Lorsque les mesures sanitaires ont commencé à figer l'économie au printemps dernier, les industriels du décolletage étaient déjà aux prises d'un ralentissement du marché automobile mondial, l'un de ses principaux débouchés. Il est alors devenu plus urgent que jamais de se diversifier, pour bon nombre d'entreprises du coeur français du décolletage.

De la solidarité à la diversification

Chez Savoy International, un équipementier automobile de rang 1 basé à Cluses (74), la diversification est née d'un élan de solidarité. Au lendemain de l'annonce du confinement général par le président de la République, la direction de l'entreprise se réunit avec un mot d'ordre : que faire pour contribuer à aider les soignants ?

La réponse est vite trouvée. Ce sera la fabrication de masques chirurgicaux... Encore faut-il apprendre à élaborer cet objet en pénurie dans le pays. Or, le haut-savoyard qui compte 1.200 salariés en France et à l'étranger connaît surtout le marché automobile, à qui il consacre 70% de son chiffre d'affaires.

Quarante jours après le confinement, Savoy International a fait venir des machines dédiées à la fabrication de masques chirurgicaux, et la production commence avec même, le concours de salariés d'autres entreprises de la vallée, venus coopérer sur ce projet mobilisateur. « En un mois seulement, on a sorti des masques », relate Arthur Allamand, le directeur marketing de Savoy International. Et cela sans toucher un euro d'aide publique à cette diversification, précise-t-il.

À présent, Savoy International fabrique 1,1 million de masques chirurgicaux chaque jour, dont elle est devenue un des premiers fabricants en France. Cette activité est devenue un métier à part entière de l'entreprise, qui constituera 20% de son chiffre d'affaires en 2021, avec un élargissement prévu de sa production aux masques FFP2. 200 salariés de l'entreprise sont dédiés à cette activité, dont la plupart ont été embauchés en 2020. Et Savoy International, auparavant spécialisé dans le BtoB, a ouvert un site grand public pour commercialiser sa production de masques chirurgicaux.

Quatre ans de gagné

À dix kilomètres de là, à Marignier (Haute-Savoie également), un autre acteur bien plus petit en taille est en train de rebondir lui aussi de manière spectaculaire, après les premières craintes suscitées par la pandémie. DVF Décolletage, dont 40% du chiffre d'affaires dépend du secteur automobile, avait avant la crise des projets de croissance qui devaient la mener à perpétuer son rythme de croissance annuelle de 20% par an d'ici 2025.

Ses projets visent à se moderniser pour mieux répondre aux attentes de ses clients en termes de qualité et de productivité, en s'équipant notamment de systèmes automatiques de tri de pièces et de suivi de production. L'entreprise compte aussi sur ces investissements pour réduire sa dépendance à ses principaux marchés, et en conquérir de nouveaux pour lesquels ses équipements industriels sont insuffisants.

Le premier confinement l'a cependant d'abord conduite à geler ses investissements, sous le coup d'un recul de 30 à 40% de son chiffre d'affaires en trois mois. Les deux frères dirigeants, Vincent et Martial Valero, doivent alors considérer le report de la stratégie de croissance.

Mais c'était sans compter les possibilités offertes par le plan de relance gouvernemental tourné vers les entreprises oeuvrant pour le secteur automobile : dès le mois de juin, DVF Décolletage se renseigne sur les aides disponibles et dépose son dossier. Les mois suivants voient l'entreprise retrouver un niveau d'activité correct.

La bonne surprise arrive à l'automne. DVF Décolletage se voit attribuer une subvention de 510.000 euros, soit plus de 80% de ses investissements prévus. Le montant est considérable pour la petite PME dont le chiffre d'affaires annuel s'établit à 1,6 million d'euros.

Au lieu de voir son plan de croissance être retardé de plusieurs années, DVF Décolletage prévoit désormais avancer son objectif, car tous ses investissements seront opérationnels d'ici six mois. « Avec ces investissements, nous pouvons rivaliser avec des concurrents asiatiques », affirme Vincent Valero, co-dirigeant de DVF Décolletage.

Déjà des contacts sont établis pour servir des éventuels clients dans le secteur de la pêche de loisirs, où l'entreprise pourrait fournir des pièces entrant dans la composition des hameçons. Et la mise en place systèmes performants de qualité pourrait encourager sa présence dans la fourniture de pièces utilisées dans l'assemblage des sous-marins nucléaires.