmentent significativement (hausse de la population, évolution de l'usage du sol, développement des activités économiques), attestant de l'efficacité des actions menées pour maîtriser les impacts de ces pressions."

Les acteurs économiques dans la gestion de l'eau

La spécificité de ce bassin, "c'est la croissance démographique et c'est aussi le premier bassin industriel et le plus touristique, entre le ski et la Méditerranée", explique Martial Saddier.

Des secteurs d'activité avec lesquels il faut composer. "L'eau est un élément essentiel pour le fonctionnement des industries. En l'utilisant comme source d'énergie, fluide calorifique ou réceptacle des rejets, les industriels participent au cycle de l'eau. Pour cette raison, l'industrie, est, au titre d'usager de l'eau et des milieux aquatiques, partie prenante des instances qui définissent les modalités de gestion et de préservation de l'eau." Un guide avait ainsi été mis à leur disposition dans le précédent SDAGE.

Quant au tourisme, notamment dans les Alpes, le rapport du GIEC rappelait déjà, en février dernier, que pour "prévenir des conflits futurs autour de l'utilisation croissante de ressources en eau par l'industrie du ski dans les Alpes (mais aussi en Scandinavie),[il conseillait] la mise en place d'une gouvernance à grande échelle pour éviter une compétition féroce autour de cette ressource".

Auvergne Rhône-Alpes est aussi une région d'agriculture et la lutte contre les pollutions agricoles est largement incluse dans le SDAGE, qui prévoit ainsi de "garantir la qualité de la ressource pour 281 captages prioritaires pour l'alimentation en eau potable inscrits dans le SDAGE 2022-2027, dont 80% sont dégradés par les pesticides et 45% par les nitrates." Le comité de bassin note toutefois que sur le dernier SDAGE, c'est le monde agricole qui a fait le plus d'efforts, autant en qualité qu'en quantité.

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