Décolletage : « Plus que quelques semaines avant de ramasser les cadavres des entreprises frappées par la crise énergétique » (Alain Appertet)

INTERVIEW. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et Roland Lescure, ministre délégué en charge de l’industrie, sont aujourd’hui dans la Vallée de l’Arve (Haute-Savoie), pour y rencontrer les acteurs du secteur du décolletage. Un secteur majeur pour ce territoire, qui pèse plus de 20% du PIB de la Haute-Savoie et qui représente à lui seule les trois quarts de l’activité française du décolletage. A cette occasion, Alain Appertet, président du SNDEC (Syndicat national du décolletage) entend bien leur faire entendre la fragilité de la filière face à l’explosion des coûts de l’énergie.
Face à la flambée des prix de l'énergie et à une filière déjà engagée à marche forcée dans la transition vers l'électrification de l'automobile, la marge de la filière du décolletage est très étroite. A l'occasion de la venue de Bruno Le Maire et Roland Lescure, Alain Appertet, président du SNDEC (Syndicat national du décolletage), qui demande des aides supplémentaires pour la filière.
Face à la flambée des prix de l'énergie et à une filière déjà engagée à marche forcée dans la transition vers l'électrification de l'automobile, la marge de la filière du décolletage est très étroite. A l'occasion de la venue de Bruno Le Maire et Roland Lescure, Alain Appertet, président du SNDEC (Syndicat national du décolletage), qui demande des aides supplémentaires pour la filière. (Crédits : DR)

La Tribune - La filière locale du décolletage, qui regroupe 400 entreprises et 10.000 salariés en Haute-Savoie, a été durement impactée par la crise sanitaire, et par ses multiples conséquences. Après un rebond post-confinement, le début d'année 2022 a pourtant été difficile, en raison notamment de la pénurie de semi-conducteurs qui a bloqué les chaines automobiles, donneurs d'ordre majeurs des décolleteurs. En cette rentrée, comment se portent les entreprises de décolletage de la vallée de l'Arve ?

Alain Appertet - Ces difficultés se sont décantées. Globalement, l'activité est bonne, avec des niveaux comparables à la période pré-covid, grâce notamment aux commandes du ferroviaire, de l'automobile, de la connectique etc. Nous étions jusqu'ici assez optimistes avec quelques ombres d'inquiétude tout de même puisque le sujet des composants n'est pas complètement résolu et que nous sentions peser la menace de l'énergie depuis plusieurs mois déjà.

Menace qui s'est désormais concrétisée...

La situation est en train de se détériorer de manière dramatique, le gouvernement doit en prendre conscience et agir très vite. Sinon, d'ici quelques semaines, nous allons ramasser les cadavres des entreprises défaillantes. Dans le décolletage, la marge est de 3 ou 4%, pas beaucoup plus. Résultat, nous avons en général une trésorerie assurée seulement pour trois mois.

Au fur et à mesure que les contrats énergétiques des entreprises sont renouvelés, cette trésorerie est brulée par les factures délirantes d'énergie. J'ai des adhérents qui sont passés de 6.000 euros par mois à 50.000 euros... Il est impossible d'absorber ces surcouts, la situation est dramatique. Nous comptons la viabilité de nos entreprises en semaines... Je pense que le gouvernement n'a pas conscience de la gravité de la situation.

La filière du décolletage est-elle particulièrement impactée par la hausse des prix de l'énergie ? Le bouclier n'est pas suffisant ?

Avant les hausses, l'énergie représentait en moyenne 2,5 à 2,8% du chiffre d'affaires des entreprises du décolletage. Cette proportion s'est désormais envolée évidemment. Ce bouclier, c'est bien, mais nous ne demandons pas d'usine à gaz. Il nous faut des aides très rapidement car pour certains la situation est déjà critique.

Avez-vous des leviers pour réduire vos consommations énergétiques ?

Oui quelques-uns, et nous n'avons pas attendu l'Etat pour nous pencher sur le sujet : la température dans les locaux, la limitation de la puissance de l'air comprimé, les éclairages etc. Avec tout cela, peut-être que nous arriverons à une réduction de consommation de 10 à 15%. Mais avec des prix qui ont été multipliés par 3 voire 5 ou 10... cela ne fait pas le contrepoids.

Ce problème de l'énergie peut-il remettre en cause la démarche de diversification que la filière du décolletage a engagée ces dernières années ?

Effectivement, et c'est un point très sensible. La décarbonation avec le développement du véhicule électrique vient remettre en cause le modèle des entreprises de décolletage puisque les véhicules électriques ne font pas appel aux mêmes types de pièces que les véhicules thermiques.

De nombreuses entreprises de décolletage de la Vallée de l'Arve travaillent à leur diversification mais cela nécessite des investissements importants car leur outil de production, spécialisé, doit évoluer.

Et c'est justement à ce moment précis de l'accélération de la décarbonation, alors même que nos entreprises doivent investir, qu'elles brulent leur cash dans les factures d'électricité.

Le nouvel appel à projets « Soutien aux projets de diversification des sous-traitants de l'automobile », avec de nombreux lauréats dans la région, annoncés justement ce jour par le gouvernement, doit justement soutenir ces investissements. Ce n'est pas suffisant ?

Disons qu'il faut être très vigilant car cette crise énergétique nécessite une réaction forte et urgente. Sinon, nous aurons des défaillances avant la mise en œuvre des diversifications.

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