Bassin Rhône-Méditerranée Corse : les polluants sont en baisse depuis trente ans, mais persistent encore

DECRYPTAGE. La gestion (et le partage) de la ressource en eau est devenu un enjeu majeur face au réchauffement climatique, mais aussi face aux pollutions diverses comme celle mise à jour dans la Vallée de la Chimie lyonnaise, avec le dossier des perfluorés. L'Agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse a délivré son état des lieux de la qualité des eaux de ce bassin, qui s'étend de Belfort à la Méditerranée. Un bilan en demi-teinte puisque les polluants sont en baisse depuis trente ans, mais persistent encore. Le travail d'économie et de désinperméabilisation se poursuit, tandis que le sujet de "méga-bassines" a également été soulevé.
Les micropolluants ont été divisés par six en l'espace de quinze ans au sein du bassin Rhône Méditerranée : parmi eux, on retrouve notamment des substances utilisées comme les plastifiants ou encore le Bisphénol A, ainsi que des substances pharmaceutiques, mais aussi les perfluorés (ou PFAS), dont la présence avait été révélée par l'enquête de France télévisions (Vert de rage) à proximité de la Vallée de la Chimie.
Les micropolluants ont été divisés par six en l'espace de quinze ans au sein du bassin Rhône Méditerranée : parmi eux, on retrouve notamment des substances utilisées comme les plastifiants ou encore le Bisphénol A, ainsi que des substances pharmaceutiques, mais aussi les perfluorés (ou PFAS), dont la présence avait été révélée par l'enquête de France télévisions (Vert de rage) à proximité de la Vallée de la Chimie. (Crédits : A.T.)

"C'est un contexte particulier, une année de tous les records, il y a eu la sécheresse des sols, la baisse de la pluviométrie et une hausse de température de 2,5°C. Pour autant, la qualité de l'eau s'améliore. [...] Le système a été tendu, mais n'a pas craqué", contextualise Martial Saddier, président du comité de bassin Rhône-Méditerranée. Ce comité fixe la feuille de route de l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse, qui vient de présenter son état des eaux du bassin (allant de Belfort à la Méditerranée).

Chaque année, l'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse mène en effet près de 5,5 millions d'analyses : il en est ressorti que 48% des masses et cours d'eau du bassin Rhône Méditerranée sont en bon ou très bon état écologique (contre 52% en 2015). Une variation qui s'explique en partie par le changement des règles d'évaluation. Et 85% des nappes souterraines sont en bon état chimique.

Un bilan contrasté donc. "Le changement climatique augmente la pression, le bon état est d'autant plus difficile à atteindre", complète Laurent Roy, directeur de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse. Car 70% des cours d'eau du bassin "sont concernés par des pressions dues aux activités humaines qui menacent l'atteinte du bon état écologique des eaux l'horizon 2027 [...] et qui pourraient entraîner une dégradation de la situation si rien n'est fait, a fortiori sous l'effet du changement climatique."

Les polluants en baisse mais encore bien présents

Alors que retrouve-t-on dans les eaux du bassin ? 1.037 paramètres sont analysés et plus de 500 substances toxiques ont été détectées, dont plus de la moitié sont des pesticides. Malgré les interdictions de certains d'entre-eux, ils persistent encore dans eaux souterraines, parfois même "à des concentrations supérieures aux normes exigées pour l'alimentation en eau potable".

"Un progrès a été fait sur les macropolluants comme l'azote ou le phosphore, mais il y a une gros sujet sur les micropolluants (médicaments, pesticides)", pointe Laurent Roy. Par exemple, la concentration d'ammonium été diminuée par 20 en trente ans. En 1990, on retrouvait environ 2,4 mg d'ammonium par litre. En 2021, la concentration se rapproche de 0,1 mg par litre.

Des baisses très notables qui sont principalement dues à l'amélioration des systèmes d'épuration et à l'interdiction d'utilisation de certains produits. L'Agence de l'eau alerte toutefois sur les effets du réchauffement climatique, et donc des eaux, qui participe à l'augmentation de la concentration des nutriments.

Des efforts, mais des pesticides présents dans 82% des rivières

Pour les micropolluants, ils ont été divisé par six en quinze ans. Dans les micropolluants, on retrouve aussi des substances utilisées comme les plastifiants ou encore le Bisphénol A, ainsi que des substances pharmaceutiques, issues des excrétas humains et animaux (stéroïdes, cosmétiques...).

Malgré ces efforts, on retrouve encore des pesticides dans 82% des rivières : "l'agence accompagne la filière pour réduire les intrants". Même si, après les systèmes d'épuration, "c'est le secteur qui a fourni le plus gros effort."

Parmi les micropolluants, on retrouve également les HAP (hydrocarbure aromatiques polycycliques) issus de la combustion de matière organique (bois, fuel...). Ils proviennent en grande partie du chauffage résidentiel (66% des émissions) et du transport routier (25%).

Selon l'Agence de l'eau "les substances les plus toxiques rencontrées dans les cours d'eau sont de loin les HAP", et leur concentration "reste encore en moyenne 15 fois supérieur aux normes admises pour la protection de l'environnement", même si elle a été divisée par quatre depuis 2008.

Quid des perfluorés ?

Les perfluorés ou PFAS, dont on a beaucoup entendu parler cet été depuis l'enquête de France télévisions (Vert de rage) sur la Vallée de la Chimie, sont "extrêmement persistants et ne se dégradent pas", note Laurent Roy. Il en existe un peu moins de 5.000 et ils ne sont mesurés par l'Agence de l'eau uniquement depuis 2018.

Dans la Vallée de la Chimie, deux entreprises (Arkema et Daikin) ont d'ailleurs été épinglées cet été pour leurs rejets de PFAS, qui ont conduit la préfecture du Rhône à émettre une nouvelle série d'analyses quotidiennes. Début octobre, l'ARS s'est appuyée sur ces résultats pour affirmer qu'il n'existait à ce stade pas de restriction à la consommation d'eau, mais recommande de ne pas consommer les poissons pêchés dans le Rhône en aval de Pierre-Bénite et dans le Garon en l'attente de nouvelles analyses.

Très utilisées, ces substances "sont omniprésentes dans l'environnement", avec "un risque de perturbation de la vie aquatique." Parmi les zones les plus impactées, on retrouve l'aval de Lyon, à cause des rejets industriels, mais aussi les abords des aéroports de Lyon Saint-Exupéry et Montpellier Méditerranée, car les nombreux entraînements en cas de feu utilisent des mousses anti-incendie à base de PFAS.

Dans les nappes souterraines, c'est la présence de nitrates qui va définir la qualité de l'eau. Leur présence est imputable principalement à l'agriculture (sur-fertilisation, drainage...). Depuis trente ans, la politique européenne tente toutefois de lutter contre la pollution des eaux par les nitrates. Mais "l'évolution des concentration moyennes [...] ne montre aucune tendance significative à la baisse", imputable notamment aux changements climatiques (sécheresse, température). La concentration moyenne de nitrate oscille entre 15 et 17 mg par litre depuis 2008.

Préserver la quantité

La quantité est aussi un enjeu majeur pour l'Agence de l'eau. Le comité de bassin l'avait fait savoir dès l'établissement de sa feuille de route et le réitère : la priorité, c'est l'économie d'eau. Et donc par la même occasion, sa restauration. L'Agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse a ainsi réinvesti 400 millions d'euros dans les territoires en 2021, afin d'aider divers projets comme la restauration de zones humides, l'aide aux agriculteurs pour utiliser moins d'intrants ou l'aide aux communes pour des systèmes de chauffages plus respectueux de l'environnement.

L'Agence a par ailleurs un rôle à jouer sur la désinperméabilisation des sols pour recharger les nappes, préserver la biodiversité et diminuer la pollution par ruissellement. En Rhône-Alpes par exemple, 1,9 millions de m3 d'eau ont été nouvellement économisés en 2021, 36,4 hectares de sols désinperméabilisés et 281 hectares de zones humides restaurées ou préservées.

Sur l'ensemble du bassin, ce sont ainsi 140 hectares qui ont été désinperméabilisés entre 2019 et 2021 (sur un objectif de 400 hectares d'ici 2024) et 376 millions de m3 d'eau qui ont été nouvellement économisés. Des économies réalisées à 70% sur le secteur agricole.

"Renaturer est le chantier le plus fastidieux", affirme Laurent Roy. Car il s'agit aussi de rendre un fonctionnement naturel aux rivières. Actuellement, 58% des cours d'eau du bassin Rhône-Méditerranée sont artificialisés (endiguement, bétonnage, recalibrage ...) et 42% sont cloisonnées par un ouvrage infranchissable, ce qui nuit à leur écosystème.

En lien avec les collectivités l'Agence de l'eau travaille donc à la restauration du linéaire ainsi qu'à rendre franchissable les obstacles pour laisser passer les poissons et les sédiments (1.250 ouvrages rendus franchissables en 2021).

Avec les PTGE (projets de territoire pour la gestion de l'eau), elle tente notamment d'établir des plans de partage de la ressource. Mais certains secteurs touristiques sur la Côte-d'Azur, "il est difficile de faire émerger un PTGE", car le secteur se montre réfractaire.

Quant au dossier des "méga-bassines" qui ont généré récemment un vif débat, l'Agence de l'eau ne se positionne ni pour ni contre, tant qu'elles sont réglementées.

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